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01.04.2025
Stratégie pour un marché carbone transparent : Retour sur un projet clinique innovant
Tout au long de l'année universitaire 2024-2025, Ange-Manon Tang et Grégoire Mauduit, étudiants du Master in Environmental Policy de la Sciences Po Paris School of International Affairs (PSIA), travaillent sur le projet clinique « Stratégie pour prévenir et réprimer les fraudes au marché carbone volontaire : renforcer la transparence et la fiabilité du marché » en lien avec la Gendarmerie Nationale dans le cadre du programme clinique Justice Environnementale et Transition Écologique (JETE).
Sous la supervision de leur tutrice, Laura Monnier, avocate au barreau de Paris, ils s’intéressent à la lutte contre les fraudes sur le marché volontaire du carbone.
Les deux étudiants nous partagent leur retour d’expérience sur leur projet clinique et leur participation à la Clinique de l’École de droit.
Parlez-nous de votre projet clinique « Stratégie pour prévenir et réprimer les fraudes au marché carbone volontaire : renforcer la transparence et la fiabilité du marché ». Quel est son point de départ ?
Ce projet de recherche a été proposé par le Commandement pour l’environnement et la santé de la Gendarmerie nationale (CESAN) dans le cadre de la Clinique Justice Environnementale et Transition Écologique (JETE). Il part du constat de l’existence d’un marché volontaire du carbone non régulé auquel les entreprises ont de plus en plus recours avec un risque de greenwashing. Concrètement, il s’agit de s’interroger sur les risques de fraudes et la manière de les appréhender, notamment par la voie judiciaire, ainsi que de lister des recommandations pour améliorer la transparence et la fiabilité du marché.
Quel est son objectif ?
L’objectif du projet est d’expliquer le marché volontaire du carbone et de dresser son cadre juridique potentiel, notamment les infractions susceptibles d’être caractérisées en cas de fraude. Le projet contient une dimension recherche et une phase d’entretiens avec certains professionnels (avocats, enquêteurs, parquets etc.). Il fera l’objet d’un rapport contenant une première analyse qui pourrait servir de base documentaire au CESAN pour d’éventuelles enquêtes sur des cas de fraudes aux crédits carbone.
Pourquoi avez-vous choisi la Clinique de l'École de droit ?
Ange-Manon : Depuis plusieurs années je m'intéressais au droit sans vraiment avoir l’opportunité de l’étudier. Je m’interrogeais notamment sur comment le mobiliser pour répondre aux enjeux environnementaux. Je tenais aussi à apporter une dimension pratique et professionnalisante à mon parcours académique en appliquant les connaissances que j’ai acquises ces dernières années. La Clinique JETE était une évidence pour combiner mes intérêts.
Grégoire : J’ai choisi la Clinique pour être acteur d’une partie de mes études, construire un projet, entretenir un partenariat avec une institution extérieure à Sciences Po. J’étais curieux de découvrir le droit, et le cours qui va de pair avec le projet m’en a d’ailleurs donné le goût. J’étais désireux de construire une expérience, et profiter du cadre sécurisant de la Clinique me semblait idéal. Quant au choix de JETE, il m’a paru évident au vu de mes préoccupations, même si les autres cliniques s’avéraient également passionnantes.
En quoi participer à la Clinique vous aide dans la construction de vos projets professionnels et personnels ? Qu'avez-vous appris ?
Ange-Manon : La Clinique m’a permis de développer mes connaissances en droit de l’environnement grâce aux cours dispensés et de mener un travail de recherche juridique sur un sujet qui attisait ma curiosité au regard de son importance grandissante. Participer à un projet sur le long terme avec un partenaire s’est révélé très enrichissant aussi bien professionnellement que personnellement. Cette expérience m’a donné la possibilité d’analyser en profondeur le marché volontaire du carbone, d’en comprendre le fonctionnement ainsi que ses acteurs, failles et défis. Les recherches approfondies et les discussions avec des membres institutionnels et des avocats spécialisés en différents domaines du droit de la consommation au droit de la concurrence ont grandement nourri notre réflexion. Participer à la rédaction d’un rapport qui pourrait contribuer à un meilleur encadrement du Marché Volontaire du Carbone (MVC) est aussi une source d’épanouissement et de responsabilisation.
