S’intéresser à la fonction de l’art en société, c’est forcément parler des Saint-simoniens et souvent sans le savoir. L’historien d’art anglais Neil McWilliam a le mérite d’avoir inventorié les origines d’une pensée française loin d’être morte et reconduite sous d’autres formes, hier comme aujourd’hui.
Si les artistes ne se voient plus désormais en « avant-garde » qui répandrait des idées neuves en s’adressant « à l’imagination et aux sentiments », il en va davantage d’une affaire de vocabulaire que de fondements. Neil McWilliam le dira pour finir : cent cinquante ans plus tard, le régime culturel de la société moderne recèle bien des éléments « saint-simoniens ». L’art s’est élargi à de nouvelles sphères qui en traduisent les métamorphoses et les adaptations, parfois jusqu’à l’étouffement.
Rien de ce qui s’est pensé en ce début du 19e siècle n’est risible à l’aune de ce que nous savons aujourd’hui de la capacité de l’art à s’inscrire dans une culture post-moderne. Si l’on a renoncé aux vieux rêves utopiques de bonheur, la fonction de l’art est bien en voie de redéfinition, dans le cadre intraitable des impératifs de la société de consommation et du spectacle.
Cette lettre que nous publierons tous les deux mois se veut le lieu de discussion de cette condition de l’art, à envisager désormais à la lumière de l’histoire. Si le débat est présent sur la scène contemporaine, il gagnerait aussi à ce que l’on imagine sa profondeur historique.
Nos séances de séminaire dans le cadre du Centre d’histoire de Sciences Po précèderont toujours cette publication qui laissera place à deux interventions au moins. La seconde, en écho à la première, revient cette fois à l’historien d’art Eric Michaud, de l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, bien connu pour ses travaux sur l’art et le totalitarisme : nous lui devons d’avoir passé au crible une pensée qui tendait au salut par l’image et à faire de l’art le servant docile d’une conception unitaire et autoritaire du monde.
Laurence Bertrand Dorléac
Séminaire du 11 octobre 2004
Une esthétique révolutionnaire ?
La politique de l'art social aux alentours de 1820-1850
Neil McWilliam
En décembre 1824 paraissaît à Paris –très discrètement – un petit pamphlet en forme de dialogue qui allait marquer une étape importante dans la conception moderne du statut social de l’artiste. Intitulé “L’Artiste, le savant et l’industriel” et publié dans le recueil Opinions littéraires, philosophiques et industrielles, le texte est l’oeuvre d’un aristocrate déchu, Claude-Henri de Rouvroy, comte de Saint-Simon. Durant une vingtaine d’années, Saint-Simon s’était consacré à l’élaboration d’un système politique qui réconcilierait le progrès matériel et l’ordre social, tout en assurant un certain bien-être aux classes les plus défavorisées. La mutation de sa philosophie vers un humanitarisme mystique s’accompagne d’une valorisation des arts qui atteint son expression la plus accomplie en 1824. Saint-Simon met en scène les représentants des trois classes dotées de la direction de la société future: le savant dont les capacités intellectuelles assurent la gestion rationnelle de la collectivité, l’industriel qui exploite les ressources naturelles et poursuit des innovations scientifiques, et l’artiste, qui résume ainsi ses fonctions en s’adressant à ses deux interlocuteurs:
“C’est nous, artistes, qui vous serviront d’avant-garde; la puissance des arts est en effet la plus immédiate et la plus rapide. Nous avons des armes de toute espèce: quand nous voulons répandre des idées neuves parmi les hommes, nous les inscrivons sur le marbre ou sur la toile, nous les popularisons par la poésie et par le chant; nous employons tour à tour la lyre ou le galoubet, l’ode ou la chanson, l’histoire ou le roman; la scène dramatique nous est ouverte, et c’est là surtout que nous exerçons une influence électrique et victorieuse. Nous nous adressons à l’imagination et aux sentiments de l’homme; nous devons donc exercer toujours l’action la plus vive et la plus décisive; et si aujourd’hui notre rôle paraît nul ou au moins très secondaire, c’est qu’il manquait aux arts ce qui est essentiel à leur énergie et à leur succès, une impulsion commune et une idée générale.”[ref] “L’Artiste, le savant et l’industriel,” Œuvres complètes de Saint-Simon et d’Enfantin, vol. 10 (1867), p. 210. L’attribution de cet ouvrage a donné lieu à des discussions, qui sont analysées dans Neil McWilliam, Dreams of Happiness. Social Art and the French Left 1830-1850 (1993), p. 45.[/ref]
