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22.05.2023

Sophie Latraverse et Marie Mercat-Bruns, tutrices du projet "Réseau pour Agir en Justice contre les Discriminations"

Sophie Latraverse et Marie Mercat-Bruns
Sophie Latraverse et Marie Mercat-Bruns

Le projet "Réseau pour Agir en Justice contre les Discriminations" de la clinique Accès au droit, qui a remporté le Prix Anthony Mainguené 2023, était tutoré par Sophie Latraverse, experte spécialiste de la lutte contre les discriminations et le harcèlement, et Marie Mercat-Bruns, professeure affiliée à l’École de droit de Sciences Po.

En quoi consiste le projet clinique "rÉseau pour agir en justice contre les discriminations ?"

Sophie Latraverse et Marie Mercat-Bruns : Aujourd’hui le soutien aux victimes pour l’accès aux recours en matière de discrimination reste un point noir, extrêmement difficile à surmonter et les taux de recours sont très faibles. Les spécialistes travaillent sans moyens et les victimes doivent souvent renoncer au recours. Cette situation menace l’accès aux droits des victimes, l’évolution même de ce droit et sa démocratisation comme "arme de défense".

Le Réseau pour agir en justice contre les discriminations (RAJD) a été créé le 1er juillet 2021 pour apporter une réponse aux professionnels et aux victimes. Le réseau veut allier travail en commun sur le soutien juridique et les argumentaires, et la création d’un fonds de dotation permettant de sélectionner des dossiers à fort enjeu stratégique pour les soutenir par tous les moyens, intellectuels et financiers.

Le RAJD réunit déjà les principaux spécialistes avocats, universitaires et juristes qui ont amorcé depuis 2021 plusieurs groupes de travail et en organisant des séminaires thématiques, qui portent sur les enjeux du développement du droit de la non-discrimination aujourd'hui.

La clinique appuie notamment les travaux du groupe de travail Discrimination Indirecte du Réseau, en apportant un soutien de recherche, de conception et de rédaction au travail inédit et novateur du Réseau. Il s'agit d'une matière complexe encore peu invoquée devant les tribunaux, sur laquelle le regard croisé de la théorie et de la pratique ouvre des possibilités de constructions nouvelles dans la perspective d’un approfondissement de la notion de contentieux stratégique, enjeu au cœur du Réseau.

Le travail de construction d’une cartographie de la jurisprudence sur la discrimination indirecte par la clinicienne a servi à mettre en exergue la faible mobilisation de la discrimination indirecte et de comprendre les défis pratiques et théoriques qu’elle représente dans le contexte du contentieux stratégique en le restituant concrètement dans le cadre d’un colloque, organisé par le réseau et Trans Europe Experts (TEE), de chercheurs et praticiens à l’Institut de droit comparé à Paris qui sera publié dans un ouvrage par la Société de législation comparée sous l’égide de TEE.

Comment Évaluez-vous l’importance du sujet de la discrimination indirecte ?

Sophie Latraverse et Marie Mercat-Bruns : Le sujet de la discrimination indirecte offre une grille de lecture mesurée et analytique pour poser un diagnostic sur la pertinence de règles intériorisées comme acceptables qui ont un effet défavorable démesuré sur certains groupes protégés par un critère de discrimination interdit par la loi.

Il a un pouvoir de transformation remarquable, mais reste insuffisamment mobilisé en France notamment pour deux raisons : parce qu’il offre une grille d’analyse qui interpelle une conception de l’égalité reposant sur le traitement identique, et parce qu’il est faussement perçu comme allant à l’encontre du modèle républicain.

Le réseau entend approfondir les enjeux méthodologiques d’une mise en œuvre effective pour dépasser ces blocages, notamment en faisant le bilan des acquis de la jurisprudence et en identifiant les potentialités nouvelles de recours qui n’ont pas encore été explorées par les praticiens.

Le dossier critique tiré du travail clinique a permis de lier un travail de fond sur l’intérêt de la mobilisation de la discrimination indirecte et la faible appropriation par les avocats et les juges de cette notion en culminant avec un livrable en colloque devant les parties prenantes (avocats, juges, syndicalistes et chercheurs).

Quels sont les objectiFS du projet cette annÉe et quel est son avenir ?

Sophie Latraverse et Marie Mercat-Bruns : Dans le cadre du projet de clinique de l’année 2023-2024 et sous réserve d’obtenir les autorisations nécessaires, seront conduit des entretiens avec des magistrats au sujet du traitement judiciaire des affaires en matière de droit de la non-discrimination, notamment sur la faible appropriation du concept de discrimination indirecte et l’admissibilité des justifications que produisent en défense les auteurs présumés de discrimination.

Cette étude pourra être conduite et analysée par les étudiants et diffusée au sein du réseau. L’étude permettrait de mieux cerner les méthodes d’exégèse des magistrats afin de permettre aux praticiens de construire leur stratégie et axes de défenses des victimes de discriminations directes, indirectes et systémiques.

En 2023-2024, l’activité se déploiera aussi dans le contexte du renouveau de l’action de groupe en discussion au Parlement, ce qui offrira des opportunités nouvelles aux enjeux collectif de la discrimination indirecte et systémique (voire multiple) et réfléchir au contentieux stratégique futur dans ce domaine.

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