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07.06.2022

Martin Fourdrignier, promotion 2016

Pouvez-vous décrire votre parcours universitaire et professionnel ?

Après un bac littéraire dans les Ardennes, j’ai étudié 3 ans en khâgne au lycée Louis-le-Grand. J’ai intégré le Master affaires publiques en filière collectivités territoriales, avec pour projet de passer les concours administratifs de la fonction publique territoriale et d’État, pour participer à l’élaboration des politiques d’aménagement du territoire, un sujet qui m’avait passionné en khâgne. L’effervescence générale à Sciences Po autour des questions énergétiques [on est alors à l’automne 2014, un an avant la COP21] me pousse à m’intéresser à ces sujets, à passer en filière énergie et à faire une alternance chez GRTgaz. L’hégémonie des ingénieurs dans toutes les fonctions de l’entreprise m’a convaincu de la nécessité de me doter d’une compétence économique et financière pour contrebalancer le fait de ne pas être ingénieur. J’ai donc poursuivi mes études en programme grande école à l’ESSEC, où j’ai approfondi mon intérêt pour l’énergie (à travers une alternance de deux ans dans les équipes énergie d’un cabinet de conseil) et ai vécu les expériences internationales que mon arrivée à Sciences Po en 4e année ne m’avait pas permis de faire. À l’issue de ma scolarité, j’ai travaillé 5 mois à la Direction Générale de l’Energie de la Commission européenne dans le cadre d’un stage bluebook, avant d’être embauché à la Commission de régulation de l’énergie.

Quelles ont été les principales étapes de la construction de votre projet professionnel ?

Mon projet professionnel s’est entièrement construit à Sciences Po : je suis entré en Master affaires publiques avec l’idée de passer les concours de la fonction publique. Mais c’est paradoxalement dans ce master réputé pour être l’antichambre de l’ÉNA que j’ai eu mon premier aperçu du secteur privé, à travers mon engagement dans l’équipe permanente de la Junior Entreprise. Au quotidien, la gestion des différents aspects de la relation client (prospection, élaboration de propositions commerciales, négociation lors de rendez-vous client) a suscité ma curiosité pour le monde de l’entreprise. Mon passage aux relations institutionnelles de GRTgaz a confirmé cet intérêt, que j’ai approfondi à l’ESSEC, à travers une alternance de deux ans au sein de l’équipe énergie du cabinet de conseil BearingPoint. Mon souhait de revenir vers des sujets de politique publique / régulation m’a mené à Bruxelles, où j’ai fait un stage bluebook à l’issue de mon cursus ESSEC. J’ai passé 5 mois à la DG Energie, à travailler sur la révision du règlement sur les réseaux transeuropéens d’infrastructures énergétiques, un sujet découvert lors d'un cours à Sciences Po, puisque l'intervenante était administratrice à la Commission, dans l'équipe de la DG ENER où j'ai travaillé. À la fin du stage, je souhaitais explorer davantage les questions de régulation dans une perspective nationale, tout en gardant une dimension européenne. J’ai eu la chance d’avoir une opportunité à la Commission de régulation de l’énergie, au sein du département interconnexions et réseaux européens de la direction des réseaux, où je travaille aujourd’hui.

Quelles sont les principales caractéristiques de votre poste aujourd'hui ?

Un trait saillant de mon poste est sa dimension hybride technique / affaires européennes. C’est cet aspect qui a été décisif dans ma décision de travailler à la CRE, car je voulais conserver une dimension européenne dans la continuité de mon stage bluebook, sans pour autant prendre un poste 100% affaires publiques / européennes. 

Au quotidien, j’ai donc mes propres sujets sur lesquels je produis des analyses et que je porte ensuite dans les groupes de travail organisés par l’Agence pour la coopération des régulateurs de l’énergie (ACER) ou le Conseil des régulateurs européens de l’énergie (CEER), qui réunissent les régulateurs des autres pays européens. Dans ce cadre, j’interagis constamment avec mes homologues européens pour définir des positions communes des régulateurs à porter auprès de différents publics (en particulier les colégislateurs que sont la Commission, le Parlement et le Conseil), soit de manière anticipée / prospective, soit dans le cadre de procédures législatives. J’ai aussi des contacts fréquents avec les opérateurs de réseaux et les autorités françaises (Direction Générale de l’Energie et du Climat, Secrétariat Général aux Affaires européennes pour porter des positions au Conseil…).