Pour Saint-Simon, l’artiste remplit donc le rôle d’un intermédiaire capable de traduire les conceptions abstraites de ses partenaires dans une langue susceptible de toucher et de mobiliser tous les secteurs de la société. Ainsi compris, l’art peut influencer l’opinion et, finalement, le comportement par la force sentimentale qu’il exerce sur des esprits incapables de répondre aux appels à la raison. En conçevant le rôle des arts comme étant de “s’élancer en avant de toutes les facultés intellectuelles,” Saint-Simon ébauche un programme de l’engagement social de l’artiste qui sera élaboré par ses propres disciples et par des dissidents comme Philippe Buchez et Pierre Leroux pendant la Monarchie de juillet, et qui fera écho parmi les mouvements contestataires des années 30 et 40, notamment les républicains et les fouriéristes. La perspective idéologique particulière à chaque penseur ou tradition politique apportait des nuances importantes à leur conception du rôle social de l’art. Au-delà de ces différences, pourtant, on peut discerner des préoccupations communes relatives aux potentialités transformatrices de l’art, au processus psychologique de la réception esthétique et aux mécanismes du changement social pacifique. C’est avec de telles préoccupations théoriques qu’une génération de critiques fera face à la production artistique du mi-siècle, élaborant à la fois un diagnostic des plaies de la société contemporaine et un plan d’action culturelle pour faciliter l’avènement d’un monde nouveau.
Les théoriciens de la période post-révolutionnaire héritent d’une tradition de valorisation de la fonction sociale de l’art qui trouve ses racines sous l’Ancien Régime, surtout chez Diderot. Élaborées après 1789 dans des circonstances politiques plus pressantes, ces idées influent directement sur les débats esthétiques du siècle suivant, notamment chez les républicains. En même temps, de nouvelles préoccupations émergent, qui infléchissent les divers modèles idéologiques des années 30 et 40, qui transforment la conception de l’appareil psychique chez l’individu et modifient le rôle accordé à l’artiste dans la structure sociale. Déjà chez Saint-Simon, la distinction entre l’artiste, le savant et l’industriel reflète les nouvelles théories psycho-physiologiques annoncées vers 1800 par Cabanis et Bichat. Leurs recherches avaient mis en cause le modèle psychologique hérité de Locke qui supposait une égalité fondamentale de potentialités entre les hommes, modifiée ensuite par l’apport de l’expérience sur l’appareil sensible. Au lieu de cela, ils proposaient une conception de l’homme qui soulignait l’importance des variations innées des capacités et du caractère et divisait la société selon une typologie organisée autour des qualités psycho-physiologiques dominantes. Un tel modèle mettait en valeur le sentiment, compris comme la caractéristique la plus développée chez la plupart des hommes. Il encourageait, de plus, la conviction que la stabilité sociale reposait sur un système de croyances communes qui s’adressaient à l’appareil sentimental et qui maîtrisaient les instincts égoïstes. La religion était ainsi conçue comme un élément essentiel dans un monde plus juste, bien que Buchez fût le seul pour qui le catholicisme conservait son autorité morale dans la société post-révolutionnaire.
Le défi aux croyances traditionnelles que constituait la Révolution française entraînait une crise des valeurs qui inspirait le foisonnement de mouvements radicaux et jouait un rôle décisif dans la valorisation de la personnalité de l’artiste qui marquait la première moitié du dix-neuvième siècle. Ce que Paul Bénichou a nommé, dans une étude magistrale, “le sacre de l’écrivain”, a également contribué à la glorification des peintres et sculpteurs, dont l’œuvre paraissait particulièrement apte à impressionner un public large et souvent inculte. Comme Georges Matoré l’a montré, le terme “artiste” est l’objet d’une attention sans précédent à l’époque romantique et dépasse ses connotations platement professionnelles pour désigner un créateur aux pouvoirs transcendants. Selon Balzac – lui-même attiré par les Saint-Simoniens – “L’artiste est l’apôtre de quelque vérité, l’organe du Très-Haut qui se sert de lui.” Dans le même esprit, l’écrivain Félix Pyat déclare en 1834, “L’art est presque un culte, une religion nouvelle qui arrive bien à propos quand les dieux s’en vont et les rois aussi.”[ref]Honoré de Balzac, “Des artistes,” La Silhouette, 22 avril 1830; Félix Pyat, “Les Artistes”, Nouveau Tableau de Paris, 4 (1834), p. 7.[/ref]
Si l’analogie entre l’art et la religion est devenue aujourd’hui un lieu commun n’exerçant qu’une force métaphorique bien faible, chez les adeptes de l’art social contemporains de Balzac et de Pyat la notion de l’art comme “sacerdoce” et de l’artiste comme avatar du prêtre est largement débattue. Le poids accordé à cette notion varie selon les modèles sociaux et psychologiques développés par les théoriciens des divers mouvements. La philosophie du travail élaborée par Fourier et ses disciples, par exemple, diminue le statut accordé à l’artiste. D’après leur théorie du “travail attrayant”, le bonheur dans une société harmonienne nécessite un changement continuel d’activité pour satisfaire tous les aspects de la personnalité individuelle. Une telle perspective est incompatible avec la spécialisation des fonctions impliquée par un terme comme “artiste”. En effet, chez Fourier la distinction entre art et travail est mitigée sinon tout à fait abolie, et chaque membre de la société est conçu, au moins potentiellement, comme un artiste.
