Analyser une carte en Espace mondial
Crédit : extrait de Francis A. Walker, Statistical Atlas of the United States based on the results of the 9th census / Library of Congress
Quelques clés pour analyser une carte en Espace mondial
Patrice Mitrano
Publié le 13/09/2024
Note aux lecteurs :
Cet article fait partie d’un ensemble de ressources méthodologiques relatives à l’exercice de la carte demandée dans le cours Espace mondial à Sciences Po. La « carte » est sensiblement identique au « croquis géographique » du lycée. La plupart des points développés dans ces ressources s’appliquent dans l’enseignement secondaire.
Décrire
D’abord décrire ce que l’on voit et ce que l’on lit sur la carte et autour de celle-ci, avec des mots simples, sans chercher à interpréter ni analyser :
- décrire le support (affiche papier, carte numérique…),
- définir le type d’usage (document officiel, élément de communication…),
- trouver, si cela est possible, le commanditaire (une ONG, un gouvernement…),
- identifier la source dont est extraite l’image (cartothèque en ligne, revue, atlas…),
- trouver l’auteur.
Lire attentivement les textes d’habillage de la carte (titres, légendes, notes…).
Enfin, identifier les répartitions spatiales : Voit-on des zones denses, des zones vides ? Quels sont les ordres de grandeur ? Y-a-t-il des chevauchements ?
Contextualiser
Essayer de dater le moment durant lequel la carte a été dressée (enjeux géopolitiques : guerre froide, dislocation de l’ex-Yougoslavie par exemple).
Cette étape est par essence subjective. La carte est un objet éminemment politique.
L’auteur a opéré des choix tout au long de sa conception/réalisation :
- Le choix du fond de carte (projection, cadrage, orientation…) est déjà un élément d’interprétation : pourquoi avoir choisi une projection Mercator plutôt qu’une autre ? Pourquoi limiter la carte à la seule mer de Chine plutôt que considérer l’ensemble de la zone Indo-Pacifique ?
- Le choix du type de données employé pour aborder un sujet questionne l’étudiant. On l’a vu pendant la crise de Covid-19 : pourquoi utiliser des nombres absolus et montrer les cas positifs par pays plutôt qu’une pondération par rapport aux populations nationales de référence (prévalence) ?
- Le choix de la représentation pour une information donnée n’est souvent pas neutre. Pourquoi ces couleurs ? Leur interprétation varie d’une région à l’autre dans le monde (le jaune est symbole de traitrise en Occiden mais de pouvoir et de sagesse en Orient). Existe-t-il des habitudes, des normes (le Parti républicain en rouge et le Parti démocrate en bleu aux États-Unis). Pourquoi ce choix de découpage de la série statistique et ce nombre de classes ?
Illustration 1 : [gauche] Cas de Covid-19 dans le Monde (source : Coronavirus Resource Center, JHUM, https://coronavirus.jhu.edu/map.html) et [droite] Prévalence de Covid-19 en Grande-Bretagne (James Cheshire, Next slide please: data visualisation expert on what’s wrong with the UK government’s coronavirus charts, The Conversation, 3 nov. 2020,
Interpréter
Il s’agit de dégager l’intérêt de la carte, ce que cette carte apporte à la compréhension du monde, au moment où elle a été produite et, pourquoi pas, avec un regard actuel. L’analyse critique n’est pas une déconstruction vaine : au contraire, on aborde les limites de la carte en pointant des choix précis du cartographe ou des oublis possibles que l’on commente dans un esprit constructif et que l’on peut mettre en regard d’autres cartes produites par d’autres auteurs sur le même thème.
La carte suivante, du commerce d’importation vers l’Europe occidentale et centrale est extraite d’un ensemble de 100 planches, détachables et exposables, dressées par Otto Neurath et son équipe du Gesellschafts- und Wirtschaftsmuseum, un institut de recherche scientifique et pédagogique pluridisciplinaire. Créé en 1925 dans l’Autriche social-démocrate, il associait statisticiens, cartographes, ethnologues, médecins, architectes ou encore artistes. Son activité cessa avec le renversement de 1934.
Illustration 2 : Carte du commerce d’importation vers l’Europe occidentale et centrale (1930) avec une typologie des régions partenaires (couleurs différentes) et les principaux produits importés (formes).
Source : Otto Neurath et al., Gesellschaft und Wirtschaft : bildstatistisches Elementarwerk, Österreichisches Gesellschafts- und Wirtschafts-Museum, Leipzig, 1930, p. 32
Pour aller plus loin
- Tous les articles pour Bien démarrer en cartographie en Espace mondial
- Juliette Morel, Les cartes en question, petit guide pour apprendre à lire et à interpréter les cartes, Autrement, 2021, page 141
- Delphine Allès, Frédéric Ramel, Pierre Grosser, Relations internationales – 2e édition, Dunod, 2023, pages 307-309
- Les manuels d’Histoire-Géographie de Terminale. On y trouve souvent de bons articles sur l’analyse de cartes ou d’images.