Nous savions que la photographie était devenue un art à part entière à force de combattre pour sa légitimité sur le terrain même des Beaux-Arts : elle est aujourd’hui un élément central de la scène de l’art contemporain et de son marché. Nous ne savions pas comment elle avait pris place dans la société en participant de façon décisive à la réorganisation du monde depuis le 19e siècle.
Nous connaissons le rôle important de l’appareil photographique dans l’homogénéisation des modes de vie modernes. Etrangement, nous ne savions pas grand chose des pratiques photographiques de l’amateur. Christian Joschke vient d’en faire le portrait dans une thèse novatrice où il montre un sujet moins égocentrique que prévu, engagé volontaire qui travaille à changer l’ordre du monde. Attentif à la situation allemande sous le règne autoritaire de Guillaume II, il montre de quelle façon, face à la menace d’éclatement de l’espace public, les bourgeois amateurs opposent aux valeurs traditionnelles de l’aristocratie leurs aspirations au progrès et au libéralisme. A partir des années 1890 surtout, les expositions, les concours, les manuels et les textes se multiplient pour imposer une photographie qui devrait être le bien commun des hommes éclairés.
La culture allemande en sera modifiée : elle ne passera plus seulement par une communauté de langue mais par une communauté de regard. En déplaçant le politique, de l’explicite du contrat social à l’implicite de l’image, la bourgeoisie libérale a pourtant dangereusement confondu l’éthique et l’esthétique. Nous savons la postérité de ce mouvement enclenché à la fin du 19e siècle, et pas seulement dans le processus vicieux qui verra le nazisme s’appuyer massivement sur cette culture de l’image au profit de sa propagande intensive.
Comment est-on passé du désir d’éduquer les foules à la volonté de les fasciner ? C’est l’une des questions posées par Christian Joschke, à la croisée de l’histoire sociale, politique, des sciences et des techniques. Avec lui, l’histoire de l’art contribue à l’étude des mentalités. Il s’inscrit ainsi dans la lignée pionnière de son interlocuteur Olivier Christin qui a étudié depuis longtemps le statut de l’image en Occident, en particulier dans son excellent livre : Les yeux pour le croire, les dix commandements en images (XVe-XVIIe siècles). En passant par l’histoire ancienne, Olivier Christin ouvre des perspectives inédites sur le pouvoir de l’image dans un monde contemporain dominé par le visuel, notre monde.
Laurence Bertrand Dorléac
Séminaire du 24 novembre 2005
Conflits de légitimité culturelle
Christian Joschke
Les historiens de la photographie ont considéré avec raison la fin du XIXe siècle comme le moment de la légitimation artistique de ce médium, celui où il passait du statut de simple technique au statut d’art. Ils ont décrit la tradition anglaise et le Linked Ring[ref]Harker, Margaret, The Linked Ring : the secession movement in photography in Britain, 1892-1910. London, Heinemann, 1979.[/ref], les écoles pictorialistes internationales et le Camera Club de New York[ref]Heilbrun, Françoise et Danielle Tilkin, New York et l’art moderne. Alfred Stieglitz et son cercle. Paris, Musée d’Orsay, 2005.[/ref] comme les grandes étapes de ce parcours. Mais à la question de savoir pourquoi ce fut précisément la photographie qui fut l’enjeu des conflits de légitimité culturelle, il a été jusqu’ici difficile de répondre. Cette difficulté venait en partie du fait que même les études attachées à relativiser les mécanismes de la légitimation esthétique, comme le brillant article de Ulrich Keller sur le Camera Club de New York[ref]Keller, Ulrich, « The Myth of Art Photography : a Sociological Analysis », History of Photography. 8, 1984, pp. 249-275.[/ref], se limitaient à une analyse interne, visant à expliciter les stratégies des artistes pour accéder à un statut supérieur aux yeux de la critique, des musées ou des galeristes.
Or, la volonté de certains acteurs de légitimer la photographie dans le champ de l’art doit être comparée avec la question plus globale de la légitimité des sciences et des techniques dans l’organisation d’une vision du monde et replacée dans le contexte plus général des conflits de légitimité culturelle entre anciennes et nouvelles classes bourgeoises. Deux traditions historiographiques peuvent être ici appelées à éclairer ce problème : l’histoire des sciences[ref]Cahan, David, « Helmholtz and the Civilizing Power of Science », in : Cahan, David (dir.). Hermann von Helmholtz and the Foundation of Nineteenth-Century Science. Berkeley, 1993, pp. 559-601.
