Les métiers du CDSP : coordinatrice nationale de l’Enquête Sociale Européenne

J’ai rejoint l’équipe de l’ESS lors de la mise en place du terrain de la 10e édition, et ça fait maintenant un peu plus de trois ans que je travaille en tant que coordinatrice nationale sur l’enquête. A travers mon travail de doctorat, je me suis spécialisée en économie comportementale et grâce à l’ESS j’ai découvert la mise en place de grandes enquêtes transnationales. J’ai notamment pu explorer des questions liées à la méthodologie d’enquête, notamment les effets de formulation des questions via les tests cognitifs et des tests quantitatifs comme les MTMM (Multitrait-multimethod matrix). Nous avons d’ailleurs publié un article en 2023 dans la revue Social Justice Research (Can Survey Scales Affect What People Report as A Fair Income? Evidence From the Cross-National Probability-Based Online Panel CRONOS). 

En tant que coordinatrice nationale, je suis responsable de la réalisation de l’ESS sur le terrain français, donc de son pilotage opérationnel. Mes missions visent à assurer la qualité des données produites en garantissant le respect des critères méthodologiques exigés par la coordination européenne, que ce soit lors de la constitution de l’échantillon, de la traduction ou de la passation de l’enquête (mise en place de marché publics). Je suis également chargée d’obtenir des financements et de promouvoir les données produites et les autres activités de l’ESS-ERIC.

Une spécificité du terrain français est que l’échantillon est constitué par l’INSEE, ce qui nécessite la mise en place de démarches spécifiques auprès des entités délivrant l’agrément (le comité du label et le comité du secret, etc) .

Ensuite, il y a la phase de promotion des données en lien avec PROGEDO via des documents infographiques et de synthèse, et la traduction des toplines constituées par les équipes qui ont créé les questions. Concernant la communication, elle peut avoir lieu lors de journées comme celle organisée dernièrement conjointement avec SHARE, par des activités de relais ou à l’occasion de séminaires en ligne.

ESS est une enquête de référence concernant les questions méthodologiques. Or le mode de collecte est en train d’évoluer. Nous nous interrogeons donc sur la manière de s’assurer de la représentativité des répondants et de diminuer les erreurs de mesure. Tout ce travail se fait en collaboration avec les partenaires européens, à travers des retours sur les questions proposées et la validation des critères de tirage par exemple.

CRONOS est un panel probabiliste en ligne constitué sur la base des répondants à l’Enquête sociale européenne. CRONOS 2 a été déployé dans 12 pays au cours de 7 enquêtes : une enquête de bienvenue pour le début du terrain, 4 enquêtes communes à tous les pays participants et 2 enquêtes dites country-specific dont l’enjeu était de définir des questions pertinentes par rapport aux problématiques de chaque pays. Par exemple, en France, nous avons réalisé une enquête juste après les élections législatives sur les sentiments des électeurs de certains partis face aux autres partis et une deuxième à propos de l’acceptation des politiques de soutien à la lutte contre le changement climatique.

Pour le moment, le panel CRONOS est de taille modérée mais il est amené à croître dans la nouvelle phase du projet. Dans CRONOS 3, il y aura 1700 personnes au début rien que pour la France. L’objectif est donc de faire croître ce panel mais également de rapprocher les questionnaires ESS de ceux des autres grandes enquêtes. Comme c’est un panel en ligne, on peut supposer que cela permettra de faire plus d’expérimentations. In fine, il y a de nombreuses opportunités ouvertes par ce panel transnational, dont il s’agit d’analyser et d’améliorer la représentativité par rapport aux publics qui sont les moins susceptibles de répondre comme les personnes âgées, les jeunes ou les personnes éloignées du numérique.

Historiquement, l’enquête est réalisée en face-à-face, ce qui pose aujourd’hui des problèmes dans la plupart des pays car les taux de réponse ne cessent de diminuer. Ce constat a incité la coordination européenne à réfléchir à l’évolution du mode de collecte, et le principal défi pour les mois à venir sera le changement de mode de passation des questionnaires. A partir de 2027, la collecte n’aura plus lieu qu’en auto-administration : les répondants seront d’abord invités à répondre en ligne, puis un questionnaire papier leur sera envoyé en cas de non réponse.

Afin de préparer ce changement de mode, quelques pays, dont la France, ont mis en place une expérimentation sur la collecte de la 11e édition de l’ESS en 2023. Pour la première fois, deux modes de collecte ont été expérimentés en parallèle : le face à face et l’autocomplétion. Ainsi 4000 personnes ont été invitées à répondre en ligne ou via un questionnaire papier. Nous avons reçu 1276 questionnaires complets dont 298 papiers. Le papier permet généralement de toucher les personnes qui ont moins accès à internet, c’est donc une bonne méthode pour garantir la représentativité de l’échantillon. Cette expérimentation permettra donc d’analyser les effets liés au mode de collecte tels que les biais de sélection et les biais de mesure. Le terrain de l’ESS 12 sera ainsi mené selon le double mode de collecte -auto-administration et face-à-face- dans l’ensemble des pays.

ESS est l'enquête de référence en sciences sociales. C’est réellement une enquête interdisciplinaire car elle est utilisée par des économistes, des sociologues, des politistes… La diversité des sujets couverts est ainsi prometteuse. Il existe d'ailleurs une chaîne YouTube ESS qui propose des séminaires méthodologiques et thématiques.