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08.11.2022
Les sens de l’environnement Des sociologues face à la diversité des préoccupations environnementales
Les sens de l’environnement.
Des sociologues face à la diversité des préoccupations environnementales
Journée d’étude du Département de Sociologie,
À Sciences Po, Campus Saint-Thomas, 1, place Saint-Thomas d’Aquin 75 007 Paris
Lundi 21 novembre 2022
Voir le programme (présentation courte)
L’émergence d’enjeux globaux au cours des cinquante dernières années, tels que le changement climatique ou la fragilisation de la biodiversité, s’est accompagnée du besoin de repenser les activités humaines en relation avec notre monde en mutation — dans ce que Bonneuil et Fressoz (2013) ont appelé “l’événement anthropocène”. Ces enjeux s’imposent peu à peu dans de nombreuses sphères de la société comme dans la sociologie contemporaine. Les notions d’environnement ou d’écologie sont néanmoins associées à un ensemble de significations plurielles et parfois contradictoires. L’objet de cette journée d’études est de s’interroger sur la pluralité des sens donnés à ces notions, par les acteur.ices comme par les sociologues qui les observent.
Par les acteur.ices du terrain, d’abord : comment les acteur.ices individuel.les ou collectif.ves donnent-iels un sens “environnemental” à leurs pratiques quotidiennes comme à leurs engagements politiques ? Quels autres registres de sens les acteur.ices utilisent-iels pour qualifier des pratiques considérées comme écologiques par les sociologues ? Par les sociologues, ensuite : comme le soulignent Kalaora et Vlassopoulos (2013), l’environnement ne constitue pas un champ d’étude homogène de la sociologie française. C’est un objet abordé depuis différentes traditions épistémiques existantes qui souvent se croisent : sociologie des sciences et des techniques (Callon et al. 2001 ; Jouzel, 2019), de l’action publique (Lascoumes, 1989 ; Charvolin, 2003 ; Borraz, 2008), des mobilisations (Ollitrault, 2008 ; Pruvost, 2015), de la consommation (Dubuisson-Quellier, 2018 ; Lamine, 2008), sociologie pragmatique (Akrich, Barthe et Rémy, 2013), sociologie économique, sociologie rurale (Jollivet et Mathieu, 1989) … Lors de cette journée d’études, la rencontre de chercheur.es porteur.se.s de traditions différentes engagera une réflexion sur les cadres théoriques et méthodes d’enquête mobilisés pour traiter de questions environnementales - des pratiques de consommation et controverses environnementales, à la redéfinition des marchés et des identités professionnelles.
Cette journée d’études se déroulera en deux temps. La première partie sera consacrée à la présentation d’enquêtes en cours ou achevées. Ensuite, une table-ronde confrontera les différentes approches théoriques et méthodologiques des chercheur.es du département de sociologie qui reviendront sur leurs enquêtes passées et en cours.
— Matinée : salle K.027 —
9h - 9h30. Accueil et discours de présentation – Jeanne Lazarus
Axe 1. Verdir les marchés et les problèmes publics. Mondes professionnels et expertises à l’épreuve des questions environnementales
Session 1. 9h30 - 10h40
Les ressources idéologiques des promoteurs de l’impact investing à Genève : comment l’hybridation de catégories environnementales et financières cadre des pratiques d’investissement durable – Noé Kabouche, CSO (20 mn)
Cette communication s’appuie sur un travail de thèse portant sur l’impact investing dans la région de Genève. L’impact investing est une sous-catégorie de la finance dite durable, dont les objectifs affichés sont la réalisation d’investissements qui génèrent des impacts sociaux et/ou environnementaux positifs, tout en garantissant un rendement financier satisfaisant. En étudiant cette pratique au sein de la région genevoise, nous cherchons à mettre en lumière les modes de moralisations du marché à l’œuvre dans ce champ de la finance durable. L’un des aspects de cette moralisation concerne les ressources idéologiques permettant aux promoteurs de l’impact investing de justifier leur approche, mais aussi de cadrer leur pratique. Si l’impact investing est clairement un projet recourant à des catégories morales classiquement observées par la sociologie économique, telles que les enjeux environnementaux ou sociaux, il est utile d’examiner leur hybridation avec des catégories traditionnelles de la finance, ce qui offre aux acteurs des cadrages qui supportent leurs actions, tout en justifiant les limites auxquelles elles se confrontent.