En termes de sujets, je travaille sur des dossiers variés : la planification des infrastructures électriques et gazières à l’échelle européenne, le suivi des interconnexions françaises, la régulation des nouveaux gaz (biométhane, hydrogène), et de manière ponctuelle, sur des sujets de coopération avec d'autres régulateurs hors d'Europe. L’actualité récente a également amené des thèmes davantage en lien avec la géopolitique du gaz, les questions de stockage de gaz et de sécurité d’approvisionnement.

Quelles ont été les contributions de votre formation à l'École d'affaires Publiques envers la fonction que vous occupez aujourd'hui ? 

Faire un détour par une école de commerce et une expérience plus business dans le conseil, avant de revenir vers des débouchés plus naturels pour un diplômé de l'Ecole d'affaires publiques (Commission européenne, CRE) m'a permis de prendre du recul sur l'apport de Sciences Po en général et de l'École en particulier. Parmi les apports les plus précieux : une solide culture générale de l'administration qui me permet d’évoluer dans l’environnement administratif de la CRE, une capacité à synthétiser et à produire des notes efficaces, les enseignements de spécialité en filière énergie, et les rencontres avec des intervenants professionnels dans lesquels on peut se projeter, à l'image d'Adina Crisan, alors administratrice à la DG ENER, dont j'ai rejoint l'ancienne équipe lors de mon stage bluebook. Dans mon poste actuel, je perçois l’apport de Sciences Po en complémentarité avec l’ESSEC, car ces deux formations correspondent à des manières de raisonner très différentes : d’une part, l’intérêt général et l’importance de la puissance publique pour garantir certains investissements au nom, notamment, de la sécurité d’approvisionnement, de l’autre, la logique économique d’optimisation des ressources sous contrainte. Ces deux logiques sont présentes au quotidien dans le travail du régulateur.

Auriez-vous un conseil à donner à un ou une étudiant(e), futur(e) jeune diplômé(e) ?

Networker, networker, networker. Tout le monde le conseille, mais personne ne dit comment faire. Voici 3 pistes :

S’engager dans des projets. Les études à Sciences Po (et de manière générale, dans une grande école) génèrent de multiples opportunités de s’engager et de monter des projets. Il faut essayer d’en saisir un maximum, car ce sont autant d’occasions d’augmenter sa « surface de chance », c’est-à-dire les occasions de rencontrer de nouvelles personnes, ce qui peut conduire à de nouvelles possibilités qu’on n’aurait pas imaginées. Toute circonstance est bonne pour échanger, expliquer ce que l’on fait, ce qui nous passionne et cultiver un intérêt pour un secteur ou un thème particulier. C’est par exemple grâce aux Mardis de l’ESSEC que j’ai eu l’occasion de mener des interviews de deux heures avec le PD-G de Total Patrick Pouyanné, la Ministre des Transports Elisabeth Borne ou l’écrivain Frédéric Beigbeder.

Créer une micro-entreprise et développer une activité en parallèle des cours peut aussi être un moyen de rencontrer de nouvelles personnes ; c’est en tout cas ce que j’ai fait depuis Sciences Po en coachant des candidats dans les procédures d’admissions parallèles aux grandes écoles.

Prendre contact avec des personnes travaillant dans son industrie. Dans le cadre d’une recherche de stage ou d’emploi, c’est indispensable. Personnellement, je ne vais plus en entretien sans avoir échangé au préalable avec des personnes de l’équipe de manière informelle. Cela permet d’avoir un autre retour sur l’équipe que celui des personnes impliquées dans le process de recrutement et d’éviter des déconvenues. De manière plus générale, les gens sont toujours super contents de rendre service et de parler d’eux, il ne faut pas hésiter. Un message tout simple expliquant la démarche et demandant 10-15min au téléphone suffit. A un moment, j’avais contacté pas mal d’analystes en banque d’affaires sur les sujets énergie : sur une cinquantaine de messages LinkedIn, plus de la moitié ont débouché sur un appel, alors que ces personnes sont super occupées. Bref, il faut tenter !

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