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24.10.2023
Paris 2024 : quels impacts sur l'aménagement des villes et des territoires ?
L’organisation des grands événements sportifs soulève de nombreuses questions pour les villes et les territoires.
Comment ces événements accélèrent-ils l’aménagement des métropoles ? Comment gérer leur surdimensionnement à l’heure où la sobriété est de mise ?
Les réponses de Charlotte Halpern qui est responsable scientifique de l'Executive Master Gouvernance territoriale et développement urbain, directrice de l’Institut pour les transformations environnementales et chercheuse au Centre d'études européennes et de politique comparée (CEE) de Sciences Po.
L’attribution des Jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) donne lieu à une âpre bataille entre les villes candidates, pourquoi cet engouement ?
La première motivation est de poser sa ville sur la carte du monde et de faire en sorte que pendant quelques semaines, elle devienne un point d’attention majeur à l’échelle planétaire. D’autres bénéfices sont bien sûr attendus en termes de retombées économiques, touristiques notamment.
L’organisation des Jeux Olympiques constitue aussi, souvent, l’opportunité d’accélérer le développement urbain sur des territoires déjà très denses confrontés à d’importantes problématiques de logements et d’infrastructures. La réunion sur un même projet et dans un temps très court de l’ensemble des acteurs publics au niveau de l’État et des collectivités, d’investisseurs privés et d’experts de l’aménagement permet en effet de lancer des projets ambitieux qu’il serait difficile de mener dans un autre contexte. Barcelone (1992) a un peu été le précurseur de cette approche des JO comme catalyseur des investissements. Plus récemment, à Londres (2012), les JO ont été un moyen de repenser le développement à l’Est, dans des zones où subsistaient de nombreuses friches industrielles. Il y avait donc un très gros défi de dépollution des sols qui ne permettait pas, en temps ordinaire, d’aménager facilement ces terrains.
Dans le cas parisien, la logique est assez similaire. Les projets développés sur le site de la plaine Saulnier, autour de l’ile Saint-Denis et plus largement en Seine-Saint-Denis vont permettre d’ouvrir de nouveaux terrains à l’aménagement. Cela ne va pas sans difficultés. Au-delà des défis techniques posés par la reconquête de territoires en friches ou inexploités, les saisies de terrain, les reconversions d’espaces jusque-là habités ou dédiés à d’autres fonctionnalités peuvent engendrer de fortes contestations parmi les populations riveraines. Ce fut le cas du projet de construction de la piscine Olympique à Aubervilliers.
Les JOP peuvent-ils être l’opportunité d’un aménagement plus durable des territoires ?
Si l’on prend l’exemple de Londres, la préparation des JO a vraiment permis d’asseoir ce qui allait devenir la conception britannique de la ville durable pour les 15-20 ans à venir. Les organisateurs des JOP de Paris ont fait un pas de plus en misant plutôt sur la sobriété. Le projet parisien comporte peu de gros équipements n’ayant pas vocation à être pérennisés ou ne répondant pas à un besoin préalable. Le Village des athlètes ou le Cluster de la presse seront, par exemple, reconvertis en espaces de vie pérennes, logements, bureaux.
Un certain nombre d’expérimentations seront par ailleurs menées pour réduire l’impact carbone des bâtiments, tester de nouveaux matériaux biosourcés, ramener la nature en ville, etc. Une attention particulière a aussi été portée au développement des mobilités douces et au réaménagement des espaces publics.
L’autre particularité des JOP de Paris tient au fait que tous les aménagements ne sont pas concentrés sur la métropole parisienne puisque certaines épreuves se dérouleront à Marseille, Bordeaux, Nantes... Cette réflexion menée sur la manière dont les investissements pouvaient bénéficier à l’ensemble du territoire a d’ailleurs été l’un des aspects saillants de la candidature française.
Les JOP peuvent-ils aussi être source d’inclusion ?
Si l’on regarde en arrière, le réaménagement de Barcelone ou de Londres a plutôt conduit à l’arrivée des classes moyennes et supérieures dans les quartiers réaménagés. C’est par exemple le cas du District de Stratford, à l’Est du Grand Londres, où d’anciennes friches non habitées ont été aménagées avec une transformation majeure de ces anciens quartiers d’habitat populaire.
Il est probable que les aménagements réalisés en Seine-Saint-Denis amènent aussi davantage de mixité et transforment radicalement la façon dont s’organise le territoire. Des consultations de la population locale ont été mises en œuvre, avec plus ou moins de succès, pour parer à ce risque de gentrification. Mais il est certain que l’organisation de ces JOP comporte d’importants enjeux en termes d’inclusion sociale, de rénovation des bâtiments anciens, de l’habitat indigne, d’accès aux systèmes de soins et aux systèmes scolaires. Les enseignements tirés des précédentes éditions appellent à une vigilance accrue des pouvoirs publics, pour que ces mesures ne se transforment pas, à terme, en nouveau mécanisme d’introduction d’inégalités.