On trouve, également, le statut de l’artiste plus effacé chez Pierre Leroux, qui modifie l’ontologie saint-simonienne en insistant sur l’unité des trois capacités que sont la sensation, le sentiment et la connaissance. Leur identification chez les Saint-Simoniens avec des types de personnalité – et des fonctions sociales – distincts est modifiée par Leroux, qui insiste sur la coexistence des capacités dans chaque individu. En privilégiant l’unité ontologique de l’homme, Leroux affirme également l’unité sociale et met en cause la hiérarchie des fonctions et le statut exceptionnel accordé à l’artiste par les Saint-Simoniens.
C’est effectivement chez Saint-Simon et surtout chez ses disciples que la notion de l’art comme sacerdoce est pleinement développée. L’élévation de l’artiste au sommet du pouvoir spirituel de la société future découle d’une transformation de la politique saint-simonienne en système religieux. Cette évolution est entamée vers 1824 par le maître lui-même et accomplie en décembre 1829 avec la déclaration d’une foi saint-simonienne par les deux nouveaux directeurs du mouvement, Prosper Enfantin et Saint-Amand Bazard. Si Saint-Simon avait prévu pour les artistes “une puissance positive, un vrai sacerdoce,”[ref]“L’Artiste, le savant et l’industriel,” p. 216.[/ref] cette promesse est amplifiée et ils sont maintenant dotés d’une influence où ils deviennent “précepteurs de l’humanité.” Ce destin glorieux est la conséquence du rôle de plus en plus essentiel accordé au sentiment dans la philosophie saint-simonienne. C’est le sentiment qui développe chez l’artiste une conscience aiguisée et lui donne la capacité intuitive de prévoir l’avenir: l’artiste devient donc prophète. En même temps, chez le peuple, le sentiment est la faculté la plus susceptible de s’émouvoir et de transformer les impressions en action. Dans une prédication célèbre prononcée en mars 1830, le publiciste saint-simonien Émile Barrault sollicite le soutien des artistes dans une entreprise qui transformera la société par l’emprise qu’ils détiennent sur l’imagination populaire:
“Viennent, viennent donc à nous tous ceux dont le cœur sait aimer, et le front s’enflammer d’une noble espérance ! Associons nos efforts pour entraîner l’humanité vers cet avenir; unis entre nous, comme toutes les cordes harmonieuses d’une même lyre. Commençons dès aujourd’hui ces hymnes saintes qui seront répétées par la postérité; désormais les beaux-arts sont le culte, et l’artiste est le prêtre.”[ref]Émile Barrault, Aux artistes. Du passé et de l’avenir des beaux-arts (1830), p. 84.[/ref]
Et, pourtant, cette vision séduisante est contredite par une tension continue entre la promesse théorique d’un sacerdoce artistique et la subordination pratique de l’artiste à une classe plus exclusive de prêtres qui jouissent d’une autorité doctrinale plus assurée. Cette tension elle-même fait écho au désir, chez les Saint-Simoniens, de découvrir ce qu’ils appellent “une science du sentiment” – c’est-à-dire une langue esthétique dont l’efficacité pédagogique est garantie par la compréhension objective des ressorts psychologiques sur lesquels elle joue. C’est ainsi qu’en 1825 le Saint-Simonien Léon Halévy proclame :
“L’époque approche où le peintre, le musicien, le poète qui sera parvenu à l’entier développement de sa faculté de sentir possédera, d’une manière aussi certaine, la puissance de plaire et d’émouvoir qu’un mathématicien possède maintenant celle de résoudre un problème de géométrie ou un chimiste de décomposer un corps quelconque.”[ref]Léon Halévy, compte-rendu des Martyrs de Souli de Népomucène Lemercier, dans Le Producteur, vol. 1 (1825), p. 83.[/ref]
Bien que de telles ambitions s’éclipsent avec la transformation de la doctrine en religion, la tension entre la liberté créatrice de l’artiste et son asservissement à des impératifs idéologiques n’est pas réconciliée. Elle est d’autant plus réelle que les Saint-Simoniens ont comme priorité doctrinale l’élimination de l’individualisme et la création d’une société unifiée et cohérente. Cette ambition se dessine à travers leur promotion de spectacles collectifs, qui rappellent les fêtes révolutionnaires, et dans leurs fantaisies architecturales où des innovations technologiques transforment l’espace par une sorte de pyrotechnie qui fond l’individu dans une expérience totalisante du sublime.
