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24.01.2022

ELIPSS : Éclairage sur les préférences des Français en matière de séries télévisées

Entretien avec Clément Combes et Hervé Glevarec

 

Sociologues au sein du laboratoire CLERSE de l’Université de Paris, Hervé Glevarec et Clément Combes travaillent sur les pratiques et expériences culturelles et médiatiques (musique, radio, séries télé, sorties culturelles, etc.). 

À l’occasion de la sortie de leur dernier ouvrage Enquête sur les pratiques et les goûts des Français pour les séries télévisées, ils reviennent sur leur parcours de recherche et l’apport de la plateforme ELIPSS dans l’enrichissement de leur projet. 

Pourquoi avoir fait appel aux services de la plateforme ELIPSS ?

Nous avions précédemment travaillé l’un et l’autre sur les pratiques de consommation de séries télévisées dans le cadre d'enquêtes de terrain menées par entretiens et observations.

Nous avons entendu parler du dispositif ELIPSS comme d'un dispositif disponible pour les chercheurs moyennant l'élaboration d'un projet de recherche et d'un questionnaire. Cette opportunité était nouvelle et unique y compris pour des chercheurs. 

Cette plateforme nous paraissait idéale pour réaliser cette première enquête statistique d’ampleur sur le sujet des séries télévisées en France.

Comment avez-vous eu connaissance du panel ELIPSS ? Que pouvez-vous nous dire de cette collaboration ?

C’est grâce au bouche-à-oreille académique que nous avons eu connaissance du dispositif. La collaboration avec l’équipe fut très agréable et productive. Nos différents interlocuteurs se sont montrés à la fois présents et réactifs à l’égard de nos sollicitations, et de bons conseils dans l’élaboration et l’implémentation du questionnaire.

Quels ont été les apports d’ELIPSS pour votre travail de recherche ?

Tout d’abord, le dispositif ELIPSS était la première opportunité qui s'est offerte à nous de mener une enquête à la fois statistique, représentative, et sur un panel significatif de Français sur un objet qui n'avait encore jamais été saisi statistiquement.

De plus, nous avons pu bénéficier de l’appariement avec les données de pratiques culturelles d'enquêtes antérieures.

Il nous a également offert la possibilité de poser et traiter des questions ouvertes, à partir d'une auto-complétion, sur les séries vues, préférées, abandonnées et marquantes, parmi les milliers existantes. 

Enfin, il a permis de recueillir un important matériau photographique auprès des enquêtés.

Quels ont été les résultats marquants ?

Un premier résultat intéressant est, à l’heure du multi-écrans, la prévalence toujours effective de la télévision – en tant qu’écran et média – en matière de consommation sérielle, y compris chez les plus jeunes.

En second lieu, l’enquête met au jour une dispersion des œuvres consommées et des goûts sériels – phénomène que nous désignons par « différenciation ». La consommation et les préférences des Français se portent sur des centaines de séries, dont les plus fédératrices (Grey’s Anatomy, Game of Thrones) ne rassemblent désormais pas plus d’un spectateur de séries sur dix. Il existe finalement des univers autonomes de préférences sérielles, structurés par le moment générationnel et par le niveau socio-culturel (formation scolaire, et activité professionnelle). L’un et l’autre définissent pour les spectateurs un rapport au monde et des questionnements socio-existentiels auxquels viennent répondre certaines séries plutôt que d’autres.

Ainsi l'enquête apporte-t-elle à la réflexion sur le goût, le dégoût et à leur rapport. En effet, le goût est souvent conçu comme l'envers d'un dégoût. Or, l'enquête montre que les goûts sériels sont endogènes, c'est-à-dire qu'ils renvoient à des préférences spécifiques plutôt qu'à des prises de position par rapport aux goûts des autres. Le goût des individus n'a pas le dégoût comme principe, mais une détermination propre dont l'enquête a permis de montrer les facteurs les plus déterminants. Quant aux dégoûts à proprement parler, ils sont notamment manifestés explicitement par les jeunes et les faiblement diplômés.

À l’issue de cette publication, quel est l'avenir et les implications de votre projet de recherche ?

Ce questionnaire est une photographie de la pratique sérielle, 20 ans après l'essor du format sériel "feuilletonnant" venu principalement des États-Unis. En 2022, le confinement sanitaire qui a accompagné la pandémie virale de 2020 et le déploiement des pratiques de visionnage des séries à partir des plateformes telles que Netflix appellent la comparaison avec un questionnement renouvelé pour lequel nous souhaitons réitérer notre collaboration avec ELIPSS.