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19.05.2015

Esprit de Vatican II, es-tu là ? Le colloque des 21 & 22 mai

Sous la houlette du Pr Gerd-Rainer Horn, historien spécialiste des mouvements catholiques de gauche, le Centre d’histoire de Sciences Po, la Fondation Jean Jaurès et le Centre d’étude du fait religieux contemporain (CEFRELCO) organisaient les 21&22 mai un colloque consacré à “L’esprit de Vatican II". Un événement à revivre en vidéo

Le Pr Horn revient sur la portée du concile Vatican II, dont l’influence a largement dépassé la sphère religieuse, à travers l’émergence du catholicisme de gauche, qui a marqué de son empreinte la société des années 60&70.

  • Comment définiriez-vous “l’esprit de Vatican II” ?

Pr Gerd-Rainer Horn : Ouvert par le Pape Jean XXIII en 1962, le concile de Vatican II a été une sorte d’assemblée générale de l’Église, avec 2500 évêques venus du monde entier - l’un d’entre eux était même venu en stop - et des représentants de tous les ordres religieux. Il y avait aussi durant les sessions du concile une sorte de “Vatican off” : évêques, laïcs, prêtres, journalistes, tout le monde se retrouvait en ville pour agiter des idées nouvelles, dans une ambiance extraordinaire. Rome était vraiment “the place to be”.

Ce concile a représenté un tournant pour le catholicisme et sa hiérarchie : après des siècles tournés vers le passé, l’Église a commencé à s’occuper du présent et de l’avenir. On a surtout retenu l’abandon de la messe en latin et les changements dans la liturgie, mais le concile a une portée plus large : c’est une réorientation vers l’ouverture au monde. L’esprit de Vatican II a eu des conséquences durables et profondes dans toute l’Europe.

  • Comment ces idées nouvelles se sont-elles diffusées après le concile ?

Pr G.-R. H. : À l’exception du texte intitulé Gaudium et spes, qui énonce officiellement cet engagement de l’Église dans le monde et avec les pauvres, les textes du concile sont très flous, très embrouillés...Un théologien allemand parle de “pluralisme contradictoire” pour décrire leur contenu, et c’est vrai que ces écrits reflètent des négociations des compromis complexes. Certaines phrases démarrent sur une idée et se terminent par son opposé ! Mais c’est peut-être aussi un des facteurs du succès du concile : ces textes ont donné lieu à des interprétations très libres, voire radicales pour certains. Dans les années 60, ceux que l’on va appeler “catholiques de gauche” vont interpréter le concile comme un feu vert pour innover.

  • Vous montrez ainsi que l’esprit de Vatican II constitue une préfiguration de l’esprit de mai 68…

Pr G.-R. H. : Oui, on le voit notamment en étudiant les mouvements étudiants de nombreux pays européens. Dans beaucoup de cas, en Italie, en Belgique, aux Pays-Bas, en Espagne, ce sont les universités catholiques qui ont été pionnières dans la mobilisation. Dans certains pays, comme en Italie en 1968, il y avait des événements importants, comme l’occupation de la cathédrale de Parme par des paroissiens, qui ont déchaîné des solidarités, mais entraîné aussi le début des crispations. Un cercle vertueux se met en place dans ces interactions entre les mouvements sociaux religieux et ceux des laïcs dans la décennie des années 60, débouchant sur une sorte de confluence entre ces mouvements.

  • Comment s’est éteint cet esprit de Vatican II ?

Pr G.-R. H. : Les cathos de gauche et le Vatican vivent leur “lune de miel” entre 65 et 68. Mais à partir de 68, une grande partie de la hiérarchie catholique a cessé d’être bienveillante vis-à-vis des mouvements progressistes. Le pape Paul VI a changé de position vis à vis des gauchistes, alors qu’il était proche de ces courants au début de son mandat. Le divorce est consommé vers le début des années 70, et le catholicisme de gauche va reculer. Au final, ceux qui voulaient continuer à militer ont fini par rejoindre les rangs des partis politiques de gauche.

  • Et aujourd’hui ? Le pape François va-t-il raviver l’esprit de Vatican II ?

Pr G.-R. H. : Jean XXIII, le pape qui a commencé toute cette histoire, n’était pas du tout attendu comme un progressiste ni un réformateur : l’aggiornamento qu’il a initié était totalement imprévu. On pourrait imaginer un parallèle avec le pape François : personne ne le voyait au départ comme quelqu’un qui avait envie de faire bouger les choses. Il a aujourd’hui commencé à agir sur certains symboles, mais pas uniquement. Il a notamment émis des critiques musclées à l’égard de la Curie romaine. Il va être intéressant d’observer la suite de son action.

Cependant il faut voir qu’après Jean-Paul II et Benoît XVI, on sort de quarante ans de conservatisme dans l’Église. Ils ont constitué un corps épiscopal plutôt frileux en termes de réforme : si on convoquait un concile aujourd’hui, on aurait toutes les chances d’avoir des profils nettement moins progressistes qu’en 1958 à l’ouverture de Vatican II…

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Légende de l'image de couverture : Carlo Bavagnoli