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01.02.2021
Tony Brando, promotion 2019
Pouvez-vous décrire votre parcours universitaire et professionnel ?
Je crois faire partie du panel de « profils atypiques » à qui Sciences Po donne une chance chaque année. Après avoir exercé très jeune différents métiers - buraliste, homme de ménage, ouvrier manutentionnaire, serveur - en parallèle de ma scolarité, j’ai postulé à Sciences Po un an après mon baccalauréat et l’abandon d’études de droit qui, à bien des égards, ne me correspondaient pas lorsque j’avais 18 ans. Je suis arrivé à Paris en 2014 et le coût de la vie parisienne m’a poussé à réaliser différents stages en parallèle de mes études. J’ai commencé par un stage au sein de l’Association des Alumni de Sciences Po où j’ai pu apprendre des codes qui m’étaient étrangers et développer de premières compétences en animation de réseaux et en communication. J’ai ensuite eu la chance de pouvoir exercer dans des structures où l’innovation était au cœur des réflexions. En premier lieu, le Centre des Jeunes Dirigeants d’entreprise (CJD) où nous suivions des expérimentations d’entrepreneurs inspirants et engagés. Par la suite, j’ai rejoint le Lab Pareto au sein duquel je pilotais une expérimentation qui visait à améliorer les relations entre grands groupes et TPE/PME dans une optique de créations d’emplois sur les territoires. Enfin, la start-up « Fempo », créée par deux anciennes élèves de l’école, qui a commercialisé les premières culottes menstruelles françaises.
Après le collège universitaire de Sciences Po, j’ai choisi le Master politiques publiques parce que le secteur public m’apparaissait en recomposition et qu’il permettait d’avoir une position stratégique pour faire bouger les lignes. J’ai voulu réaliser ma deuxième année de Master en apprentissage et j’ai été recruté par la Direction Interministérielle de la Transformation Publique (DITP) en tant que chef de projet Innovation Publique. Pendant cette année ô combien fondatrice pour moi, j’ai pu avoir des responsabilités sur des projets qui visaient à « sortir des silos de l’Administration » et animer la communauté « Futurs Publics », la communauté des innovateurs publics.
À la suite de cette expérience, j’ai été admis au sein de la classe préparatoire « Egalité des chances » de l’ENA (la CP’ENA) où j’ai pu approfondir mes connaissances de l’Administration et obtenir un master « Administration Publique » de l’Université Paris-1 Panthéon-Sorbonne. Pendant cette année, j’ai également mené des missions de conseil pour des opérateurs publics et j’ai été contacté pour intervenir lors de séminaires sur l’innovation publique à l’ENA et au sein de plusieurs Instituts Régionaux d’Administration (IRA).
Après avoir exploré le champ de l’Administration et étant animé par une réelle volonté de transformer la manière de concevoir les politiques publiques, j’ai voulu découvrir la politique de l’intérieur (car c’est toujours le politique qui décide en dernier ressort) et j’ai été recruté par le député et ancien secrétaire d’Etat au numérique Mounir Mahjoubi en tant que conseiller technique sur des sujets de démocratie participative.
Quelles ont été les principales étapes de la construction de votre projet professionnel ?
Mes premières expériences professionnelles dans des métiers très éloignés de ce que je fais actuellement ont été structurantes pour moi. Être au bout de la chaîne de management m’a permis de saisir les comportements et les processus qui conduisent une équipe à tendre vers un même but…ou au contraire qui développent un sentiment de défiance et favorisent les stratégies de contournement. Ma scolarité à Sciences Po m’a ouvert sur le monde et sur des disciplines que je n’aurais jamais explorées. Elle m’a aidé à comprendre que mon projet professionnel s’inscrirait dans le secteur public et qu’il serait animé par une volonté d’innovation et de « faire autrement », notamment sur des sujets sur lesquels les politiques publiques achoppent depuis des décennies. Mon année d’apprentissage a également été très importante dans mon parcours car elle m’a permis de développer une expertise et de rencontrer des personnalités inspirantes et singulières avec lesquelles je collabore encore actuellement.
Comment s'est déroulé le processus de recrutement auprès du député Mounir Mahjoubi et quelles sont les principales caractéristiques de votre poste de conseiller technique aujourd'hui ?
