Comprendre les votes, c’est aussi connaître les thèmes qui mobilisent les électeurs et leur influence sur le scrutin.
Il y a tout d’abord la mesure de ce que les électeurs – pris dans leur ensemble et selon leur appartenance politique – considèrent comme prioritaire, une mesure qui permet d’aller au-delà des idées préconçues. Ainsi, quelles que soient les tendances politiques des sondés, il y a peu d’écart entre eux quand ils se prononcent sur les sujets qu’ils considèrent comme les plus prioritaires. C’est ce que démontre, par exemple, l’Enquête électorale française 2017 (vague 8, novembre 2016)
Pour vous, personnellement, quelle est l’importance de… | |||||
Ensemble | Extrême gauche | Total Gauche | Droite et centre | Front National | |
La lutte contre le chômage | 92% | 93% | 94% | 93% | 91% |
Le terrorisme | 89% | 73% | 83% | 93% | 95% |
Le pouvoir d’achat | 88% | 90% | 88% | 88% | 92% |
Les retraites | 85% | 87% | 84% | 84% | 89% |
L’assurance maladie | 84% | 89% | 88% | 80% | 84% |
Autre sujet prioritaire pour + de 70% des sondés | La criminalité (80%), la compétitivité des entreprises (75%), l’immigration (71%) | L’environnement (79%) | L’environnement (77%) | La criminalité (86%), la compétitivité des entreprises (86%), l’immigration (79%) | La criminalité, l’immigration (91%) |
Sans surprise, les résultats montrent un accord parfait entre sondés de droite ou de gauche sur le chômage qui reste depuis des décennies la première priorité. En revanche, il est plus étonnant que les électeurs de droite et de gauche accordent le même degré d’intérêt aux retraites (intérêt fort) et à l’Union européenne (intérêt faible). Plus surprenant encore, la question migratoire n’est pas en tête des préoccupations des sondés de droite : si 79% d’entre eux la considèrent comme importante, elle n’occupe que la 7ème position dans le “classement” de leurs préoccupations. Toujours sur la question migratoire, un regard en arrière est instructif : lors d’une enquête pré-électorale de 2007, seuls 23% des sondés de droite accordaient un statut prioritaire à cette question, soit 56% de moins qu’aujourd’hui. Côté électeurs de gauche, l’écart entre 2007 et 2017, est aussi important : 9% sondés de gauche se déclaraient en 2007 “préoccupés” par la question migratoire pour 54% aujourd’hui.
En complément de cette approche, le CEVIPOF réalise un Baromètre des priorités politiques qui permet de mieux connaître la nature de ces priorités. Il s’agit d’interroger les sondés sur les politiques qu’ils voudraient voir changer : politique migratoire, aides sociales, politique de défense, politique européenne, régulation du marché du travail, politique environnementale, sécurité, prestations santé/retraites, politique éducative, politique urbaine, enjeux sociétaux (libéralisation culturelle, euthanasie etc.). Parmi tous ces sujets, la politique migratoire arrive en tête avec une très forte demande pour une politique plus restrictive. En revanche, peu de souhaits de changement sont exprimés, hier comme aujourd’hui, en matière de régulation du marché du travail.
L’évolution des priorités depuis 2014 Comparez les réponses données à la question: Quel est le problème le plus important ? de juin 2014 à aujourd’hui
De leur côté, Emiliano Grossman et Nicolas Sauger exposent les résultats d’une étude qu’ils ont réalisée dans le cadre d’une enquête post-électorale de 2012 et dont ils exposent les résultats dans Politiques publiques et décision électorale : retour sur la présidentielle de 2012.
Leur objet ici est de déterminer la distance entre les opinions des électeurs et celles des candidats pour lesquels ils votent. Ils appliquent cette méthode à quatre domaines de politique publique : le nucléaire, la place des fonctionnaires, l’immigration et l’Europe.
Ils y montrent la cohérence globale du choix des électeurs. C’est bien les candidats qui sont les plus proches de leurs propres positions pour lesquels ils votent généralement. Mais tous les enjeux ne valent pas. La question du nucléaire n’était que peu décisive par exemple. Et d’autres enjeux prévalent plutôt pour l’un des camps que pour l’autre, comme la question de l’immigration pour la droite. A l’issue de ce travail, ces chercheurs attiraient l’attention sur un point, toujours d’actualité en 2017. C’est toujours les candidats centristes qui sont les plus proches des positions de leur électorat, les candidats extrémistes étant les plus éloignés. Mais cet éloignement n’empêche pas ces derniers de capitaliser nombre de suffrages, leurs soutiens s’articulant prioritairement sur un enjeu spécifique plutôt qu’un accord global sur leur positionnement.
La campagne actuelle voit émerger dans le discours des candidats des thèmes auparavant secondaires. C’est notamment le cas de l’écologie. Un thème qui, ainsi que le souligne Daniel Boy, n’avait eu jusqu’à présent de place que dans le débat électoral qu’en 2007 où la plupart des candidats, toutes tendances confondues, avait porté une attention tout particulière, voire un soutien officiel, au pacte écologique de Nicolas Hulot. Huit ans plus tard, à l’approche de la COP 21, seuls 14% des répondants à une enquête du CEVIPOF considéraient la politique environnementale comme prioritaire. Aujourd’hui sur les 11 thèmes proposés par l’enquête Enef 2017, l’écologie se positionne en 8ème position, avec 66% de sondés se disant concernés et on voit à travers les programmes des candidats (y compris dans celui du Front National qui compte 7 engagements environnementaux) que ces évolutions confèrent à l’environnement un nouveau poids dans le vote d’un pan grandissant de l’électorat.
Ce focus sur l’écologie n’est qu’un simple exemple et d’autres données nous indiquent que cette réflexion peut s’appliquer à d’autre thèmes : éducation, laïcité, politique étrangère…
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