Daum, Andreas W., Wissenschaftspopularisierung im 19 Jahrhundert. Bürgerliche Kultur, naturwissenschaftliche Bildung und die deutsche Öffentlichkeit. 1848-1914. Munich, Oldenburg Verlag, 1998.
Goschler, Constantin (dir.), Wissenschaft und Öffentlichkeit in Berlin, 1870-1930. Stuttgart, F. Steinert, 2000.
Rasmussen, Anne, L’internationale scientifique. Thèse : Ecole des hautes Etudes en sciences sociales. Paris, 1996. [/ref]— et de leurs rapports avec l’espace public — et l’histoire des systèmes éducatifs[ref]Berg, Christa (dir.), 1870-1914. Von der Reichsgründung bis zum Ende des ersten Weltkrieges. Handbuch der deutschen Bildungsgeschichte. Munich, Beck, 1991, vol. 4.[/ref]. L’exemple de l’Allemagne de Guillaume II permettra d’éclairer avec plus de précision cette problématique.
Photographie au croisement des arts et des sciences
Nul doute que la question de l’art fut centrale pour des photographes amateurs soucieux de leur image, prompts à s’engager dans la vie associative, touchés de près par le discours de défiance que les institutions conservatrices avaient coutume d’opposer à l’art photographique. Leurs revues, leurs expositions, leurs manuels tentaient de légitimer culturellement un art mineur : il s’agissait d’utiliser les structures associatives pour montrer au grand public les fruits de leur activité, pour faire levier sur les « instances de légitimation culturelle » (la critique, les musées, les galeries)[ref] Bourdieu, Pierre, « Le marché des biens symboliques », L’année sociologique. 22, 1971, pp. 51-126.[/ref], et parfois, comme ce fut le cas à Londres ou à NewYork, pour afficher un statut de sécession artistique.
En témoigne l’exemple des salons pictorialistes[ref]Le Salon de photographie. Les écoles pictorialistes en Europe et aux États-Unis vers 1900. cat. exp. Musée Rodin, 22 juin- 26 septembre 1993. Paris, Musée Rodin, 1993.[/ref], organisés dans de nombreuses villes européennes à partir de 1891, date de la première exposition photographique réservée, à Vienne, à une élite artistique. Ces salons, plus sélects que les grandes expositions de photographie amateur, présentaient les plus beaux clichés du pictorialisme et contribuaient à instituer un style emprunté à l’esthétique picturale : ils reprenaient les genres de la peinture — paysage, scène de genre, portrait —, imitaient, grâce au tirage à la gomme bichromatée ou à l’huile, les effets de pinceaux, faisaient ressortir le grain du papier[ref]Philipp, Claudia Gabriele (dir.), (Kunstphotographie um 1900. Die Sammlung Ernst Juhl. cat. exp. 23 juin-27 août 1989. Hambourg, Museum für Kunst und Gewerbe, 1989.
Poivert, Michel, Le pictorialisme en France 1892-1914. Thèse : Paris 1. Paris, 1992.
Ullrich, Wolfgang, « Unschärfe, Antimodernismus und Avantgarde », in : Geimer, Peter (dir.). Ordnungen der Sichtbarkeit. Fotografie in Wissenschaft, Kunst und Technologie. Francfort, Suhrkamp, 2002, pp. 381-412.[/ref]. Dans les articles publiés dans les revues photographiques, les commentateurs, souvent issus des mêmes clubs, appliquaient les critères du jugement esthétique et parlaient volontiers d’écoles (anglaises, françaises, viennoise, hambourgeoise). Ainsi les photographes de ces clubs d’amateurs tentaient—ils de gagner un statut d’artistes aux yeux du public et des grandes institutions artistiques.