L’anti-individualisme des Saint-Simoniens est aux antipodes, au moins superficiellement, de la posture libertaire des Fouriéristes. Le fondateur du mouvement, Charles Fourier, lègue à ses disciples une systématisation apparemment infaillible, de la psychologie humaine qui permet, selon lui, l’élaboration d’institutions sociales parfaitement conformes aux besoins matériels et spirituels de l’homme. Si les découvertes du maître sont censées éliminer les conflits à la fois sociaux et psychiques pour atteindre une harmonie collective, elles offrent aussi une formule qui accorde la liberté individuelle au plus grand bonheur de tous. Il semblerait donc que la coordination harmonieuse du comportement et des opinions prévue par Fourier élimine tout besoin d’intervention artistique dans la société, et dans la théorie du maître lui-même le rôle de l’artiste se limite à l’agrément collectif. Pour ses disciples, pourtant, l’art est apprécié à la fois comme un outil valable dans la tâche ardue de convertir les habitants de notre monde imparfait aux joies de l’harmonie promise à l’avenir et, une fois cette harmonie réalisée, de glorifier la nature enfin rétablie dans son vrai destin. Armé des formules de ce qu’il appelle la “loi sociale” léguée par Fourier, un de ses disciples, Eugène d’Izalguier, offre en 1836 les indications de ce que serait une “loi esthétique” élaborée sur ces principes :
“Si, en effet, connaissant à fond les exigences de la nature humaine, Fourier a pu calculer avec précision les conditions sociales les mieux appropriées à cette nature, les plus favorables à la satisfaction de ces exigences, il sera possible aussi, profitant de ses travaux sur les passions de l’homme, de calculer les conditions d’art les mieux en harmonie avec ces passions et les plus capables de les satisfaire ou de les diriger selon le but de l’artiste. Dès lors toute combinaison esthétique aura sa loi et sa raison, comme toute combinaison musicale, comme toute combinaison picturale, comme toute combinaison de nombres, et la science sera fondée.”[ref]Eugène d’Izalguier, “Loi de la corrélation de la forme sociale et de la forme esthétique” dans Trois Discours prononcés à l’Hôtel de ville, faisant complément à la publication du Congrès historique (1836), p. 127.[/ref]
Ces ambitions perdent leurs allures positivistes dans les compte-rendus critiques consacrés aux beaux-arts et publiés dans la presse fouriériste pendant la Monarchie de juillet. Pour le critique Désiré Laverdant, dont les articles sur le Salon sont l’occasion d’appliquer une esthétique fouriériste aux oeuvres exposées, l’harmonie artistique exerce un effet bienfaisant sur l’appareil affectif en évoquant un monde où il y a un accord parfait entre la forme d’un objet et sa destination, c’est-à-dire le rôle qu’il est appelé à remplir dans le monde. La beauté idéale est ainsi conçue comme l’expression plastique d’une harmonie parfaite assurée par une gestion de la nature qui a éliminé la répression morale et matérielle qui caractérise la société actuelle. Une telle conception investit donc la beauté physique d’une signification politique. Elle permet aux Fouriéristes de voir dans les valeurs formelles des leçons idéologiques calibrées sur la priorité accordée à l’harmonie comme valeur sociale absolue. Elle offre ainsi aux artistes la possibilité de travailler au bien-être collectif tout en éliminant la nécessité de dépeindre des sujets explicitement didactiques. Comme Laverdant l’explique en 1843, c’est la priorité doctrinale accordée au bonheur comme réalisation de l’harmonie naturelle qui ouvre de telles perspectives aux arts :
“Le but de l’art est de nous faire concevoir et aimer la destinée vraie et de nous éloigner de conditions de vie fausses et désordonnées. L’art a donc pour mission de nous révéler, dans son expression la plus générale, l’idée du bonheur, dernière fin et consécration divine de la vraie destinée.”[ref]Désiré Laverdant, “L’Art et sa mission,” La Démocratie pacifique, vol. 1, n° 2 (2 août 1843).[/ref]
