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ETAPSS
Le projet ETAPSS vise à étudier la manière dont les enjeux de confidentialité et d'anonymisation sont gérés dans l’écriture des articles publiés dans des revues de sciences sociales.
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Le projet ETAPSS vise à étudier la manière dont les enjeux de confidentialité et d'anonymisation sont gérés dans l’écriture des articles publiés dans des revues de sciences sociales.
L’objectif est d’observer comment différentes communautés disciplinaires gèrent une injonction contradictoire notoire, bien qu’encore peu étudiée de manière systématique : administrer correctement la preuve de ce qui est avancé dans les articles, autrement dit donner aux lecteurs suffisamment de prises pour évaluer la solidité empirique des résultats proposés.
Cela implique d’optimiser la préservation de la précision des informations collectées – sans risquer de porter préjudice aux enquêtés en risquant de divulguer leur identité ou des aspects sensibles de leur vie – ce qui suppose à l’inverse de diminuer la précision de l’information concernant les groupes et personnes étudiées voire d’occulter des aspects sensibles de leurs témoignages ou des élément observés, et / ou d’obtenir leur consentement pour diffuser tout ou partie de ces informations.
Bien que ces prescriptions normatives fassent partie d’une culture professionnelle plus ou moins formalisée, elles font rarement l’objet d’explicitations de la part de collectifs professionnels ou d’études réflexives systématiques, au-delà de l’identification de principes très généraux ou (rarement) de la mise en discussion de ses propres pratiques, à titre individuel. On sait finalement peu de choses sur la manière dont les communautés disciplinaires mettent en œuvre ces normes in concreto. Or, leur application n’est pas sans incidence sur les orientations des méthodes et des objets de la recherche, à travers ce qui peut ou pas se dire dans les publications.
Un enjeu central de la Science ouverte
Ce questionnement prend une acuité particulière dans le contexte de la Science ouverte, dans la mesure où l’ouverture des publications à un large public remet en jeu les problématiques de confidentialité. Aujourd’hui, les résultats des recherches deviennent beaucoup plus facilement accessibles via notamment les revues (ou ouvrages) en accès ouvert et les archives ouvertes, ce qui augmente le risque de rupture d’anonymat.
Etudier ces pratiques est également de nature à éclairer le débat autour des conditions de possibilité de diffusion des “données” de la recherche. On sait que la question de l'anonymisation en particulier constitue un des points d'achoppement centraux des velléités de partage des données de la recherche ; outre les débats épistémologiques autour de la mise en données et de la “brutification” des matériaux de recherche, c’est une activité très chronophage et tout sauf anecdotique épistémologiquement parlat et dont les principes et normes s’inspirent, plus ou moins clairement, des principes préexistant, à un niveau plus général, dans les différentes disciplines.
Le projet défend une étude réflexive des pratiques de publication en contexte de Science ouverte, contre toute tentation de formulation de “bonnes pratiques” qui seraient déliées de l’observation préalable, approfondie, et compréhensive, des activités concrètement mises en oeuvre.
Une échelle volontaire large pour saisir un phénomène complexe
Le projet ETAPSS défend l’intérêt de sortir de conceptions globalisantes, aveugles aux spécificités disciplinaires et méthodologiques, et mettra pour ce faire en regard plusieurs ensemble disciplinaires de sciences sociales – anthropologie et ethnologie, économie, épidémiologie ou santé publique, géographie sociale, linguistique, science politique, sciences de l’information et de la communication, sociologie et démographie. Cette comparaison permettra de se donner les moyens d’étudier des normes professionnelles plus ou moins transversales aux différentes disciplines et adaptées aux spécificités de chacune.
La cas de la France sera éclairé par une comparaison avec le Royaume-Uni, les Etats-Unis ou le Canada, des contextes marqués par une antériorité des effets des dynamiques de Science ouverte. Afin de saisir une possible évolution, liée potentiellement à un renforcement des préoccupations éthiques en sciences sociales ou à d’autres changements normatifs, la recherche sera menée avec une certaine profondeur historique, en remontant au moins jusqu’au début des années 2000.
Aspects pratiques
Deux approches seront articulées. D’abord, une objectivation des pratiques d’anonymisation ou de recueil des consentements embarquées dans les articles. Du fait de l’ampleur des comparaisons envisagées, le projet sera mené à partir d’un échantillon d’une centaine de revues, ce qui représente plusieurs milliers d’articles scientifiques à analyser. Pour cette raison nous aurons recours à des outils de fouille de texte. Ensuite, une exploration des modes d’appropriation et de mise en œuvre de ces prescriptions normatives dans les revues étudiées, via l’envoi d’un questionnaire aux revues étudiées et la réalisation d’une cinquantaine d’entretiens avec des membres de comités de rédaction des revues et d’auteurs d’article. Ce second volet de l’enquête permettra d’étudier comment sont cristallisées et formalisées certaines normes professionnelles propres à différentes sous-communautés disciplinaires.
Financement
Le projet ETAPSS est financé par le programme Recherche sur les pratiques et enjeux de la science ouverte - RESO, édition 2024. Identifiant : ANR-24-RESO-0004-01