Mais plusieurs caractères distinctifs des clubs d’amateurs dans lesquels fut tenu ce discours sur la légitimité artistique de la photographie nous éloignent du champ de l’art et nous conduisent à considérer l’essor de la pratique photographique comme un phénomène culturel de plus grande ampleur. D’une part, seul un petit nombre de revues d’amateurs se consacra exclusivement à l’art photographique. Les périodiques, comme les revues Photographische Rundschau, Der Amateur-Photograph, Photographische Correspondenz, Photographische Mitteilungen, Appollo¸ Die Sonne, traitaient indistinctement d’un large éventail de sujets : articles techniques, articles de vulgarisation scientifique et commentaires esthétiques, toutes les applications de la photographie aux arts et aux sciences y étaient abordées. D’autre part, la diversité sociale des clubs d’amateurs expliquait, elle aussi, la proximité entre les usages techniques, scientifiques ou artistiques de la photographie : les associations regroupaient bien plus de médecins, de militaires, d’ingénieurs, de commerçants, d’enseignants que d’artistes. Chacun pratiquait la photographie pour des raisons qui lui étaient personnelles, et tous ne prétendaient pas, loin s’en faut, au statut d’artiste. Pour reprendre le commentaire d’un amateur de l’époque, Wolf-Czapek de la Freie photographische Vereinigung de Berlin, « l’artiste, l’ethnographe, le naturaliste, eux aussi étaient des ‘amateurs’ »[ref]Wolf-Czapek, K.W., « Die Ziele und Leistungen der Freien photographischen Vereinigung », in Goerke, Franz (dir.), Denkschrift anlässlich des zwanzigjährigen Bestehens der Freien photographischen Vereinigung zu Berlin. Halle-sur-la-Saale, Wilhelm Knapp, 1910, pp. 9-16.[/ref] Enfin, en Allemagne du nord et plus spécifiquement à Berlin, le vaste réseau de clubs était encadré par des personnes issues d’une élite de scientifiques, la plupart membres de la société d’anthropologie de Berlin, proches du célèbre médecin Rudolf Virchow. Ces amateurs organisaient les expositions, publiaient la revue Photographische Rundschau, s’associaient à d’innombrables autres clubs allemands pour favoriser l’échange d’information et pour construire en commun une culture visuelle scientifique et artistique.
Si les raisons sociales et culturelles de ces regroupements associatifs restent obscures à l’historien d’art, l’histoire des sciences et celle des systèmes éducatifs peut donner ici quelques éclairages.
Principes de légitimité culturelle
Avec la photographie, les amateurs, scientifiques ou artistes, paysagistes ou ethnographes, participaient à faire évoluer le système de références culturelles qui servait de base aux critères de légitimité sociale. La photographie telle que la pratiquaient les amateurs valorisait les connaissances techniques — d’optique et de chimie — que la plupart d’entre eux avaient acquises dans les « écoles réales », où l’on enseignait les matières « modernes », l’histoire, les langues vivantes, les mathématiques, l’optique, la chimie.[ref]Schubring, Gert, « Mathematisch-naturwissenschaftliche Fächer », in : Jeismann, Ernst-Karl et Peter Lundgreen (dir.). Von der Neuordnung Deutschlands bis zur Gründung des Deutschen Reiches. Handbuch der deutschen Bildungsgeschichte. Berg, Christa (dir.). Munich, C. H. Beck, 1987, vol. 3, pp. 204-221.[/ref]
Or, quand l’administration prussienne eut décidé de créer, en 1861, parallèlement aux lycées, ce second système éducatif, c’était avec l’intention de moderniser le système sans pour autant remettre en question l’élitisme des lycées, réservés à l’aristocratie et aux classes moyennes éduquées (Bildungsbürgertum). Les lycées restaient les seuls détenteurs de la culture légitime, fondée sur les humanités, et les écoles réales ne devaient avoir qu’une fonction utilitaire dans la structure de l’économie et de l’administration allemande. Ni la chimie, ni les mathématiques, ni même l’histoire ne devaient renverser le système dominant de références culturelles. Après une « décennie de réaction » qui séparait ces réformes des révolutions libérales de 1848, le pouvoir ne se cachait nullement de vouloir ainsi briser les élans révolutionnaires de la bourgeoisie libérale.[ref]Eckert, M., Die schulpolitische Instrumentalisierung des Bildungsbegriffs. Zum Abgrenzungsstreit zwischen Realschule und Gymnasium im 19. Jahrhundert, Francfort-sur-le-Main, 1984. [/ref]
