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06.12.2022

Les priorités d'une jeunesse du monde, tribune du plus jeune membre du Y20 2022

Toàn Oswald et d'autres jeunes membres du Y20 2022 (crédits : Ardy Ferdiansyah / Y20 Organising Committee)

Toàn Oswald est étudiant au collège universitaire de Sciences Po sur le campus du Havre (mineure Asie-Pacifique) et au collège des honneurs de la National University of Singapore (NUS). Il a été l’un des quatre membres de la délégation française au Y20 Indonésie 2022, le forum officiel de consultation de la jeunesse des pays et institutions membres du G20. Il était le plus jeune délégué du sommet, qui a réuni plus d'une centaine de jeunes. Rédacteur du préambule du communiqué et président de deux groupes de travail au sein de la section « Youth Employment », il s’intéresse particulièrement aux questions d’éducation et de transition vers l’emploi, à travers la coopération d’acteurs publics et privés à l’échelle mondiale. Il partage son expérience auprès de Sciences Po par cette tribune qui honore les propositions du Y20 tout en rappelant l’importance de les faire entendre aux dirigeants, ainsi qu'en intervenant au sein du cours « The G3 : EU-US-China relations » de la doyenne du collège, Stéphanie Balme.

Y20, un sommet dédié à la jeunesse des membres du G20

Le G20 2022, dont les dirigeants se réunirent les 15 et 16 novembre 2022 à Bali, fut globalement accueilli comme un succès malgré les crises, dont celles du Covid et de la guerre en Ukraine. La réussite du G20 n’a rien d’étonnant : dans un contexte d’évolution du multilatéralisme, d’affirmation des grands émergents, de montée en puissance de la Chine, de sectorisation des alliances entre États, de montée de la realpolitik aux dépens de l’idéologie, de la disparition des amitiés mécaniques entre États alliés, le G20 se positionne à la croisée des attentes des grandes puissances du monde. Le Y20, G20 Youth Summit ou groupe d’engagement jeune du G20, bénéficie de la position stratégique de son grand frère pour devenir, à l’échelle internationale, la conférence la plus représentative des priorités de la jeunesse mondiale.

Vers un multilatéralisme polarisé ?

Le XXIe siècle est le théâtre d’une profonde évolution de l’ordre mondial : le Sud global monte en puissance économiquement et politiquement, la Chine gagne en influence et domine de nombreuses institutions internationales (OMC, FMI, OMS, FAO…) et régionales (ASEAN, BRICS…), les pays réunis en 1955 à Bandung demeurent non-alignés mais choisissent de s'investir davantage dans des partenariats multilatéraux… L’ordre mondial n’est désormais plus centré autour des États-Unis, de l’Europe et de la Chine. L’idéologie n’est plus le ciment des relations entre États, les intérêts stratégiques priment. Par exemple, l’Indonésie ayant besoin des IDE chinois et la Chine du nickel indonésien, les deux États collaborent sur le plan économique mais pas militairement ou politiquement pour autant.

Le multilatéralisme évolue : l’ordre mondial se régionalise, fait de puissances de plus en plus autonomes. En témoigne le nombre d’organisations et de sommets internationaux thématiques : la COP ne se charge que du climat, l’ASEAN ne dépasse pas le cadre de la coopération économique… Le polylatéralisme se démocratise également, de nombreux acteurs non-gouvernementaux participant à la diplomatie moderne. 

Toàn Oswald (crédits : Henry Nov / Y20 Organizing Committee)

Le G20, carrefour de trajectoires divergentes

Le G20 correspond à ce que les responsables politiques recherchent. Réunion des dix-neuf États les plus puissants du monde et de l’Union européenne, le sommet rassemble 85 % de l’économie et de la population mondiales dans des réunions informelles, que les dirigeants apprécient pour les décisions rapides et efficaces qu’elles permettent d’adopter. Les engagements adoptés par consensus par les dirigeants au cours du G20 ne sont pas légalement contraignants et peuvent être transposés dans des cadres obligeant leur application par la suite (Assemblée générale ou Conseil de sécurité de l'ONU par exemple).

Le Y20, un petit frère ambitieux

Le G20, à l’instar du G7, confie une partie de ses réflexions à des « groupes d’engagement ». Ce sont des réunions hébergées par des organisations de société civile avec le soutien du pays présidant le G20. Les principaux groupes d’engagement sont le B20 (« Business 20 »), le T20 (« Think 20 ») et le Y20 (« Youth 20 »). Le Y20 se réunit chaque année au cours d’un sommet d’une semaine en amont du G20, dans le but de produire un communiqué présentant les recommandations de la jeunesse sur des thématiques définies par la présidence.

Le sommet du Y20 2022 s’est tenu du 17 au 24 juillet 2022 à Jakarta et Bandung, Indonésie. Les délégations de chaque pays membre, composées de quatre jeunes entre 18 et 30 ans, et les observateurs (ASEAN, Espagne, World Bank…) ont travaillé autour de quatre thématiques principales : Sustainable and Livable Planet, Youth Employment, Diversity and Inclusion et Digital Transformation, dans lesquelles sont répartis les délégués.

Le communiqué du Y20 2022 met en lumière la volonté première d’accomplir une transition d’ampleur de nos sociétés vers des modèles plus responsables et respectueux de l’environnement, à travers la mise en place d’objectifs ambitieux, légalement contraignants, et dont l’atteinte est financée par les États et le privé. L’accès à l’emploi et l’éducation nécessitent l’amélioration de la qualité d’enseignement, de l’accès à l’école pour tous, des opportunités d’emploi, de la protection sociale pour tous les travailleurs. Le progrès doit se faire à travers des partenariats public-privé améliorés. Les délégués réaffirment également leur volonté d’accomplir une transition digitale démocratisant l’accès à l’internet pour tous, l’identifiant comme un outil pouvant servir la gouvernance mondiale et le développement. 

Les propositions du Y20 peuvent paraître plus simples que celles du Y7, sommet analogue pour le G7. Cette différence reflète une évolution des rôles respectifs des G20 et G7, le G20 prenant le rôle que le G7 avait hier. Alors que le G8 réunissait en 1997 les plus grandes économies mondiales, le G7 est aujourd’hui un forum régional. Le G7 comme le Y7 peuvent donc aller plus loin mais n’embarquent dans la course que les Européens ou occidentaux les plus développés. Le G20, lui, rassemble aujourd’hui tous les principaux acteurs Étatiques de la planète. Le Y20 en bénéficie, accroissant sa légitimité et sa représentativité.

Les mots vivent aux dépens de ceux qui les écoutent

Le G20 prend racine dans le déclin de l’universalisme dans lequel l’Europe a cru si longtemps, et dans la polarisation grandissante de l’ordre mondial. Le Y20, dont la légitimité s’enracine dans son aspect fédérateur et réellement représentatif, rassemble des jeunes de pays devenus centraux pour l’économie et la gouvernance mondiales, et permet de dresser les priorités d’une « jeunesse globale ». 

Deux limites demeurent malgré cela : d’une part, la représentativité des jeunes délégués au sein de chaque pays. Les quatre délégués sont-ils, du fait de leur éducation, de leur milieu social de provenance, de leurs sensibilités politiques… toujours les plus représentatifs de la jeunesse de leur pays ? D’autre part, la promotion des communiqués, aussi réalistes et ambitieux soient-ils. Les recommandations de la jeunesse n’ont de valeur que lorsqu’elles sont prises en compte. Il est donc fondamental pour le Y20 de revendiquer ses idées, fort de sa légitimité, auprès de ceux qui ont le pouvoir de les rendre légalement contraignantes : chefs d’États et parlements.

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