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17.07.2022
Louise BOSETTI, Promotion 2008
Pouvez-vous retracer votre parcours universitaire ? Comment est né votre intérêt pour la Science politique ?
Je suis rentrée à Sciences Po en 2006 en Master, à l’issue de trois années de classes préparatoires au lycée Henri IV (filière « B/L », soit lettres et sciences sociales) et d’une équivalence obtenue à l’Université de La Sorbonne en Histoire.
Je dois avouer qu’à l’époque je n’étais pas très sûre de mon choix de Master, venant d’une filière où l’on m’avait plutôt préparée pour d’autres Écoles et pas tant sensibilisée sur les options qui s’offraient à moi à Sciences Po. Cependant, ayant développé un goût pour la recherche durant mes années de classes préparatoires, j’ai décidé de mon tourner vers un Master Politique Comparée qui intégrait à la fois des éléments du « tronc commun » de Sciences Po et des enseignements spécifiques de l’École de la Recherche. Quant au choix de la spécialité Amérique Latine, il est né à la fois d’un intérêt de toujours pour cette région, du fait de mes racines hispanophones et de ma proximité linguistique avec la région, et d’un contexte particulièrement marquant au tournant des années 2000 dans cette partie du monde. En effet, les développements politiques et sociaux qui ont marqué le sous-continent à partir du tournant du XXIème siècle ont particulièrement avivé mon intérêt pour une région qui suscitait, depuis longtemps déjà, ma curiosité.
Que vous ont apporté vos années d’études à L’École de la recherche (Ex École doctorale) ? Quels souvenirs gardez-vous de votre école, de votre promotion, de vos enseignant-e-s ?
Sans hésitation une grande ouverture d’esprit et une ouverture sur le monde incroyable. Je me souviens encore de ma promotion, majoritairement intégrée par des étudiantes et étudiants latino-américain(e)s, c’était d’une richesse fabuleuse !
La flexibilité du Master de recherche m’a également permis de développer mon indépendance intellectuelle et de découvrir une région qui m’était jusqu’alors inconnue. A l’époque (je ne sais pas si c’est encore le cas), la deuxième année du Master était consacrée au travail de recherche pour le mémoire. Même si au départ cela m’angoissait quelque peu, au final cette expérience a été grandement formatrice et enrichissante. J’ai fini par passer plus de deux mois à San Salvador, avec un autre compagnon de promotion, ce qui m’a appris à développer non seulement mes aptitudes de recherche mais également mes capacités d’adaptation dans un contexte tellement différent et, à l’époque, assez volatile au niveau sécuritaire.
Plus de 14 ans plus tard, je suis très heureuse de me retrouver à nouveau dans cette région que j’ai découvert grâce à Science Po et à l’Ecole de la Recherche.
Quel est l’enseignant-e ou l’enseignement qui vous a le plus marqué ?
Il est difficile de choisir ! cependant j’ai un souvenir très vif des cours magistraux de Bertrand Badie dans le cadre de ce qui s’appelait alors « espace mondial ». La clarté de ses arguments m’a donné des grilles de lecture qui continuent aujourd’hui de m’éclairer et m’aident à lire et comprendre l’actualité et l’histoire mondiale contemporaine. A l’École de la Recherche, j’ai particulièrement été marquée par les cours de politiques publiques d’Yves Surel, qui est devenu mon directeur de mémoire et qui m’a accompagnée pendant mes quelques années de thèse, avant que je ne décide finalement d’opter pour une autre voie. Enfin la gentillesse d’Oliver Dabène, alors directeur de la Spécialité Amérique Latine, et sa connaissance profonde de la région m’ont également grandement marquée et ont fait de ce passage par l’École Doctorale un moment extrêmement formateur, tant sur le plan académique que personnel.
Quelle fonction occupez-vous aujourd’hui ?
Actuellement, je travaille au sein du Bureau Intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH), à Port-au-Prince, dans la section qui s’occupe des thèmes de Désarmement, Démobilisation et Réintégration et de Reduction de la Violence Communautaire. Cela fait plus de 10 ans que je travaille avec les Nations Unies, où j’ai commencé à travailler en 2011 comme Jeune Experte Associée au Bureau des Nations Unies contre la Drogue et le Crime (ONUDC) à Vienne, en Autriche. Depuis j’ai eu l’opportunité de travailler avec différentes entités des Nations Unies tant au Japon, qu’en Colombie et, depuis peu, en Haïti.
Quelles ont été les principales étapes de la construction de votre projet professionnel ?
Pour être tout à fait honnête, la construction de mon projet professionnel a été quelque peu mouvante et pleine de rebondissements pas toujours soigneusement prémédités !