Les enseignants et les scientifiques de l’université ressentaient ce système comme une intolérable hypocrisie[ref]Schubring, Gert, Die Entstehung des Mathematiklehrerberufes im 19. Jahrhundert. Weinheim, 1983. [/ref]. D’un côté on prétendait moderniser la société, de l’autre on limitait nettement l’accès des nouvelles classes bourgeoises aux fonctions centrales du pouvoir et à la culture légitime. Cette « violence symbolique »[ref]Bourdieu, Pierre et Jean-Claude Passeron, La reproduction : éléments pour une théorie du système d’enseignement, Paris, éditions de Minuit, 1973.[/ref] eut pourtant un effet inattendu. Les disciplines comme l’histoire, bien sûr, mais aussi comme la médecine et les sciences de la nature (physique, astronomie, géologie, biologie, zoologie, histoire naturelle) furent placées au centre d’un projet visant à regagner une légitimité sociale et culturelle en construisant une véritable « vision du monde »[ref]Daum, Andreas W., Wissenschaftspopularisierung im 19. Jahrhundert. Bürgerliche Kultur, naturwissenschaftliche Bildung und die deutsche Öffentlichkeit. 1848-1914, Munich, Oldenburg Verlag, 1998.[/ref]. L’élite scientifique libérale profitait ainsi de la déception d’une classe d’enseignants et d’une génération passée par les écoles réales et les universités techniques (Technische Hochschulen) entre 1861 et 1882 (date de la fusion entre les « écoles réales de première classe » et les lycées) pour tenter de renverser le système dominant de valeurs culturelles. Les congrès annuels de la « société des naturalistes et médecins », par exemple, furent le lieu d’échanges passionnés sur les orientations des programmes scolaires ou de la recherche scientifique, sur les grandes théories naturalistes et les systèmes d’interprétation de l’histoire naturelle[ref]Ibid.[/ref]. La science prenait ainsi une part active dans la construction d’une vision du monde, malgré l’illégitimité culturelle dans laquelle l’ancienne élite tentait de maintenir les réalités.
Avec la diffusion et les progrès de la photographie à partir des années 1880, l’image prit une signification capitale dans cette évolution symbolique. Elle représentait dans de nombreux domaines des sciences de la nature un puissant facteur d’innovation. Dans l’astronomie, dans la biologie cellulaire, dans la pathologie, et surtout dans l’anthropologie physique, la photographie devenait un des principaux modes d’observation scientifique[ref]Geimer, Peter (dir.), Ordnungen der Sichtbarkeit. Fotografie in Wissenschaft, Kunst und Technologie. Francfort-sur-le-Main, Suhrkamp, 2002.[/ref]. Or, toutes ces évolutions étaient suivies par les amateurs, faisaient l’objet d’articles, de brochures, de manuels, représentaient une part importante des grandes expositions photographiques. De même, la plupart des grands clubs de photographes amateurs avaient une part active dans la vulgarisation scientifique. La Freie photographische Vereinigung de Berlin réunissait des médecins, biologistes et anthropologues situés au cœur du système scientifique ; ce club entretenait d’excellents rapports avec les grands instituts universitaires, comme l’Institut d’hygiène fondé par Émile Du Bois Reymond, et les musées, comme le Musée d’ethnologie. Ce sont précisément ces hommes de sciences qui s’intéressèrent à la diffusion de la pratique photographique, en publiant la revue Photographische Rundschau, en organisant des expositions, en fédérant l’échange d’opinion sur l’évolution de la photographie.
Ainsi, les enjeux de légitimation de la photographie deviennent plus clairs. Si pour certains artistes, il s’agissait de donner à un art mineur le statut d’un art majeur, pour la plupart des amateurs actifs dans ces clubs, il s’agissait aussi et surtout de participer activement à l’évolution culturelle qui faisait passer les sciences et les techniques au devant de la scène. Mais le soutien de cette élite scientifique à l’activité des photographes amateurs ne s’explique pas seulement par ce conflit de légitimation sociale. S’il a marqué la conscience de toute une génération et continue de motiver leur volonté, il est néanmoins trop ancien pour justifier à lui seul la charge symbolique prise par ces clubs d’amateurs. Comment se fait-il qu’autant d’institutions officielles aient participé et encouragé les grandes expositions de photographie amateur, alors que les sciences avaient déjà remporté certaines victoires symboliques sur les humanités, alors que, contrairement à la légitimité des classes moyennes nouvelles, celle de cette élite scientifique n’était plus en danger ?