Si la beauté idéale évoque un avenir harmonieux, les artistes sont aussi encouragés à traiter les méfaits de la civilisation actuelle pour faire naître chez le spectateur un dégoût qui le convaincra de la nécessité d’une transformation radicale de la société. Là encore, les critiques fouriéristes repoussent l’évocation directe de la misère et de l’inégalité recommandée par les théoriciens républicains, pour prôner une stratégie plus exclusivement formelle. Selon les Fouriéristes, la représentation picturale du désaccord de la nature avec un monde qui viole les lois fondamentales de l’harmonie peut stimuler un dégoût chez le spectateur qui finira par provoquer une révolte contre le statu quo. C’est ainsi une stratégie formelle – ce que les critiques fouriéristes appellent la “laideur idéale” – qui détient en elle-même un pouvoir critique jugé assez puissant pour mobiliser les émotions et favoriser l’avènement d’une société nouvelle. L’efficacité de cette stratégie est d’autant plus assurée, aux yeux des disciples de Fourier, que le maître a découvert un système complexe d’analogies entre le monde physique et le monde moral. Des correspondances précises entre des couleurs et des formes et la gamme de passions identifiées par le maître et dotées de noms pittoresques permet à l’artiste d’accorder les qualités picturales de son œuvre avec des idées morales précises. Et au-delà de ces correspondances exactes, l’activité engagée par l’artiste repose elle-même sur une analogie entre l’harmonie esthétique et l’harmonie sociale. Cette notion est exprimée par Laverdant en 1846 :
« Tout le travail du peintre, mariage et contraste de tons, opposition et symétrie des groupes et des masses, variété nécessaire dans les couleurs, les mouvements et les lignes, ordonnance et exécution, toute l’œuvre picturale enfin repose sur les lois de l’accord, du discord et de la variété, sur la coordination des éléments du tableau suivant les exigences des trois passions composite, cabaliste et papillon. »[ref]Désire Laverdant, De la mission de l’art et du rôle des artistes. Salon de 1845 (1845), p. 6.[/ref]
Ainsi armé, l’artiste devient – souvent sans en prendre conscience – un puissant critique du désordre qui bouleverse la société actuelle ou un prophète instinctif des joies d’un monde ordonné selon les lois infaillibles de l’harmonie. Très souvent, la critique fouriériste s’emploie donc à révéler la signification cachée d’une œuvre, à rendre explicite un sens qui se lit à travers la langue picturale déployée pour transmettre le sujet lui-même. C’est ainsi que les scènes idéalisées de la vie des paysans italiens, peintes par Léopold Robert aux alentours de 1830, deviennent des prémonitions d’un âge d’or grâce à l’harmonie des couleurs et des formes déployées par l’artiste.
Face aux fouriéristes, la position théorique des critiques républicains peut paraître platement utilitaire. Effectivement, l’exigence d’un art qui s’engage directement dans les problèmes du monde contemporain est très souvent énoncée dans la presse républicaine. Affichant un ton hautement moralisateur, bien des critiques républicains conçoivent la fonction sociale de l’art en termes essentiellement anecdotiques: le peintre est conjuré de mettre en scène les drames de la vie populaire, de condamner les puissants qui exploitent le prolétaire et de défendre les déshérités de la terre. C’est ainsi qu’en 1839, le critique Jules Baget demande que l’art soit “bon, utile, moral, national.”[ref]Jules Baget, “Salon de 1839,” Journal du peuple (14 avril 1839).[/ref] De telles priorités dirigent le discours critique de beaucoup de commentateurs, qui évoquent la mobilisation des arts pendant la période révolutionnaire pour fustiger une situation contemporaine dominée par des clients aisés, indifférents aux souffrances du peuple. Théophile Thoré décharge sa colère en 1835, en proclamant: “Du satin, des roses, des danses, des festins, grande tapisserie tout au plus bon à cacher les pleurs de trente million de prolétaires; voilà ce qu’il faut à nos mécènes, car nos mécènes sont des banquiers et des parvenus.”[ref]Anonyme [Théophile Thoré], “Exposition ambulante de tableaux contre-révolutionnaires et Salon de 1835. Boissy-d’Anglas à Nantes et Boissy-d’Anglas à Paris,” Le Réformateur (11 mars 1835).[/ref]
La constatation que le marché favorisait un art qui était indifférent, sinon carrément hostile, à tout engagement social encourage certains critiques à développer une position théorique plus apte à investir la langue des formes d’une signification morale. Thoré lui-même trouve dans la philosophie de Pierre Leroux une interprétation de la nature qui lui permet de modérer son soutien à un art explicitement social. Suivant Leroux, il avance une conception panthéiste de Dieu qui lui permet de voir dans l’acte même de représenter la nature un geste foncièrement moral. Avec sa perception aiguisée du monde qui l’entoure, l’artiste interprète la nature et lui donne une signification grâce aux ressources matérielles dont il dispose. Encore une fois, comme chez les Saint-Simoniens et les Fouriéristes, mais pour des raisons théoriques distinctes, l’effet moral – et mobilisateur – de l’image s’investit dans la forme, elle-même conçue comme élément pictural aux connotations en fin de compte politiques.