Après avoir tout d’abord tenté la voie académique en m’inscrivant à un Doctorat à l’École de la Recherche de Sciences Po en 2008 juste à la sortie de mon Master, je me suis progressivement rendu compte que ce n’était pas ma voie, du moins pas à ce moment-là. Je me sentais encore trop « jeune » pour pouvoir contribuer pleinement au débat académique et je ressentais le besoin d’acquérir de l’expérience professionnelle hors du champ académique pour éventuellement y contribuer plus en amont. C’est ainsi que j’ai décidé de quitter le programme doctoral de l’Ecole de la Recherche fin 2010. J’en parle ici car on n’entend pas souvent parler des personnes qui décident d’abandonner leur doctorat et des opportunités qui peuvent également découler d’un changement d’orientation en cours de carrière. C’est donc un message important que je veux communiquer aux lecteurs et lectrices de cette page ! Même si, à ce moment-là, cela pouvait être perçu comme un certain « échec » (renoncer à ma bourse, quitter le programme doctoral), je suis convaincue que c’était la bonne décision et qu’elle m’a permis de trouver ma voie dans un domaine dans lequel je m’épanouis pleinement depuis plus de 10 ans !
C’est alors un peu par hasard, cherchant à internationaliser davantage mon profil, que je suis tombée, début 2011, sur l’appel du Ministère des Affaires Étrangères pour le recrutement de Jeunes Experts Associes (JEA) au sein de différentes agences des Nations Unies. C’est par ce programme que j’ai intégré le département de recherche du Bureau des Nations Unies contre la Drogue et le Crime (ONUDC) à Vienne, en Autriche. Après trois années passées à l’ONUDC, j’ai postulé à un poste de Chercheuse Associée auprès d’un centre de recherche (Centre for Policy Research) qui venait d’être créé au sein de l’Université des Nations Unies. A l’époque je ne connaissais rien de cette organisation, mais la perspective de rejoindre une équipe dès sa création et de contribuer au développement de sa vision stratégique m’a séduite. C’est ainsi que j’ai passé deux ans et demi à Tokyo !
Après plus de cinq ans à travailler dans différents sièges des Nations Unies, j’ai cherché à acquérir une expérience de terrain au sein de missions de paix. Suite à mon placement sur un « roster » pour ce genre de poste au terme d’un processus compétitif, j’ai finalement intégré la Mission de Vérification des Nations Unies en Colombie peu après la signature de l’accord de paix entre le gouvernement et l’ancienne guérilla des FARC-EP. Cette expérience a marqué un important tournant dans ma carrière. C’est là que j’ai redécouvert l’amour du terrain et la véritable signification du travail onusien. C’est là que j’ai ressenti l’impact des valeurs de cette organisation, et la confiance que cela pouvait générer auprès notamment des anciens combattants qui nous remettaient leurs armes.
Quelles ont été les contributions de votre formation à la fonction que vous occupez aujourd'hui ?
Près de 14 ans après avoir terminé mon Master en Politique Comparée/Spécialité Amérique Latine à Sciences Po (ce qui ne me rajeunit pas !), me voici travaillant en Haïti avec les Nations Unies : je crois que la contribution de ma formation parle d’elle-même ! C’est d’ailleurs en répondant à vos questions que je me suis rendu compte à quel point ma formation m’avait guidée et aidée tout au long de ma carrière.
Dès mon master de recherche à Sciences Po j’ai commencé à m’intéresser aux questions de criminalité et de gouvernance dans les pays de la région latino-américaine, et particulièrement en Amérique Centrale. A l’époque, j’ai réalisé mon mémoire de recherche sur les politiques de lutte contre les gangs au Salvador (là-bas appelées maras et/ou pandillas), et aujourd’hui je suis en Haïti travaillant sur ces mêmes questions. Il ne fait aucun doute que les compétences tant régionales, linguistiques que techniques apprises à Sciences Po ont largement contribué à ce que je puisse aujourd’hui réaliser les fonctions qui m’incombent aux Nations Unies.
Auriez-vous un conseil à donner à un-e étudiant-e qui souhaite s'orienter vers le secteur d’activité dans lequel vous travaillez aujourd'hui ?
Pour qui veut commencer une carrière aux Nations Unies, je ne peux que chaudement recommander de suivre de près le calendrier d’appel au recrutement de Jeunes Experts Associes (JEA) du Ministère des Affaires Etrangères, il m’a vraiment ouvert les portes de ce qui depuis plus de 10 ans me passionne ! Cela m’a permis de mettre un pied dans une organisation qui peut souvent paraitre hermétique et inaccessible. Je recommande également de postuler au programme de Volontaires Internationaux, j’ai travaillé avec beaucoup d’entre eux et c’est également une bonne façon d’acquérir de l’expérience dans l’organisation et de commencer sa carrière à un niveau relativement junior.
Dans mon cas, le fait d’avoir une spécialisation régionale m’a grandement aidée, non seulement au début mais aussi tout au long de ma carrière. En effet, au moment de mon entretien d’embauche avec l’équipe de l’ONUDC il y a plus de dix ans, ils m’ont indiqué qu’ils allaient commencer un rapport régional sur l’Amérique Centrale et les Caraïbes, et c’est pourquoi mon profil leur a plu : j’avais à la fois les compétences linguistiques nécessaires et la connaissance de la région, du fait de mes travaux de recherche menés à Sciences Po. Par la suite, le fait d’avoir travaillé sur et en Amérique Latine, notamment dans le cadre de mes recherches à l’Ecole de la Recherche, m’a également aidé à valoriser mon profil auprès de la Mission de Vérification des Nations Unies en Colombie, et plus récemment, de rejoindre le Bureau Intégré des Nations Unies en Haïti.
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