Financer l’écologie par le marché ? Le cas des entreprises à impact environnemental – Vincent Himmer, CSO (20 mn)
Ma communication s’inscrit dans le prolongement de celle de Noé Kabouche. J’étudie la finance à impact dans le contexte français, en me concentrant sur les entreprises financées par ces fonds. A partir d’une étude menée sur la centaine d’entreprises financées par un fonds pionnier de la finance à Impact en France, je souhaite analyser les modèles économiques de ces entreprises d’un genre particulier, qui hybrident la recherche du profit et de l'intérêt général. En d’autres termes, nous nous demanderons qui contribue à intégrer les questions écologiques aux marchés (l’Etat, les consommateurs, les entreprises) et par quels moyens (la loi, la subvention, l’acte d’achats, etc.). Dans un second temps, nous verrons que même si les marchés concernés (mode éthique, cosmétiques Bio, alimentation durable) semblent relever en première instance du phénomène de la consommation engagée, ce sont bien les entrepreneurs et leurs investisseurs avant tout qui définissent la manière dont la cause environnementale se voit intégrée aux échanges marchands. Nous conclurons en identifiant les problématiques provoquées par une réforme écologique des marchés menée par des financiers.
Discussion (30 mn) : Elise Penalva-Icher (Université Paris-Dauphine, IRISSO)
— Pause-café —
Session 2. 10h50 - 12h
Le carbone, la biodiversité et les forestiers. L’action publique forestière comme objet de définitions antagonistes – Charlotte Glinel, CSO (20 mn)
Cette communication analyse les interactions de politiques publiques contradictoires autour d’un même objet : les forêts françaises. Suivant une approche au croisement de l’étude de la définition des problèmes publics et de la sociologie du travail, nous chercherons à comprendre comment le cadrage climatique de l’action publique forestière génère des politiques publiques contradictoires relatives aux questions climatiques et de biodiversité. Comment ces contradictions sont-elles mises à l’épreuve dans le travail des gestionnaires de terrain ? Surtout, sous quelles formes ces contradictions font-elles l’objet de négociations entre les échelles d’action publique locales, nationale et européenne, par la circulation de savoirs et d’acteurs ? Nous suivrons les premières traces d’un cadrage climatique favorisant l’intensification de la gestion forestière avant d’analyser l’émergence progressive d’un cadrage de l’action publique forestière fondé sur l’adaptation des forêts au réchauffement climatique.
Comment les données environnementales transforment-elles la grammaire des problèmes publics ? Le cas de la pollution de l’air dans la Vallée de l’Arve (2000-2020) – Jean-Baptiste Garrocq, Médialab (20 mn)
A partir de documents (articles de presse et archives d’associations) et d’entretiens je souhaite explorer les manières dont la mise en place d’infrastructures produisant des données sur la pollution de l’air ont transformé les règles d’énonciations (grammaire) des problèmes publics environnementaux dans le cas de la vallée de l’Arve. Cette étude analysera les règles, mais aussi les contenus et controverses liés à l’introduction des données environnementales.
Discussion (30 mn) : Léo Magnin (CNRS, LISIS)
— Repas. 12h – 13h30 —
Axe 2. Verdir les modes de vie. L’étiquetage des pratiques au nom de préoccupations environnementales
Session 3. 13h30 - 14h40
La trajectoire des prescriptions éco-citoyennes – Maël Ginsburger, CRIS (20 mn)
A partir de données issues du site de l’ADEME (avril 2020), de l’Enquête sur les Pratiques Environnementales des Ménages 2016 et d’entretiens, je propose d’étudier les contours et la circulation de la norme d’écocitoyenneté depuis le principal organisme émetteur en France (l’Ademe) jusqu’aux individus qui en sont la cible. Pour cela, j’analyse quantitativement les contenus textuels de l’ensemble des documents de la rubrique “Particuliers et éco citoyens" du site de l’ADEME et les met en relation avec les 4077 réponses à une questions ouverte préliminaires de l’EPEM 2016 portant sur “les pratiques que les individus seraient susceptibles de faire de plus au quotidien” et avec des extraits d’entretiens portant sur la réception de cette norme par les personnes interrogées.
