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18.04.2025
L'intelligence artificielle au service du journalisme
Enseigner aux étudiants un usage raisonné et éthique des nouveaux outils.
Alors que l'intelligence artificielle a fait irruption dans nos vies, l'Ecole de journalisme de Sciences Po a intégré dans sa maquette pédagogique cette réalité, et les perspectives qu'elle ouvre pour l'évolution du métier de journaliste. Et ce, dès l'année 2022-2023, comme en atteste ce programme.
Depuis lors, tous les étudiants de M1 de l'Ecole de journalisme de Sciences Po suivent un cours intitulé "faire travailler l'IA au service du journalisme". Cet enseignement est obligatoire et est dispensé à la fois en français et en anglais.
L'éthique au centre des questionnements
A l'issue de cette nouvelle saison, une master class, organisée ce jeudi 17 avril et visible en vidéo, a donné à voir quelques uns des cinq prototypes imaginés et pouvant répondre aux besoins de médias existants tout en respectant rigoureusement principes éthiques et chartes déontologiques, rappelés de façon très précise dans la charte de l'Ecole de journalisme à laquelle tous les étudiants adhèrent dès leur premier jour de formation.
Les limites du recours aux intelligences artificielles a aussi été largement analysé par les étudiants pour prôner un usage raisonné et éthiquement irréprochable en matière d'information.
Des POC (proof of concept)
Voici le détail des quelques uns des projets présentés :
- Comment intéresser les jeunes Franciliens aux élections municipales en 2026? Comment expliquer les missions d'un maire en termes de logement, urbanisme, politique sociale, sportive et culturelle? Réponses via un jeu immersif inspiré de Pokemon, publiable sur Le Parisien en utilisant leur base de données d'articles pour agréger des éléments de contexte, afin de découvrir à quoi ressemblerait la commune dans laquelle ils voteraient selon le candidat élu.
- Croc Actu est une livraison d'actualités personnalisées en sons concoctée pendant que vous mangez, au petit déjeuner, déjeuner, goûter ou dîner, qui serait “déployable” dans l'application du Monde, tout en utilisant la durée des recettes de Marmiton.
- Quelles sont les attentes du public en matière d'information? Il suffirait de créer une boussole, déjà conçue par la BBC, pour Libération afin d'identifier les éventuelles lacunes éditoriales. En catégorisant de façon automatique via un prompt ultra précis de 12 pages (!) les quelque 500 articles publiés chaque semaine par Libération en quatre catégories (“tenez-moi informé”, “divertissez-moi”, “connectez-moi” ou “inspirez-moi”).
- Les lecteurs ont besoin de digérer les propos de scientifiques et chercheurs qui, à première vue, sont parfois complexes et très développés. De ce postulat est née l'idée de produire des résumés fiables et éthiques issus des contenus universitaires publiés sur The Conversation pour obtenir une meilleure diffusion des savoirs auprès du grand public.
- Clim@ est un outil qui permet de créer des contenus dès qu'un changement climatique est détecté, grâce à l'aspiration des données météo, non pour remplacer les journalistes couvrant l'environnement mais pour permettre aux reporters de se concentrer sur l'angle humain de ces actualités, notamment dans les médias locaux qui peuvent parfois avoir des ressources journalistiques limitées.
Laboratoire
Les enseignants ayant dispensé ce cours ont fait progresser les étudiants sur la compréhension du panorama des différents outils d'IA génératives, tout en vérifiant à chaque étape que les fondements éthiques du journalisme étaient assurés.
L'idée est toujours de réfléchir à l'évolution du métier et d'anticiper, comme dans un laboratoire, les applications possibles au sein d'une rédaction.
Clément Vaillant, journaliste et référent IA à l'INA
"Les étudiants prennent conscience que l'IA peut leur permettre de faire des sujets, avec des quantités de données colossales que l'humain mettrait des mois à faire. L'IA permet d'analyser plus de 20h de discours de politique générale du Premier ministre. Cela élargit le champ des possibles. Quelle limite se fixe-t-on ? Ce sont des questions intéressantes, et c'est une histoire de curseur. Ces débats ont lieu dans les rédactions aujourd'hui."
"L'IA est vertueuse quand elle rend le journaliste meilleur, pas en faisant le travail à sa place, et c'est d'ailleurs le nom du cours "l'IA au service du journalisme".
Gerald Holubowicz, journaliste fondateur de Synth, média spécialisé tech et IA.
"L'évolution est très rapide depuis que je donne ce cours, car les étudiants de 2025 manipulent davantage l'IA. Ils se posent toujours des questions sur l'actualité de la tech et de l'IA, et l'éthique reste au coeur de leurs réflexions : le droit d'auteur, l'obsolescence du journalisme versus ses compétences. Depuis cette année, il y a aussi des questions sur l'impact environnemental de ces outils."