Grégoire : La Clinique est indéniablement un premier pied, non négligeable, dans le domaine du droit, ce qui ouvre des portes. Sans l’expérience de la Clinique, je n’aurais peut-être pas intégré le droit à mes réflexions pour la suite. J’ai beaucoup appris avec ce projet et sors enrichi de cette expérience de travail de groupe, avec Ange-Manon mais aussi avec notre tutrice et les différentes personnes que nous avons eu à interroger. Avoir contact avec ces dernières a d’ailleurs été une opportunité unique pour moi de découvrir des métiers, des directions générales, des institutions : j’ai désormais une meilleure connaissance de l’existant. Cela m’a aussi permis de me rendre compte que, si modifier le droit et porter des préconisations m’a intéressé, ces secteurs et ces développements-là du droit ne correspondent pas à mes attentes professionnelles.
Quels conseils donneriez-vous à un(e) étudiant(e) intéressé(e) par la Clinique de l'École de droit ?
Ange-Manon : Je lui conseillerais de bien se renseigner sur les projets proposés afin de choisir celui pour lequel il ou elle est le plus motivé(e) à explorer pendant un an, de savoir prendre des initiatives et de bien communiquer avec son partenaire, tuteur ou tutrice et ses camarades de la Clinique.
Grégoire : Je conseillerais en premier lieu de réfléchir à sa motivation et à la raison pour laquelle on candidate à la Clinique, car si c’est une expérience riche en apprentissages, cela représente aussi une contrainte. Ensuite, il me semble important de faire un choix éclairé entre les différentes cliniques, car elles portent toutes des propositions alléchantes, puis effectivement de regarder en détail les projets proposés au sein de la Clinique retenue et se renseigner sur les sujets.
Laura Monnier nous parle de son engagement dans ce projet clinique.
QUEL EST VOTRE PARCOURS ACADÉMIQUE ET PROFESSIONNEL ?
J’ai étudié le droit au sein des universités de Cergy-Pontoise puis Poitiers où j’ai réalisé un Master 2 et un Diplôme Universitaire de sciences criminelles. Après l’examen d’avocat puis avoir exercé, j’ai orienté ma pratique vers la défense pénale et le droit de l’environnement en tant que responsable juridique de Greenpeace France qui a été partenaire de la Clinique. Aujourd’hui, je suis revenue à la profession d’avocat pour diversifier mes sujets d’intervention juridique, avec toujours un souhait de maintenir un pied dans le milieu académique stimulant.
QUEL EST VOTRE RÔLE EN TANT QUE TUTRICE DANS CE PROJET ?
Dans ce projet, mon rôle de tutrice a d’abord consisté à aider au cadrage de la thématique et à son calendrier prévisionnel au regard des attentes du CESAN. Il s’agit notamment de conseiller les étudiants pour les interviews de professionnels à mener, parfois avec eux, pour cerner au mieux les enjeux du sujet avant d’entamer son analyse juridique. En l’absence de formation juridique des étudiants, il s’agit de les guider sur la méthodologie de recherche juridique et la compréhension du cadre juridique général (administratif, civil et pénal).
QUE TIREZ-VOUS DE CETTE EXPÉRIENCE AU REGARD DE VOS AUTRES ENGAGEMENTS AVEC LA CLINIQUE ?
L’expérience de tutrice – en comparaison avec celle de partenaire – se situe davantage « à l’intérieur » du projet, plus proche des étudiants. Il s’agit de conseiller les étudiants aux différentes étapes du projet, en particulier sur sa dimension juridique, en lien avec le CESAN. S’agissant d’un sujet prospectif où peu de littérature et de spécialistes existent, il est assez passionnant de découvrir certains enjeux avec les étudiants qui s’approprient parfaitement ces sujets. Le travail en tant que partenaire consistait davantage à nourrir le projet de cas pratiques et d’un retour d’expériences vécues du point de vue d’une association d’intérêt général. Celui de tutrice porte davantage sur le cadrage des recherches et vérifications juridiques à mener de la manière la plus exhaustive possible, sur le ciblage des interlocuteurs ainsi que sur la tenue du calendrier du projet au regard également des agendas des étudiants.