Comment parler d’écologie sur les réseaux sociaux ? Entre militantisme, petits pas et police des écolos – Marion Michel, CSO (20 mn)
A partir de données issues d’un scraping du web, d’ethnographie en ligne sur différents réseaux sociaux (Instagram majoritairement) et d’entretiens, je propose d’analyser comment la mobilisation du registre écologique structure l’espace de la prescription écoresponsable sur les RSN. Pour ce faire, j’analyse comment différents discours émanant de différentes actrices (créatrices de contenus, firmes, consommateurs), en lien avec des visions de pratiques écologiques, entrent en opposition et imposent des positionnements spécifiques de la part des actrices. C’est cet ensemble de tensions, de positionnements et de re-positionnements que nous présenterons dans cette communication.
Discussion (30 mn) : Océane Sipan (EHESS, Iris)
— Changement de salle (salle K.031) —
Session 4. 14h50 - 16h
Faire durer ses objets, des pratiques distinctives ? L’enjeu environnemental comme outil de légitimation – Julie Madon, CSO (20 mn)
D’après l’histoire de la consommation, faire durer ses objets est une pratique ancienne. Or, la question de la durée de vie a émergé de nouveau depuis quelques années. Les pratiques de longévité, celles qui consistent à faire durer les objets, sont relabellisées par les discours associatifs, médiatiques, gouvernementaux, qui mettent en avant l’impact environnemental de la production et de la consommation de biens. Les individus sont confrontés à une double-injonction, entre celle (des acteurs marchands, mais aussi de certains membres de l’entourage) qui incite à acheter et renouveler son matériel, et les discours publics qui invitent à préserver ses objets, notamment pour des raisons écologiques. À partir d’entretiens menés avec une soixantaine d’individus cherchant à faire durer leurs objets, j’étudierai comment ces individus présentent leurs pratiques de longévité à leur entourage. Ces pratiques peuvent encore, de nos jours, être dévalorisées par l’entourage, car associées à des pratiques d’économie ou à de la négligence. Mais les discours environnementaux apportent à ces individus des ressources pour justifier et assumer leurs pratiques de longévité, en plus de les inciter à les développer. Dans certains cas, les pratiques de longévité peuvent même devenir sources de distinction.
« Le régime naturel » : les différents usages des recours à l’environnement dans la légitimation du végétarisme (années 1870-années 1930) – Alexandra Hondermarck, CSO (20 mn)
À partir de sources écrites issues de membres du mouvement végétarien (correspondances et publications), cette communication se propose d’étudier les manières dont la nature ou l’environnement sont invoqués dans la légitimation du régime végétarien. Nous verrons notamment que si l’appellation de “régime naturel” et la recherche d’un retour à la nature fait consensus au sein du mouvement végétarien, les définitions de la nature mobilisées varient au sein du mouvement, notamment selon des lignes de fracture politique. Nous verrons également que malgré ces dissensions, c’est ce qualificatif qui est le plus utilisé pour promouvoir des produits végétariens sur le marché. (dernier point pas forcément abordé)
Discussion (30 mn) : Ana Perrin-Heredia (CNRS, CURAPP-ESS)
— Pause-café —
Table ronde. 16h15 - 17h45
Saisir les sens de l'environnement : quelles méthodes pour les sociologues ?
[Enjeux et défis de la recherche en sociologie de l'environnement]
Discussion animée par Damien Garcia (CSO)
Comment faire de l’environnement un objet sociologique ? L’objet de cette table-ronde est de discuter des coulisses de la recherche des un.es et des autres, autour de plusieurs questions méthodologiques et théoriques communes. Chercheur.es titulaires et doctorant.es partageront les méthodes de leurs recherches et les difficultés rencontrées.
- Buffet cocktail – 18 heures —
Lien pour vous inscrire : https://forms.gle/TWhNizZLwXFSQy8n9