Accueil>Mobilisations infirmières : une enquête sur le mouvement à la fin des années 1980

26.03.2020

Mobilisations infirmières : une enquête sur le mouvement à la fin des années 1980

Les professionnels de santé, en particulier les personnels hospitaliers, occupent le devant de la scène par leur implication dans la crise sanitaire actuelle et par les grèves qui les mobilisent depuis l’automne 2019. L’enquête qualitative coordonnée par Danièle Kergoat à la fin des années 1980 aide à comprendre la profession d’infirmier.e.s et les manières dont ils.elles s’organisent autour d’actions collectives.

La place du genre dans l’analyse des mouvements sociaux

Avant-gardiste pour son époque, l’enquête qualitative sur la coordination des infirmières à la fin des années 1980 vise à étudier les mobilisations de femmes dans le monde professionnel, à travers les rapports sociaux de sexe. Elle montre que la configuration spécifique du mouvement, mixte tout en présentant une large hégémonie des femmes, a bouleversé les rapports sociaux de sexe habituels dans le milieu hospitalier, favorisant une remise en cause de la domination des hommes.

Visant à combler l’absence de réflexion d’alors sur le genre dans les études sur les mouvements sociaux, l’enquête s’intéresse à une forme nouvelle de mobilisation. A côté de celles que conduisent les syndicats, la "coordination” que construisent ces infirmières manifeste le refus de la centralisation et une conception davantage démocratique des rapports de pouvoir. 

Les résultats proposés renouvellent des débats propres à la sociologie de l’action collective, du genre et des professions en mettant en lumière :

  • l’émergence de la  coordination comme forme de mobilisation ; 

  • l’importance du genre dans la compréhension d’un mouvement social ;

  • la transformation du rapport à la qualification : de compétences jugées naturellement féminines vers une qualification professionnelle reconnue.

En proposant la notion de “mouvements sociaux sexués”, cette enquête a constitué une étape fondatrice dans l’analyse de l’articulation de la classe sociale et du genre.

Une enquête collective sur le terrain social infirmier (1988-1995)

Cette recherche collective s’appuie sur deux volets d’enquête réalisés entre 1988 et 1991 : 

  • une enquête de terrain, menée en région parisienne et dans le Sud-Est de la France sur le mouvement social des infirmières ;

  • une contextualisation historique de la profession d’infirmière. 

Cette recherche collective a été coordonnée par Danièle Kergoat (Directrice du groupe de recherche GEDISST, affiliée au laboratoire CRESPPA) avec la  contribution  de Françoise Imbert (chargée de recherche au CSU, sociologue du travail spécialisée dans l'étude des transformation des techniques et de l'organisation du travail), Danièle Sénotier (assistante de recherche au GEDISST) et Hélène Le Doaré (ingénieure d'étude au GEDISST).

Les matériaux collectés (transcriptions d’entretiens individuels et collectifs, questionnaires, notes d’observation, comptes-rendu d’AG, documentation et littérature, photographies de terrain) sont disponibles sur beQuali.fr

Quelques enquêtes réalisées depuis sur ce thème

Emmanuelle Zolesio. Chirurgiennes, des femmes dans un métier dit "masculin" . conférence pour un public de 2 classes de Terminale ES au lycée Châtelet de Douai, Feb 2016, Douai, France.

Anne-Marie Arborio. Un personnel invisible. Les aides-soignantes à l'hôpital : 2e édition augmentée d'une préface. Anthropos/Economica, 334 p, 2012, Sociologiques.

Belorgey, Nicolas. L’hôpital sous pression. Enquête sur le « nouveau management public ». La Découverte, 2010

Arborio, Anne-Marie. « 3. Les aides-soignantes à l'hôpital. Délégation et professionnalisation autour du « sale boulot » », Didier Demazière éd., Sociologie des groupes professionnels. Acquis récents et nouveaux défis. La Découverte, 2009, pp. 51-61.

Gollac Michel. Des chiffres insensés ? Pourquoi et comment on donne un sens aux données statistiques. In : Revue française de sociologie, 1997, 38-1. pp. 5-36. (voir page 25 : effets de la mobilisation des infirmières dans les années 1980 sur la perception de la dégradation de leurs conditions de travail)