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12.11.2024

Etude : Agriculture, de quelles colères et attentes es-tu le nom ?

Agriculteurs en colère (crédits : François Purseigle)

En s'appuyant sur une enquête d’ampleur, originale et spécifique, réalisée auprès d’une population de 1 434 chefs d’exploitation, mais aussi des observations de terrain et des entretiens réalisés avec de nombreux acteurs du monde agricole, Pierre-Henri Bono (Economètre au CEVIPOF) et François Purseigle (Professeur des universités en sociologie AgroToulouse et chercheur associé au CEVIPOF) entendent éclairer et objectiver les tendances sociales et politiques qui fondent un faisceau de colères et les attentes multiples d’une profession fragmentée.

Etude : “Agriculture, de quelles colères et attentes es-tu le nom ?”  Pierre Henri Bono & François Purseigle- 2024 (PDF, 2,9 Mo) 

 

L’étude met en lumière plusieurs enseignements importants concernant les frustrations et les attentes de cette profession, ainsi que les fractures idéologiques et socio-économiques qui la traversent.

Un mécontentement général et multiple

 La colère des agriculteurs se manifeste surtout autour de trois thèmes 

  • Le ras-le-bol des normes administratives et de la surcharge bureaucratique, perçues comme inadaptées aux réalités de terrain et entraînant un sentiment d'injustice face aux pratiques d'autres pays européens moins strictes.
  • La perception d'un abandon institutionnel, notamment de l'État et des organisations agricoles, où de nombreux agriculteurs estiment ne plus être soutenus ni représentés par les syndicats.
  • La revendication d’une rémunération juste qui reflète mieux les efforts fournis, car beaucoup se sentent sous-payés et perçoivent leur métier comme peu valorisé, voire proche de l’« esclavage moderne ».

Une diversité des profils et des attentes

 L’étude révèle une tripartition de l’espace idéologique des agriculteurs, identifiant trois grands courants de pensée 

  • Les écologistes socio-altermondialistes (17,8%), engagés pour une agriculture plus écologique, avec un soutien à l’agroécologie et à une aide de l’Union européenne pour un modèle agricole durable.
  • Les conservateurs identitaires et agrariens (21,6%), plutôt eurosceptiques, qui revendiquent une autonomie et une meilleure protection contre la concurrence étrangère.
  • Les libéraux pro-européens et conservateurs floués (60,4% combinés), davantage favorables à l’Union européenne et recherchant des conditions équitables sur le marché, mais se sentant trahis par les politiques actuelles.

Un besoin de reconnaissance et de soutien 

Selon leurs orientations, les agriculteurs expriment des attentes variées envers les pouvoirs publics. Certains veulent un soutien à la transition agroécologique et à la petite agriculture paysanne, tandis que d’autres insistent sur l'harmonisation des normes pour une compétitivité équitable au niveau européen.

L’éclatement des représentations 

L’étude souligne une fragmentation des agriculteurs qui rend complexe l'élaboration de politiques agricoles consensuelles. Les clivages idéologiques et socio-économiques (taille des exploitations, orientations politiques, revenus) sont marqués, exacerbant un sentiment d’isolement et de désillusion dans le corps agricole français.