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17.02.2025
10 points pour comprendre les élections fédérales allemandes de février 2025
Dimanche 23 février, les citoyennes et citoyens d'Allemagne sont appelés à élire les nouveaux membres du Bundestag, le parlement fédéral allemand. Quelle coalition de gouvernement en sortira ?
Initialement prévues pour fin septembre 2025, ces élections anticipées ont été convoquées à la suite d'une crise gouvernementale sans précédent depuis 1982 qui a vu imploser la coalition entre le Parti socio-démocrate (SPD), les Verts, et les libéraux du FDP, mettant fin au gouvernement Scholz.
Crise économique et politique, polarisation autour de l'immigration, fragilisation du cordon sanitaire, ingérences d'Elon Musk : voici 10 points clé pour comprendre ce scrutin déterminant pour l'Allemagne et l'Europe. Une analyse d'Isabelle Guinaudeau, chercheuse CNRS en science politique, actuellement affectée au Centre Marc Bloch et associée au Centre d'études européennes et de politique comparée.
1. La chute de la coalition sortante
L’alliance SPD-Verts-FDP, marquée par des tensions internes croissantes et une impopularité record, sanctionnée dans les urnes lors d’élections intermédiaires dans plusieurs régions, a implosé en novembre suite à des désaccords profonds sur le budget et la dette.
Récession, désindustrialisation, infrastructures vieillissantes, transition climatique, hausse des dépenses militaires en lien avec la guerre en Ukraine : la gauche souhaite lever le frein constitutionnel à l'endettement alors que les libéraux du FDP et la droite du CDU s'y opposent et prônent la rigueur budgétaire.
D’où ces élections anticipées.
2. Mode d'emploi de ce scrutin anticipé
L'élection du parlement fédéral allemand (Bundestag) utilise un mode de scrutin mixte combinant représentation proportionnelle et scrutin majoritaire.
Les règles de distribution des sièges et la fragmentation de l’offre politique ces dernières années ont conduit à des effectifs pléthoriques, la précédente assemblée comptant 736 élus. Une réforme électorale fixe désormais un maximum de 630 sièges, mais les équilibres partisans ne devraient pas être significativement affectés.
Le prochain chancelier ou la prochaine chancelière proviendra de la coalition de gouvernement formée à l’issue du scrutin.
3. La CDU en tête, mais sans majorité
Emmenés par le conservateur Friedrich Merz, les chrétiens-démocrates (CDU/CSU) dominent les sondages autour de 30 %, mais devront négocier pour gouverner.
4. L’AfD en forte progression
Avec plus de 20 % d'intentions de vote, le parti d’extrême droite AfD, emmené par Alice Weidel, poursuit son ascension et se classe 2e dans les sondages, devant les partis de la coalition sortante.
Le parti progresse non seulement dans les régions de l'Est, mais aussi dans des régions plus riches et industrialisées, comme la Bavière ou le Bade-Wurtemberg, où il est crédité de plus de 18 % d'intentions de vote.
5. Immigration et affaiblissement du cordon sanitaire
L’immigration est devenue un thème central de la campagne, en particulier après une attaque au couteau perpétrée par un réfugié souffrant de troubles psychiques.
Dans ce contexte, le discours de l'AfD a notamment trouvé un écho chez Friedrich Merz. Beaucoup considèrent le cordon sanitaire (consistant à exclure l'AfD des coalitions) mis à mal après que le leader de la CDU a mis au vote au Bundestag des mesures très restrictives, en sachant qu'elles ne pourraient passer qu'avec les voix de l'extrême-droite.
Or les études en science politique s’accordent sur le fait qu'en se laissant entraîner sur les terrains de prédilection des partis contestataires, les partis établis contribuent à légitimer et à faire monter ces derniers – une dynamique qui s'est confirmée.
6. Un nouvel acteur ? le “Bündnis Sahra Wagenknecht” (BSW)
Issu d’une scission du parti de gauche “Die Linke” en 2023, ce parti populiste présente un profil inhabituel combinant des positions sociales et interventionnistes sur le plan économique, et des positions conservatrices sur le plan des valeurs.
Vu ses succès aux scrutins régionaux de l'automne, ce parti a semblé en mesure de rebattre les cartes. Ses intentions de vote ont néanmoins décliné au cours de la campagne et le BSW n'est pas sûr d'être représenté dans le prochain parlement.
7. Le climat à l'arrière-plan
La question climatique est à la fois passée à l'arrière-plan par rapport à 2021 et devenue très clivante : la droite et l’AfD attaquent la transition énergétique et critiquent les mesures adoptées par la coalition sortante.
8. Le rôle des réseaux sociaux en question
La bataille politique s’est en partie jouée sur les réseaux sociaux, où l’AfD bénéficie d’une survisibilité. Elon Musk, propriétaire de X (ex-Twitter), a ouvertement soutenu le parti en interagissant avec sa candidate Alice Weidel et en lui offrant une tribune sur ce réseau.
Cette implication soulève des questions sur l’influence des plateformes privées et les ingérences étrangères dans la campagne.
9. La perspective de négociations difficiles pour former une coalition
Les négociations s'annoncent complexes puisqu'aucune des alliances classiques ne semble être en mesure de former un gouvernement majoritaire.
Si les plus petits partis (BSW, Die Linke, FDP) ne franchissent pas la barre des 5 % nécessaires pour être représentés au parlement, une grande coalition CDU-SPD ou une alliance CDU-Verts pourrait être suffisante, à charge pour ces partis de trouver un terrain d'entente. Dans l'alternative, une alliance à trois pourrait être nécessaire.
10. Des répercussions majeures pour l'Allemagne et pour l'Europe
Les élections à venir et la capacité de l'Allemagne à retrouver une stabilité gouvernementale influenceront les équilibres européens et les réponses à la récession économique, aux tensions internationales et à la crise climatique, au moment où les États-Unis viennent de quitter l’Accord de Paris sur le climat et menacent l’Union européenne d’une hausse des droits de douane.