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29.03.2022
De la gouvernance participative au « droit à la ville cyclable pour tous.tes »
Maëlle Jeanty et Camille Dodigny, bientôt diplômées du Master in Environmental Policy, et de son double Master avec la Sorbonne sur les Sciences de l’Océan et de l’Atmosphère Climat (PSIA), ont le plaisir de partager leur mémoire sur la gouvernance institutionnelle et participative du vélo. Il présente les résultats du projet de recherche-action du programme Clinique JETE consacré à l’étude du régime juridique du vélo. Conduit en partenariat avec l’association Paris en Selle, ce projet clinique a été initié et supervisé par Anaïs Morin Guerry, doctorante en droit public à l’Ecole de droit de Sciences Po et cofondatrice du programme JETE.
Pour remplir les objectifs climat-air-énergie territoriaux, la transition écologique passe par celle des mobilités quotidiennes. Avec la marche, le vélo représente un mode de transport "sobre". Il est aussi doté de nombreuses autres vertus en termes de santé, d’appropriation de l’espace public, de quiétude urbaine et d’accessibilité économique, qui justifient l’expansion de sa pratique. Très utilisé dans les années 1920, le vélo a déserté les centres-villes vers les années 1960.
Alors qu’aujourd’hui son retour constitue une des exigences de la transition écologique, l’équipe a tenté de rassembler les leviers juridiques favorisant son usage massif.
Maëlle et Camille ont identifié les diverses compétences administratives dont le sort du vélo dépend dans cet "espace public" qu’est la rue. Elles ont relevé les dispositions législatives et les mesures de planification qui, depuis 1996, tentent de promouvoir son usage en milieu urbain et périurbain.
Le mémoire présente ainsi la gouvernance de la Ville de Paris et de la Métropole du Grand Paris en distinguant les diverses compétences relatives à l’aménagement de la voirie, à l’organisation des mobilités, à la police de la circulation et du stationnement. Le rôle de la préfecture de police, des comités « vélos » et des services administratifs dédiés à la voirie est détaillé. Il expose ensuite les mesures de promotion du vélo utilitaire prévues par la planification territoriale et les diverses obligations législatives, qui, disséminées à travers les codes (de l’urbanisme, de l’environnement, des transports, de la route et du travail), tentent de faciliter la vie du cycliste.
Constatant l’effet mitigé de ces premières mesures sur l’émergence d’une véritable culture du vélo comparable à d’autres capitales européennes, l’équipe a choisi de poser un regard critique sur la gouvernance du vélo préalablement reconstituée.
C’est par le prisme du "droit à la ville" qu’elle estime que les décisions relatives à la promotion du vélo devraient davantage inclure l’avis des habitants. Pour illustrer ce propos, Maëlle et Camille ont soigneusement répertorié les procédures de participation permettant aux élus et aux services de la ville de réceptionner leur avis. Elles les ont distinguées par degré d’inclusion. De cette analyse, elles ont dégagé différents équilibres institutionnels organisant les rapports entre l’expertise administrative, celle des associations consultées (telles que Paris en Selle) ainsi que celle de citoyens tirés au sort. Ces équilibres ont enfin été classés par modèles de représentation exprimant un idéal démocratique (représentatif, consultatif, participatif).
L’équipe est convaincue que l’émergence d’une véritable culture du vélo dans la capitale parisienne dépend en partie d’une inclusion plus affirmée de l’avis des habitants et des associations dans les décisions prises par les services administratifs et les élus de la Ville. Composée de citoyens tirés au sort, la pratique des comités vélos pourrait d’abord être étendue. La prise en compte des avis recueillis par les procédures de consultation des habitants et des associations en amont de la confection des plans et des itinéraires, ou de l’engagement d’un projet d’infrastructure, pourrait également être plus approfondie.
Leur publication pourrait par exemple mieux rendre compte des arguments justifiant soit de la mise à l’écart ou de l’acceptation des avis récoltés. Les décisions prises pourraient enfin être justifiées à l’aune des objectifs territoriaux à remplir.
A travers ce mémoire, l’équipe a recherché les conditions institutionnelles permettant de réinvestir la rue comme un "commun urbain". Peut-être que dans ces conditions, les cyclistes pourraient mieux circuler et mieux dialoguer avec les utilisateurs des autres modes de transport utilisant la voie publique ? Le contenu de ce mémoire s’inscrit dans la continuité des réflexions menées pour transformer le Code de la Route en un Code de la Rue, qui consisterait à réorganiser le partage de l’usage des rues de façon plus équitable, pour tous ses usagers.
En 2021-2022, l’équipe-projet a été rejointe par Eloïse Urbain, Charlotte Hourdin et Coline Grimée. Respectivement étudiantes en Master Stratégies territoriales et urbaines et Master in Environmental Policy, elles sont désormais tutorées par Maëlle et Camille, et leur travail est supervisé par Anaïs. L’équipe s’est donnée pour objectif de réfléchir aux conditions juridiques d’un usage socialement plus inclusif du vélo. Pour solidifier l’ancrage de cette dimension dans le droit, elle imagine désormais les contours d’un droit subjectif original : le "droit à la ville cyclable pour tous.tes".
L’ensemble des membres de l’équipe du projet "vélo" vous souhaite une bonne lecture !
Contact et information : clinique.droit@sciencespo.fr