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01.12.2022

Des dictatures au terrorisme, comment sortir de la violence ?

Afrique du Sud, ex-Yougoslavie, Rwanda, Europe de l’Est postcommuniste, Amérique latine post-dictatures… : depuis les années 1990, de nombreux pays ont dû négocier une transition de conflits internes violents vers des paix souvent démocratiques. Dans son dernier ouvrage, Sandrine Lefranc, directrice de recherche CNRS au CEE, enquête sur les initiatives de « justice transitionnelle » en interrogeant leurs présupposés, leur mise en œuvre et leurs résultats. Comment sortir de la violence ? Enjeux et limites de la justice transitionnelle(CNRS Éditions, avril 2022). Entretien.

Qu’est-ce que la justice transitionnelle et quand est-elle apparue ?

Sandrine Lefranc : L’expression « justice transitionnelle » recouvre un ensemble de propositions et de mesures qui ont pour ambition d’installer la paix et la réconciliation après des violences de masse (génocides, guerres civiles, répressions dictatoriales). Les mesures symboliques sont privilégiées. On veut établir la vérité sur ce qui a été fait, énoncer qui sont les coupables et qui sont les victimes, réparer les dommages, réformer les États criminels, élaborer une politique de mémoire, et réconcilier les sociétés. Les promoteurs de cette idée — des militants des droits humains, des universitaires, des acteurs gouvernementaux et d’organisations internationales — ont pour ambition d’articuler toutes ces mesures dans une politique cohérente.

La justice transitionnelle est apparue à la fin de la Guerre froide, alors que les dictatures laissaient place à des gouvernements démocratiquement élus. Ces changements n’ont pas été des ruptures nettes mais se sont construits sur des compromis avec les régimes en place. Quand vous négociez une démocratisation avec un dictateur appuyé par une armée, il est difficile de l’envoyer en prison ! La justice transitionnelle doit permettre la paix sociale et une consolidation du jeune régime démocratique, et tant pis si les continuités avec l’ancien régime restent fortes. La justice transitionnelle est donc une justice négociée, qui tente de concilier ces concessions et les attentes des victimes, en reconnaissant les crimes mais le plus souvent sans les punir puisque les nouvelles institutions judiciaires restent soumises au compromis politique. Même si le développement de la justice pénale internationale a permis de poursuivre quelques hauts responsables, cela ne concerne qu’un petit nombre des auteurs d’exactions.

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Quels sont les dispositifs concrets mis en place ? Quelle place occupe la parole des victimes ?  Quels points communs entre les procès des attentats terroristes et la justice transitionnelle ? Découvrez-le dans la suite de cet entretien avec Sandrine Lefranc, à lire dans Cogito, le magazine de la recherche de Sciences Po.