Dans le même registre, des artistes et des critiques progressistes ont mené une campagne contre l’Académie, condamnant la mystification des conventions de l’art enseignées à L’École et favorisées au Salon. Ces institutions officielles sont accusées d’avoir étouffé l’esprit créateur et d’avoir empêché toute expression esthétique inspirée par une perception directe et véridique de la nature et du monde moderne. Un tel réquisitoire est prononcé par de jeunes républicains comme les critiques Gabriel Laviron et Jean-Barthélémy Hauréau ainsi que par le jeune artiste et futur directeur du Louvre Philippe-Auguste Jeanron, dans la revue La Liberté, publiée entre août 1832 et février 1833, avec l’épigraphe “Mort à l’Institut! Mort au professorat!” Bien qu’assez éphémère, elle aura une résonance importante en affirmant la vitalité politique d’un art libéré des contraintes imposées par ce qu’ils appellent une “aristocratie dans les arts, rien de plus.[ref]J. Raimbaud, “Union et liberté,” La Liberté. Journal des arts, n° 2 (août 1832), p. 14.[/ref] Pour eux, la libération de l’artiste représentée par l’affirmation de sa vision personnelle ouvre la voie à un engagement direct et critique dans la société contemporaine. Le naturalisme qui en résulte est le fruit de la vision subjective, et permet à l’artiste d’assumer ses responsabilités envers ses pairs. Privé de cette vision, l’artiste formé par l’Académie et travaillant selon les formules du marché est présenté comme l’outil d’un régime politique qui fleurit grâce à la déformation de la vérité dans tous les domaines de la vie. C’est ainsi qu’en 1850, le critique Auguste de Gasparini reprend les thèses avancées vingt ans plus tôt dans les pages de La Liberté. Pour lui, l’art conventionnel dénature la langue et obscurcit la vérité sur les rapports sociaux en faveur des classes dominantes. Selon lui :
“C’est cette partie de la société gouvernante qui a créé les mots correspondants aux idées, et qui, substituant partout l’idée d’un petit nombre, l’idée particulière, l’idée conventionnelle, à l’idée totale, universelle, nécessaire, a partout détourné les mots, signes figuratifs de la pensée, de leur sens réel et absolu.”[ref]Auguste de Gasperini, De l’art dans ses rapports avec le milieu social (1850), première partie, p. 9.[/ref]
Cette critique de la culture comme de ce qu’on pourrait appeler un appareil idéologique d’État annonce la déclaration d’indépendance proclamée cinq ans plus tard par un peintre pour lequel la vérité sert de pierre de touche théorique d’une pratique qui exalte l’indépendance artistique. En 1855, Gustave Courbet présente ses œuvres dans une exposition rétrospective sous l’enseigne “Le Réalisme”, et compose un manifeste qui sert de préface à son catalogue. En des termes devenus célèbres, l’artiste affirme sa liberté à l’égard des formes artistiques dominantes, et exalte, comme ressort de sa perception du monde qui l’entoure, une subjectivité débarrassée des conventions sociales et culturelles :
« J’ai voulu tout simplement puiser dans l’entière connaissance de la tradition le sentiment raisonné de ma propre individualité. Savoir pour pouvoir, telle fut ma pensée. Être à même de traduire les mœurs, les idées, l’aspect de mon époque, selon mon appréciation, être non seulement un peintre, mais encore un homme, en un mot, faire de l’art vivant, tel est mon but. » [ref]Gustave Courbet, “Le Réalisme,” préface à Exhibition et vente de 40 tableaux et 4 dessins de M. Gustave Courbet (1855).[/ref]