Dans un premier temps, j’ai simplement envoyé une candidature simplifiée à la suite d’une annonce LinkedIn mais il y avait plus de 500 candidats, je ne me faisais pas trop d’espoir. Grâce à mon stage au sein de Sciences Po Alumni, j’avais pu échanger avec le député pour un article il y a quelques années et me suis permis de lui envoyer un petit mail pour lui exposer mes vives motivations à le rejoindre. J’ai ensuite réalisé une lettre de motivation plus formelle avant d’être recontacté. J’ai passé un premier entretien de personnalité de plus d’une heure avec le député puis un entretien technique avec son collaborateur. Enfin, j’ai passé un dernier entretien de mise en situation professionnelle avec mon employeur.
Le député m’a recruté pour créer des ponts entre notre action nationale et la réalité des habitants du 19ème arrondissement que nous essayons de représenter et d’accompagner au mieux dans leurs difficultés quotidiennes. J’ai l’impression de changer de travail toutes les semaines ! Certaines semaines sont pleinement consacrées à résoudre les difficultés de l’arrondissement comme cela fut le cas en décembre à la suite d’une panne internet de grande ampleur dans certains quartiers. Pendant le confinement de novembre, nous avons lancé une plateforme participative pour aider les habitants à mieux vivre le confinement en leur communiquant des informations du « dernier mètre », vérifiées par nos soins, concernant les procédures de tests Covid dans les laboratoires du 19e ou les librairies qui proposaient le clique et collecte. Nous réalisons également des notes parlementaires pour éclairer le débat sur des enjeux de transformation numérique et animons un collectif de députés qui recherchent des leviers pour diffuser le « Manger Durable » en France, c’est-à-dire une alimentation qui soit respectueuse de la planète, des agriculteurs et de la santé des individus. Mon travail est ainsi caractérisé par la polyvalence, il faut être touche-à-tout, pouvoir comprendre la réforme de la PAC tout en organisant une permanence parlementaire virtuelle toutes les semaines sur les réseaux sociaux. J’apprends énormément.
Quelles ont été les contributions de votre formation à l'École d'affaires Publiques envers la fonction que vous occupez aujourd'hui ?
L’École d’affaires publiques m’a permis d’acquérir des compétences théoriques et une approche transdisciplinaire qui sont essentielles à mon activité actuelle. Je mobilise tout autant mes cours de droit public, d’économie politique, de finances publiques que ceux de la spécialité « Apprentissage » au sein desquels j’ai appris à réaliser des supports de communication de qualité. Les cours sur les grandes transformations numériques (je pense à celui de Gilles Babinet ou à celui de Barbara Ubaldi sur l’Open Gov) me sont très utiles dans tous mes travaux sur ces sujets.
Ma scolarité à Sciences Po a surtout stimulé ma curiosité, ce qui me permet aujourd’hui de trouver des ressources dans une myriade de disciplines. Mon année d’apprentissage m’a également conduit à développer un savoir-être et une capacité d’adaptation qui font le jeune professionnel que je suis. Par ailleurs, je tiens également à mentionner le séminaire de Sociologie des Organisations dispensé par Henri Bergeron qui fut une véritable révélation pour moi. Il m’aide aujourd’hui énormément à mieux comprendre les jeux de pouvoir et les stratégies au sein des organisations. Je mobilise ces connaissances dans toutes mes interventions au sein des IRA afin de donner des leviers pour la conduite du changement aux futurs cadres de l’Etat.
Auriez-vous un conseil à donner à un étudiant qui souhaite s'orienter vers les institutions publiques françaises ?
Surtout, ne te limite pas à un savoir théorique car il ne sera pas suffisant dans tes futures fonctions. La fonction publique se réinvente et recrute de plus en plus de profils capables de transformer des concepts et des idées en réalités opérationnelles. Sois curieux et n’hésite pas à découvrir des secteurs ou des métiers qui t’apparaissent à première vue éloignés de ton projet professionnel. Ensuite, ne considère jamais tes connaissances comme étant acquises et définitives. Les usagers des dispositifs que tu créeras ont souvent des clés pour les améliorer et leur permettre d’atteindre leurs buts dans une société en perpétuelle mutation. Enfin, lis quelques articles du sociologue des organisations Michel Crozier ! Tout y est ! À la fois les raisons des maux de nos institutions et leurs remèdes.