Elections présidentielle et législatives du 14 mai 2023 : le retour de la démocratie en Turquie ?
Un Dossier du CERI coordonné par Bayram Balci et Nicolas Monceau
L’année 2023 est une année cruciale en Turquie pour une double raison. Elle marque le centenaire de la fondation de la République de Turquie par Mustafa Kemal dit Atatürk en 1923 et sa célébration est l’occasion d’établir un bilan du pays dans de multiples domaines politique, économique et social, culturel ou encore international. L’année 2023 est aussi une année électorale décisive avec la tenue de deux élections – présidentielle et législatives – le 14 mai prochain.
Dirigée depuis vingt ans par le Parti de la justice et du développement (Adalet ve Kalkınma Partisi, AKP) personnalisé par Recep Tayyip Erdoğan, la Turquie s’est fortement polarisée sur le plan politique au cours des dernières années. Le président Erdoğan est devenu une personnalité de plus en plus clivante au fil du temps ; ses pouvoirs ont été considérablement renforcés à la suite de la réforme de la Constitution soumise à référendum en avril 2017 qui a institué la présidentialisation du régime turc. Parallèlement, les dérives autoritaires du régime se sont renforcées depuis le coup d’Etat militaire avorté de juillet 2016 qui a entraîné l’instauration de l’état d’urgence durant les deux années qui ont suivi au cours duquel des milliers de citoyens turcs ont perdu leur emploi, ont été arrêtés, condamnés et emprisonnés au nom de la lutte contre le terrorisme. Sur le plan économique et social, la Turquie traverse une profonde crise qui s’est aggravée depuis 2018 (inflation à plus de 85% en 2022, dévaluation de la monnaie nationale, hausse du chômage). En matière de politique étrangère, le pays a connu un isolement croissant sur la scène internationale au cours des dernières années en raison de son interventionnisme régional sur de multiples fronts : interventions militaires en Syrie et en Irak, implication dans les conflits en Libye et au Haut-Karabagh, tensions avec la Grèce et relations troublées avec les alliés traditionnels occidentaux.
Les scrutins de mai prochain conduiront-ils au maintien au pouvoir du parti AKP et de son dirigeant R. T. Erdoğan (pour un troisième mandat présidentiel après les élections de 2014 et de 2018) ou entraîneront-ils au contraire une alternance politique ? En cas de victoire, l’opposition a fait savoir qu’elle rétablirait le régime parlementaire en Turquie en lieu et place du système présidentiel mis en place par la réforme constitutionnelle de 2017. Tels sont les principaux enjeux des élections à venir.