Si l’art vivant de Courbet se situe dans la descendance de l’art social tel qu’il a été théorisé de Saint-Simon jusqu’à la Seconde République, on doit résister à la tentation d’élaborer une généalogie directe qui souligne une ressemblance de famille trop simpliste entre le Réalisme et ses antécédents. Il y a assurément des liens entre Courbet et des courants socialistes des années 40; on sait par exemple que le peintre d’Ornans s’était lié avec des disciples de Pierre Leroux vers 1845. En même temps, la déclaration que je viens de citer rappelle des prises de position de certains républicains pendant la Monarchie de juillet. C’est dans ce milieu, par exemple, que l’exigence de contemporanéité est particulièrement prononcée. Mais la pratique de Courbet est beaucoup plus radicale dans la mesure où il met en question des principes théoriques qui restent intacts chez presque tous les théoriciens de l’art social, quelle que soit leur chapelle idéologique. La distance qu’il met entre lui et ses devanciers peut se résumer dans une phrase extraite d’une lettre à Francis Wey, où il décrit les “Casseurs de pierre” en novembre 1849 : “il faut encanailler l’art.”[ref]Gustave Courbet à Francis et Marie Wey, lettre datée du 26 novembre 1849, reproduite dans Petra Ten-Doesschate Chu (éd.), Correspondance de Courbet (1992), p. 82.[/ref]
Dans le contexte immédiat de la lettre, l’injonction de Courbet concerne la représentation des classes populaires dans l’art. Il s’en prend à “l’art bon genre et à la pommade,” c’est-à-dire à l’art du Salon qui a également attiré le mépris et provoqué la frustration de bien des critiques radicaux pendant les vingt années précédentes. En même temps, on doit constater que cette même période a vu la production, modeste mais significative, d’œuvres qui mettaient en cause l’injustice sociale en montrant l’égoïsme des classes riches et l’intégrité à toute épreuve des pauvres. Le plus souvent, de telles œuvres ont prêché l’évangile de l’abnégation et du stoïcisme, encourageant chez le spectateur la pitié plutôt qu’une interrogation plus percutante de la hiérarchie sociale. Cette prudence est largement appuyée par des critiques qui favorisent une formule qu’exprima ainsi un auteur anonyme, dans le journal ouvrier L’Atelier, en 1841 :
“Les beaux-arts ont . . . le but de nous rendre meilleurs individuellement; ils doivent nous inspirer l’amour de nos pères, la charité, la douceur, la paix de la famille, l’amour chaste et pur; ils doivent exciter en nous l’horreur de l’égoïsme et de tous les vices qui perdent les sociétés et les familles; en un mot, ils doivent nous faciliter l’accomplissement de tous nos devoirs.”[ref]Anonyme, “Salon de 1841,” L’Atelier, vol. 1, n° 7 (mars 1841), p. 55.[/ref]
Cette acceptation des codes moraux qui eux-mêmes incorporent les inégalités d’un monde contre lesquelles les partisans de l’art social veulent lutter, met en relief une contradiction qui a sapé la force mobilisatrice de l’engagement culturel. Du point de vue politique, les divers mouvements républicains, socialistes ou utopistes, ont tous endossé une moralité, qui, sur le registre artistique, privilégie la glorification du bon ouvrier en tant que sujet artistique, et un adoucissement de la vision du monde contemporain sur le plan formel. L’importance accordée à la beauté est révélatrice. Chez les Fouriéristes, la beauté s’intègre dans une philosophie plus large qui voit dans l’harmonie une qualité absolue sur laquelle peut s’épanouir le bonheur collectif. Dans des contextes idéologiques divers, d’autres penseurs de l’époque – et notamment Pierre Leroux – vantent l’harmonie comme une valeur ontologique fondatrice. Au-delà de ces affinités théoriques, pourtant, on voit des critiques relevant de toute la gamme théorique de l’art social confirmer une perception normative de la beauté qui reproduit les antinomies entre le réel et l’idéal, le haut et le bas, qui avaient traditionnellement contribué à définir l’ordre naturel du monde dans le domaine idéologique. Les notions de beauté, d’harmonie, d’ordre, de bienséance esthétique impliquaient une certaine vision qui gouvernait ce qu’on pouvait représenter et, plus fondamentalement, la façon dont on pouvait penser l’ordre social. Les partisans de l’art social ont rarement disputé des présuppositions sur lesquelles reposaient les valeurs artistiques tacitement admises par les artistes et les critiques reconnus. Ils ont ainsi accepté une langue plastique – et une langue culturelle en général – plus apte à normaliser une appréciation de l’ordre en place qu’à le mettre en question de façon radicale. Là encore, il fallait encanailler l’art.
