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10.02.2021
Portrait de Raphaëlle Sananes, diplômée 2018
Pouvez-vous décrire votre parcours universitaire et professionnel ?
>Pour être parfaitement honnête, il a débuté par un échec aux épreuves d'admission de Sciences Po après le bac, avec deux notes catastrophiques aux épreuves d’anglais et d’économie : un comble quand on travaille aujourd’hui à la Direction de la diplomatie économique du Quai d’Orsay…
Comme je souhaitais à l’époque rejoindre Sciences Po pour devenir avocate, je me suis dirigée vers la fac de droit, à Assas où j’ai suivi un parcours en licence et au Collège de droit. Mon niveau d’anglais s’étant quelque peu amélioré depuis, j’ai eu l’opportunité d’effectuer une Maîtrise en double diplôme et de passer un an à l’Université d’Oxford, l’année de la campagne du Brexit.
Je suis finalement entrée à Sciences Po à mon retour du Royaume-Uni en 2016, pour en sortir diplômée en 2018. Et comme j’imagine que j’avais encore envie de pousser un peu les séances de révision à la bibliothèque, j’ai présenté le concours de l’ENA que j’ai intégré fin 2018.
S’en est suivi un an de stages : à la Direction des Nations unies et des organisations internationales du Ministère de l’Europe et des affaires étrangères, où j’ai eu la chance d’effectuer le suivi par intérim des sujets de protection des femmes dans les conflits armés ; à la Préfecture des Pyrénées-Atlantiques ensuite, durant le sommet du G7 à Biarritz ; chez Microsoft France enfin sur des sujets de numérique et d’égalité des chances notamment.
La deuxième année de l’ENA et son redouté classement de sortie m’ont finalement permis de faire un choix de cœur, celui du Ministère de l’Europe et des affaires étrangères que j’ai rejoint en octobre dernier, comme chargée de mission auprès de la Directrice de la diplomatie économique.
Quelles ont été les principales étapes de la construction de votre projet professionnel ?
Il est d’usage d’expliquer en entretien que nos parcours sont parfaitement linéaires et logiques ; si je crois sincèrement que c’est le cas de certains de mes camarades, c’est loin d’être le mien.
Je suis rentrée à l’Université persuadée de vouloir devenir avocate en droit pénal des affaires. A la découverte des cours de droit administratif en L2, c’était décidé, je serais avocate en droit public des affaires, comme je l’avais d’ailleurs affirmé à mon entretien d’admission à Sciences Po.
C’est finalement entourée de camarades souhaitant présenter les concours que je me suis dit pourquoi pas moi. Mon stage de M2 de Sciences Po à la Direction des affaires stratégiques et du désarmement du Ministère de l’Europe et des affaires étrangères a complété de premiers stages en directions d’affaires juridiques orientés vers le droit européen et international, à Bercy et au siège d’EDF à Londres. Ce sont ces expériences qui m’ont permis de prendre conscience de mon attrait pour la régulation de l’économie et les affaires internationales.
Quelles sont les caractéristiques de votre poste de diplomate aujourd'hui ?
La première tient au balancier constant entre la proximité et la distance, parce qu’il faut comprendre la stratégie diplomatique poursuivie par un partenaire, sans jamais complètement se mettre à sa place au risque de perdre la vision de nos propres intérêts diplomatiques. L’équilibre est loin d’être évident, plus encore au moment du départ en poste.
La deuxième caractéristique, qui découle forcément de la compréhension des stratégies diplomatiques, c’est la richesse intellectuelle du métier. Notre génération accorde une place essentielle au sens de sa profession et le monde de la diplomatie offre une réflexion de haut vol sur ce que doivent être nos positions dans toute une série de domaines, de la non-prolifération à la coopération culturelle. Et je dois dire que c’est impressionnant à deux égards : d’abord, parce qu’il faut essayer de se hisser au niveau d’expertise des collègues très vite après son entrée en poste ; ensuite parce que le travail ne s’arrête pas là et que le même niveau d’exigence est placé dans la mise en œuvre concrète des positions préconisées.
Quelles ont été les contributions de votre formation à l'École d'affaires Publiques (master et prépa) envers la fonction que vous occupez aujourd'hui ?
J’aime le mot de formation car il dit bien que ce que propose l’EAP va bien au-delà de seules études, et c’est surtout ça que j’ai appris.
L’Université inculque la place essentielle des connaissances, de la réflexion et de l’apprentissage – et accessoirement la capacité à travailler sur des plages horaires assez hétérodoxes quand les amphis se succèdent de 8h à 22h.
L’EAP, c’est une école fantastique pour se familiariser à tout ce qui gravite autour du savoir brut : la capacité à pouvoir exprimer ses idées de façon claire et convaincante avec les fameux exposés de 10 minutes ; les échanges avec des maîtres de conférence qui sont aussi de jeunes professionnels en master mais surtout en prépa concours ; les codes et références de l’administration en somme, que Sciences Po rend accessibles à ses élèves qui n’ont pas tous dans leur entourage des fonctionnaires d’encadrement.
C'est soucieux de partager ces acquis précieux pour la préparation des concours que nous avons repris en 2019, avec Antoine Dumoret-Mentheour et Jean Baptiste Baudat, la page Prépa Concours A+, qui propose un accompagnement bénévole aux candidats aux concours administratifs, par des lauréats des concours et de jeunes professionnels.
Auriez-vous un conseil à donner à un étudiant qui souhaite s'orienter vers la diplomatie ?
De viser large ! J’aurais aimé savoir, quand en préparant l’ENA je me disais que les postes de diplomates étaient finalement très peu nombreux – 3 ou 4 places sur 80 par an – que les postes de diplomates ne se trouvaient pas exclusivement au Ministère de l’Europe et des affaires étrangères, dont tous les agents ne sont d’ailleurs pas des diplomates. Si porter les positions de la France à l’international vous motive, tout un écosystème de directions internationales d’administrations publiques s’ouvre à vous.
La diplomatie est un champ d’activité d’une incroyable richesse où l’on se pose constamment la question « pour quoi faire » lorsque l’on interagit avec nos partenaires. Cette interrogation récurrente, c’est aussi celle qui doit irriguer la réflexion d’un étudiant attiré par les carrières internationales. Ce n’est pas seulement la question de la vision professionnelle qui se pose, mais plus généralement celle du choix de vie, en particulier quand on se destine à une carrière aussi intense et passionnante que la carrière diplomatique.