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13.07.2023
Habláme de Educación : un podcast sur l’éducation publique en Colombie
Ana Sofia Torres Diaz, étudiante tout juste diplômée du Master politiques publiques, spécialité Politics and Public Policy, nous présente le projet qu'elle a mené en Colombie dans le domaine de l'éducation, projet qu'elle a pu mettre en oeuvre pendant son année de césure.
Vous avez participé au SDG certificate l'année dernière, sur un projet sur l'éducation par le biais de la radio en Colombie. Pourriez-vous nous dire en quoi consistait votre projet ?
Le projet que notre groupe a développé pendant le SDG Certificate, aujourd’hui SDG Initiative, est une solution d’éducation via radio à destination des milieux ruraux et isolés en Colombie, pour permettre la continuité académique pendant la période de la COVID. Selon les chiffres de l’UNICEF, l’Amérique latine a été la région la plus affectée au niveau éducatif par la COVID, 80 % du temps d’enseignement ayant été perturbé en raison de la fermeture complète des écoles. En Colombie, les écoles sont restées fermées complètement et partiellement pendant 77 semaines (soit presque une année et demie). Cependant, les impacts sur la continuité académique des élèves ont été inégaux et ce chiffre ne peut être considéré comme une donnée générale. Dans les milieux urbains privilégiés, les élèves ont rapidement basculé vers un enseignement en ligne bien structuré. Tandis que d’autres élèves même dans des milieux connectés rencontraient des problèmes d’accès à du matériel informatique. Dans les milieux ruraux et isolés, l’absence de réseau internet et les longues distances entre les écoles et les lieux d’habitation des élèves ont rendu la continuité académique presque impossible. C’est pourquoi, après de nombreux entretiens avec de multiples acteurs, notamment une école du Casanare (une région à l’Est) de la Colombie, nous avons développé une méthode pour que les professeurs puissent faire cours via radio et que les élèves puissent avoir un suivi plus assidu via un téléphone portable basique.
Vous avez voulu aller plus loin et retourner en Colombie pendant votre année de césure pour réaliser un reportage sous forme de podcast. Que peut-on entendre dans les épisodes du podcast ?
Suite à l’expérience du SDG Certificate, qui s’est fait complètement en distanciel à l’époque, j’ai voulu partir en Colombie pendant mon année de césure et construire une réflexion sur l’état de l’éducation publique primaire et secondaire dans le pays, en étant sur le terrain. Il était important pour moi de rendre compte des contrastes sociaux et territoriaux du pays, c’est pourquoi dans chaque épisode du podcast vous pourrez écouter le témoignage d’un acteur différent de l’écosystème éducatif colombien.
Lors du premier épisode, c’est Gloria Bernal, la co-directrice de Laboratoire de l’Economie de l’Education de l’Université Javeriana qui nous dresse un portrait des inégalités vis-vis de l’éducation depuis les statistiques et les politiques publiques. Puis des acteurs directement sur le terrain nous partagent leurs témoignages et les obstacles auxquels ils font face au quotidien. Par exemple, des professeurs dans une école de la région Amazonienne nous racontent comment ils adaptent leurs enseignements aux élèves des communautés indigènes autochtones pour qui l’espagnol est une deuxième langue. À la Guajira (région aride au nord du pays), Beatriz Salas et José Vidal, deux leaders étudiants, nous exposent l’état déplorable des écoles de leur région et la problématique de la malnutrition qui ne permet pas aux élèves de suivre les enseignements correctement. D’autres enjeux, comme la discrimination positive envers les communautés afrodescendantes ou l’éducation pour la Paix, un domaine dans lequel le pays est un laboratoire d’innovation pédagogique, sont aussi développées.
Pour en savoir plus : https://www.sciencespo.fr/opalc/podcast.html
Quelles découvertes avez-vous faites pendant ce séjour ? Quelles conclusions avez-vous pu tirer de votre expérience ?
Étant d’origine colombienne, ce séjour m’a permis de redécouvrir le pays sous un autre angle. Lors de ce séjour j’ai voulu prendre du recul et avoir ce regard d’observateur nécessaire pour être à l’écoute et, plus tard, dresser une meilleure analyse. J’avais plusieurs intuitions qui se sont confirmées lors de cette enquête comme le manque de ressources financières et humaines pour assurer une éducation de qualité dans les milieux urbains tout comme dans les milieux ruraux. Mais j’ai aussi compris qu’il y avait des problèmes administratifs qui avaient de lourdes conséquences sur les années académiques des élèves. Par exemple, une fois que les professeurs sont nommés dans l’enseignement public on peut les envoyer n’importe où dans le pays. Cette politique fait que des professeurs peuvent se retrouver dans des endroits très éloignés de leur région d’origine, avec des infrastructures et des services très inégaux. Ainsi, un professeur de Bogotà, la capitale, peut se retrouver dans une petite communauté au milieu de la jungle à quelques heures en navette fluviale de la première ville avec des banques, hôpitaux et autres services. Cette situation est très dure à vivre pour certains, qui de ce fait n’assurent pas correctement leurs enseignements et partent en milieu d’année. De plus, les primes ne sont pas suffisantes pour les inciter à partir dans des endroits si isolés. De la même façon, les professeurs qui viennent de ces communautés isolées et qui connaissent le contexte et les modes de vie locaux peuvent être mutés dans des milieux urbains, ce qui entrave la transmission de savoirs notamment dans les communautés indigènes.
Dans les zones qui sont toujours aujourd’hui au cœur du conflit armé colombien, les professeurs sont souvent les cibles des groupes armés, du fait de leur position de leaders communautaires, sans être assez protégés par l’Etat.
Être professeur en Colombie c’est savoir s’adapter, être le relais entre les programmes qui viennent du gouvernement centralisé et les communautés, c’est essayer de réduire les inégalités sociales avec les moyens de bord.
Quels sont vos projets pour la suite ?
J’aimerais continuer à creuser le sujet du développement, notamment depuis la coopération internationale en veillant à rester proche du terrain. D’autre part, le format podcast m’a paru un excellent moyen de creuser un sujet et j’espère en commencer un nouveau prochainement sur les enjeux des énergies renouvelables.