Il fallait l’encanailler aussi pour toucher un public qui restait aux marges des institutions dominantes de la culture, comme le Salon, vers lesquelles l’attention des champions de l’art social était invariablement dirigée. Le commentaire artistique, ainsi que la plupart des initiatives culturelles encouragées au sein des mouvements radicaux, continuaient à donner priorité aux formes d’art et aux débouchés traditionnels. C’est la peinture et la sculpture exposées au Salon qui retiennent leur attention – et qui provoquent des expressions répétées de frustration devant l’indifférence des artistes à leurs appels à une mobilisation des arts. L’incapacité de comprendre les mécanismes d’un marché d’art dominé par des clients privés encourage une concentration sur un domaine foncièrement résistant à leurs priorités esthétiques et sociales. Il est d’autant plus étonnant de noter qu’à part quelques tentatives limitées, patronnées par les Saint-Simoniens et les artistes chrétiens autour de Philippe Buchez, les mouvements radicaux de la Monarchie de juillet ont peu exploité les arts populaires, et notamment la lithographie, pour convertir la classe ouvrière.
Si le bilan pratique de l’art social pendant les années 30 et 40 s’avère limité, ce moment reste important dans l’histoire de l’art ainsi que dans l’histoire des idées. Pour celui qui étudie les mouvements socialistes et républicains de l’époque, le domaine esthétique représente un aspect des débats idéologiques qui met en relief des questions fondamentales, telles que le rôle qu’ils accordent à la nature, leurs conceptions de la psychologie individuelle, et le statut du sentiment dans leurs systèmes épistémologiques. C’est le domaine artistique aussi qui nous permet d’approfondir leurs conceptions des mécanismes du changement pacifique de l’ordre social dominant. Du point de vue de l’histoire de l’art, la Monarchie de juillet initie un débat sur le rôle social de l’art dont les échos ont retenti à travers tout le siècle suivant. Cent cinquante ans plus tard, le régime culturel qui caractérise la société moderne récèle bien des éléments qu’on pourrait caractériser comme “saint-simoniens.” Du point de vue technologique, le foisonnement des médias audio-visuels que nous a légué le vingtième siècle a facilité une pénétration matérielle et psychologique par une “persuasion clandestine” qui dépasse de loin les rêves les plus osées de Saint-Simon et de ses épigones. Plus que de l’art, conçu dans le sens étroit du dix-neuvième siècle, nous sommes aujourd’hui entouré d’une vaste et étouffante culture de masse qui a colonisé les formes d’expression traditionnelles et a adapté des formes novatrices à ses propres fins. La société de consommation qui est la nôtre a bien sûr ses propres normes, des formes de comportement qui sont sollicitées et légitimées par notre culture populaire; ces messages sont d’autant plus efficaces qu’ils répudient le moralisme direct pour jouer sur les registres du plaisir, de la sensualité et du bien-être matériel. Prônant un individualisme qui cultive l’illusion de l’autonomie de jugement et d’action, la culture (post-) moderne a détrôné les rêves de bonheur des anciennes utopies pour nous bercer de “dreams that money can buy.”
Je tiens à remercier Laurence Bertrand Dorléac et Eric Michaud pour leur soutien pratique et intellectuel.
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Neil McWilliam est Walter H. Annenberg Professor of Art and Art History à Duke University (Etats-Unis). Spécialiste de la critique et de l’esthétique et de leurs rapports avec la théorie politique du dix-neuvième siècle français, il a publié Dreams of Happiness. Social Art and the French Left 1830-1850 (Princeton University Press, 1993), Monumental Intolerance. Jean Baffier, A Nationalist Sculptor in Fin-de-siècle France (Penn State University Press, 2000) ainsi que la Bibliography of Salon Criticism in Paris from the July Monarchy to the Second Republic 1831-1851 (Cambridge University Press, 1991). Avec June Hargrove, il a édité Nationalism and French Visual Culture 1870-1914, qui paraîtra au début de 2005 dans la série Studies in the History of Art (National Gallery of Art, Washington D.C.). Ses recherches actuelles sont consacrées à l’esthétique de l’extrême droite nationaliste en France de la période 1870-1914.