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10.02.2025
[LES LUNDIS DU CEVIPOF] Quel avenir pour le Rassemblement national ?
À propos de cet événement
Le 10 février 2025 de 18:00 à 19:30
Salle Goguel
27 rue Saint-Guillaume, 75007, ParisLes Lundis du CEVIPOF proposent une rencontre du monde politique, universitaire et médiatique autour d'un thème relevant de l'actualité politique nationale et internationale.
Cette nouvelle table ronde, organisée le 10 février, propose une réflexion autour de la question : Quel avenir pour le Rassemblement national ?
La disparition de Jean-Marie Le Pen marque un tournant dans l’histoire politique française, tout comme l’ascension du Rassemblement national (RN), qui s’affirme désormais comme une force majeure à l’Assemblée nationale. Ce changement s’accompagne d’interrogations fortes :
➡️ Le RN est-il l’héritier du FN historique ?
➡️ Quels sont les nouveaux profils de son électorat et les attentes de celui-ci ?
➡️ Comment se positionne le RN face au national-libéralisme émergent et aux transformations du jeu politique mondial ?
Les intervenants réunis pour échanger sur cette thématique seront :
✔️ Luc ROUBAN, Directeur de recherches au CEVIPOF et auteur de Les ressorts cachés du vote RN (Presses de Sciences Po, 2024).
✔️ Xavier BERTRAND, Président de la région Hauts-de-France.
✔️ Clément GUILLOU, journaliste au journal Le Monde.
✔️ Modératrice : Anne MUXEL, Directrice déléguée du CEVIPOF, directrice de recherches émérite au CNRS
La disparition de Jean-Marie Le Pen vient tourner une page importante de l’histoire non seulement de l’extrême-droite mais aussi de la vie politique en France. Le Rassemblement national, qui a succédé au Front national dont il a été l’un des cofondateurs, est devenu le premier groupe à l’Assemblée nationale après les élections législatives de 2024.
Le RN est-il vraiment l’héritier de l’ancien FN ? Si des éléments centraux de son programme restent inchangés, comme la priorité donnée à la question de l’immigration ou à la préférence nationale, ses dirigeants, et notamment Marine Le Pen, ne se présentent plus comme des imprécateurs et ont tenu à jouer le jeu des institutions de la Vᵉ République pour faire du RN un parti de gouvernement. Celui-ci se positionne désormais de manière originale dans l’espace politique français en ayant développé ses propositions sociales, notamment en ce qui concerne la réforme des retraites, tout en défendant la thèse d’un État fort qui l’éloigne de l’offre ultra-libérale et identitaire de Reconquête ! À ce titre, la question se pose de savoir quel parti est en mesure de contrôler le centre de gravité des droites, une partie des Républicains ayant rejoint le RN sous la houlette d’Éric Ciotti en 2024. Que reste-t-il alors du post-gaullisme incarné par LR et dont les résultats électoraux le mettent en position d’infériorité numérique si ce n’est idéologique ?
La force du RN reste cependant celle de son électorat. Celui-ci ne ressemble plus guère à celui du FN et s’est transformé de manière quantitative et qualitative. En passant de 4,2 millions d’électeurs au premier tour des élections législatives de 2022 à près de 11 millions au premier tour des élections législatives de 2024, le RN a bénéficié d’une dynamique électorale puissante qui fait de lui le vainqueur en nombre de voix. Mais cette transformation est également qualitative car le RN n’attire plus seulement des électeurs provenant de catégories modestes, ouvriers et employés, précaires et chômeurs, mais également une part importante de catégories moyennes diplômées et même de catégories supérieures. À ce titre, les comparaisons diachroniques montrent une avancée très significative au sein de l’électorat fonctionnaire qui reste l’un des derniers bastions de la gauche. Peut-on alors considérer que le RN fait partie des partis populistes ? Quelles sont les attentes de cet électorat ? Recherche-t-il un pouvoir central tout-puissant ou bien une efficacité plus grande de l’action publique ? Le RN n’a-t-il pas réussi à faire la jonction entre le conservatisme moral et la demande forte pour une transformation réelle des conditions de vie au quotidien ? À cet égard, il devient peut-être plus l’héritier du mouvement des Gilets jaunes que celui de l’ancien FN.
Il reste, enfin, que cette montée en puissance politique s’insère dans un contexte de forte défiance à l’égard non pas tant des élites que des dirigeants gouvernementaux et de l’action politique ordinaire. Cette dernière est de plus en plus regardée comme désuète, dépassée au regard d’enjeux de société qui n’ont pas été traités en France, comme l’échec de la méritocratie républicaine, ce que François Bayrou a rappelé en évoquant, dans son discours de politique générale, le besoin de renouer avec la « promesse française ». L’investiture de Donald Trump comme 47e président des États-Unis, accompagné d’Elon Musk, semble faire émerger une action politique dirigée de facto par le secteur privé plutôt que par l’État ou les autorités publiques, une privatisation du politique menée elle-même au nom de la méritocratie. Le retour en force du national-libéralisme peut-il vraiment profiter au RN ? Ce dernier ne reste-t-il pas désavantagé au regard de ses concurrents par la faiblesse de ses liens avec les élites économiques et le monde de l’entreprise ?
Telles sont les questions que l’on abordera lors de ce Lundi du Cevipof en présence de Luc Rouban, Directeur de recherches au CEVIPOF, auteur du livre Les ressorts cachés du vote RN, Presses de Sciences Po, 2024, de Xavier Bertrand, Président de la région des Hauts de France, et de Clément Guillou, journaliste au journal Le Monde.
Anne Muxel, Directrice déléguée du CEVIPOF et Directrice de recherches émérite au CNRS, animera la discussion.