Les enjeux politiques de la photographie amateur
L’exposition de photographies d’amateurs réalisée à Berlin en 1896 livre d’intéressants indices quant aux raisons de l’implication de l’élite dans ces clubs. C’était la deuxième grande exposition de ce genre sur le sol allemand. Organisée sous l’égide des deux clubs de photographes amateurs de Berlin, elle réunissait une grande quantité de photographes venus de tous les pays et présentait la photographie tant sous son aspect scientifique qu’artistique. Mais plus étonnants encore sont les symboles politiques qui accompagnaient cet événement. L’idée de cette exposition émanait de l’« impératrice Frédéric III », la mère de Guillaume II, que son fils avait froidement écarté du pouvoir dès son accession sur le trône, en raison de ses orientations « cosmopolites et libérales[ref]Kaiser Friedrich III (1831-1888). cat. exp. Geheimes Archiv Preussischer Kulturbesitz. Berlin, 1998.
Röhl, John C. G., Der Aufbau der Persönlichen Monarchie. 1888-1900, Munich, Beck, 2001.[/ref]». L’impératrice veuve se réfugia dans les œuvres de charité, offrit son soutien aux institutions d’éducation populaire pour prolonger son action libérale en marge de l’exercice effectif du pouvoir. C’est dans ce même esprit d’éducation populaire et de vulgarisation scientifique qu’elle proposa aux photographes amateurs de parrainer cette exposition.
À ce parrainage très symbolique de la mère de l’empereur s’ajoute un deuxième symbole : l’exposition eut lieu dans le nouveau bâtiment du Reichstag, inauguré quatre années auparavant. Or ce bâtiment cristallisait à Berlin l’opposition entre les libéraux et l’empereur, une opposition qui connut son apogée dans l’interdiction, outrepassée par l’architecte, de dépasser avec la coupole du Reichstag, la hauteur de la Schlosskapelle. Le bâtiment avait été un projet libéral, inspiré par des députés libéraux soucieux d’offrir au peuple un symbole de sa souveraineté sur l’empereur[ref]Bredekamp, Horst, « Kuppel wider Willen. Das Reichstagsgebäude Sir Norman Forsters », in : Lepik, Andres, Anne Schmeding et Christian Gahl (dir.). Das XX. Jahrhundert. Ein Jahrhundert Kunst in Deutscher Architektur in Berlin. Cologne, 1999, pp. 122-123.
Cullen, Michael S., Der Reichstag. Parlament Denkmal Symbol, Berlin, be.bra Verlag, 1992.[/ref]. Mais ces mêmes libéraux avaient souffert en 1891 d’une défaite politique sans précédent, de sorte que nombre d’entre eux – notamment Rudolf Virchow — n’eurent pas l’honneur de siéger dans le nouveau bâtiment.
Ce contexte politique et scientifique de Berlin ajoute donc un second enjeu au premier qui nous était fourni par un regard sur l’histoire du système éducatif et l’histoire des sciences. Il semble en effet que l’élite libérale ait usé de « stratégies culturelles » pour garder une influence qu’elle perdait sur le terrain politique[ref]Eley, Goeff, « Notable politics, the crisis of german liberalism, and the electoral transition of the 1890’s », in : Jarausch, Konrad et Larry Eugene Jones (dir.). In search of a liberal germany. Studies in the history of german liberalism from 1789 to the present. New-York/Oxford/Munich, Berg, 1990.[/ref]. Elle pouvait grâce à une telle exposition affirmer à la fois des valeurs et une culture libérales[ref]Leonard, Joern, « Semantische Deplazierung und Entwertung. Deutsche Deutungen von liberal und Liberalismus nach 1850 im europäischen Vergleich », Geschichte und Gesellschaft. 1, 2003, pp. 5-39.[/ref]. Des valeurs marquées par l’échange, le débat, le principe délibératif et la sociabilité élective des associations d’amateurs. Une culture marquée à la fois par les sciences et par les arts, par une lecture éclairée des images et un goût forgé en commun, porteuse de consensus culturel.
Bibliographie
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Christian Joschke/highlight] a étudié l’histoire de l’art à l’université d’Aix-en-Provence et il a soutenu récemment une thèse à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales sur L’essor de la photographie amateur dans l’Allemagne de Guillaume II. Après avoir assisté Hans Belting au Collège de France, il enseigne l’histoire de l’art comme ATER à l’université de Strasbourg II. Il a publié notamment : « Aux origines des usages sociaux de la photographie. La photographie amateur en Allemagne entre 1890 et 1910 », Actes de la recherche en sciences sociales, 154, septembre 2004, pp. 53-65 et « La photographie, la ville et ses notables. Hambourg, 1893 », Études photographiques, 17, novembre 2005, pp. 136-157.