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23.05.2022

Yann Schreiber : "Le journalisme, c'est lui qui vous choisit"

Portrait et photographies de Yann Schreiber (crédits : Yann Schreiber)

Nous avions rencontré Yann Schreiber il y a quelques années alors qu'il finalisait son double master à l'École de journalisme et à l'École des affaires internationales (PSIA). Il venait de recevoir plusieurs prix de la prestigieuse Society of Professional Journalists, notamment pour une video et un reportage photo réalisé lors de son année d'échange à Ohio State University. Après maintenant quelques années de pratique, il garde toujours la même passion du journalisme, chevillée au corps. 

Vous avez été diplômé du double cursus de l'École de journalisme et de l'École des affaires internationales (PSIA) en 2017. Depuis, vous travaillez en tant que journaliste en Allemagne. Pouvez-vous nous décrire votre parcours, de l'université à la vie professionnelle ?

J’ai rejoint ce double cursus de Master après avoir passé mon Bachelor au sein du campus de Nancy qui se caractérise par sa dimension européenne avec un focus sur les relations franco-allemandes. Durant ma deuxième année de Master, j’ai commencé à travailler en tant que pigiste à Radio France, où j’ai été embauché à la sortie de l’École de journalisme. J’ai ensuite rejoint l’AFP, qui cherchait un correspondant économique à Francfort, après avoir passé la “Bourse AFP”, une procédure de candidature de l’Agence France-Presse pour jeunes journalistes.

Vous êtes Autrichien et avez travaillé dans différentes langues, au sein de différentes cultures (anglais à l'Ohio State University, français à Paris, allemand à Francfort). Comment pensez-vous que ces expériences internationales ont influencé la façon dont vous percevez votre profession ?

Être correspondant, c’est un travail de traduction : déjà purement linguistique, mais aussi culturel. Il faut savoir rendre intéressante et pertinente une information nationale pour une audience internationale. L’expérience à l’étranger permet clairement de mieux appréhender ces tâches. Et puis, le journalisme américain auquel j’ai été confronté à Ohio State University pendant mon année d'échange universitaire, par exemple, a encore aujourd’hui un impact sur mon travail et m’a appris beaucoup de choses sur lesquelles je m’appuie encore aujourd’hui et qui ont été confirmées à l’École de journalisme par la suite : rigueur sur les sources, écriture claire et directe, droit des médias, etc.

En plus de votre journalisme écrit, vous avez également une pratique du photojournalisme et de la vidéo. Avez-vous toujours été intéressé par ces deux manières de raconter une histoire ? Comment ces passions sont-elles nées ?

am"J’ai toujours adoré la photo et la vidéo. Dès ma scolarité je n’ai pas hésité à immortaliser des voyages de classe ou des événements au lycée. J’ai gardé cette passion de l’image. Je pense qu’une histoire peut se raconter de plusieurs manières, qui sont souvent complémentaires : une vidéo ou des photos profitent souvent d’un texte avec des informations de contexte, de même qu’un reportage écrit gagne énormément s’il est bien illustré. Le journalisme aujourd’hui est forcément multimédia par sa consommation, il est donc indispensable de penser ces différents formats ensemble dès le début et la préparation de reportages. 

Sur votre site, vous mentionnez que vous avez enseigné un cours de premier cycle à Sciences Po sur le journalisme et la démocratie. Pouvez-vous nous en dire davantage sur cette expérience ? Comment était-ce d'inverser les rôles et d'être le professeur au lieu de l'étudiant ?

Effectivement, j’ai eu la chance d’enseigner pendant un semestre sur “mon” campus à Nancy. C’était un séminaire électif avec 25 étudiantes et étudiants de deuxième année de Bachelor. Nous avons parlé de la place des médias dans notre société, des défis et du quotidien du journalisme. Les exercices pratiques représentaient une grande partie du cours : les étudiants avaient écrit des dépêches et imaginé la Une de journaux, et une partie de l’examen final était sous forme de simulation du travail rédactionnel. J’ai trouvé cette expérience géniale – et d'ailleurs, pourquoi ne pas la renouveler quand je reviendrai travailler en France ? Les discussions étaient très intéressantes et le travail des étudiants d’une très grande qualité. Se retrouver de l’autre côté, enseignant et non plus étudiant, alors que ses propres études ne remontent pas à si longtemps, est un peu bizarre au début ; mais je pense que cela permet aussi de créer un lien différent avec les étudiantes et les étudiants.

Quelle a été votre expérience en tant qu'étudiant ? Y a-t-il des souvenirs particuliers que vous souhaitez partager sur votre parcours à Sciences Po ?

Mes souvenirs de Sciences Po sont en écrasante majorité positifs, même s’il y avait forcément des moments de très grand stress et de tensions. Spontanément, je repense aux deux comédies musicales que nous avions montées, aux Collégiades, mais aussi à certains cours passionnants - comme celui d’Eric Germain sur les Institutions politiques. Que ce soit à Nancy puis à Paris, mes études m’ont façonné sur le plan professionnel et personnel.

Avez-vous des conseils à donner aux étudiantes et étudiants qui souhaitent devenir journalistes ?

am"Pour moi, le journalisme est un des métiers les plus passionnants que l'on puisse imaginer : aucun jour ne ressemble à l'autre, nous apprenons au quotidien et avons le privilège de sans cesse poser des questions. Parfois, j’ai l’impression que le journalisme, ce n’est pas vous qui le choisissez mais c’est le métier qui vous choisit. Si le monde autour de vous vous passionne, foncez. Soyez curieux, surtout sur les sujets qui vous attirent le moins pour trouver ce qui vous passionne le plus. Lisez, regardez et restez critiques dans la consommation des médias. N’hésitez pas à innover, être proactif et proposer. Gardez en tête que votre expérience, profil et vos points de vue - différents des autres - sont un atout, car le monde des médias manque toujours de diversité. Il ne faut pas se lancer naïvement non plus, ni accepter de se vendre en dessous de sa valeur : la presse est en crise, les conditions de travail sont parfois compliquées et vous pouvez gagner davantage ailleurs. Les horaires peuvent être longs et l’entrée dans le milieu passe souvent par une phase précaire. Il faut donc aussi savoir s’en détourner si cela est nécessaire. Mais surtout, ne confondez pas communication et journalisme – ni le métier de journaliste et celui d'éditorialiste.

Propos recueillis par l'équipe éditoriale de Sciences Po

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