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03.06.2021
Deux ans de détention pour Fariba Adelkhah
>En défense de la liberté de recherche
par Alain Dieckhoff, directeur du CERI
Difficile à croire, et pourtant, ce 5 juin, cela fait deux ans que Fariba Adelkhah, directrice de recherche au CERI, a été arrêtée en Iran, en même temps que Roland Marchal, chercheur CNRS au CERI. Ce dernier a été libéré le 20 mars 2020, au terme de tractations diplomatiques longues et complexes, après neuf mois et demi de détention éprouvante. Malheureusement, Fariba demeure retenue contre son gré. Certes, son sort s’est quelque peu amélioré puisqu’elle a été, en octobre 2020, assignée à résidence à son domicile, mais elle ne bénéficie pas de ce droit élémentaire qu’est la liberté d’aller et de venir, de la liberté, donc, de quitter l’Iran. Elle reste condamnée à cinq ans de prison pour « collusion en vue d'attenter à la sûreté nationale », une condamnation révoltante contre laquelle la communauté universitaire de Sciences Po, mais aussi ailleurs, en France comme à l’étranger, continuera de se dresser farouchement.
Le sort de Fariba, aussi douloureux soit-il pour nous, a suscité une ample et bienvenue réflexion sur la liberté de recherche, et plus largement la liberté académique. D’ordinaire, quand tout va bien, nous ne nous interrogeons, nous chercheurs, qu’accessoirement sur notre métier. Une crise majeure, comme la détention prolongée de notre collègue, met brutalement en lumière le fait que la liberté de mener des recherches que nous pouvons tenir légitimement comme acquise, ne l’est pas. Sans doute, comme beaucoup d’entre nous travaillons sur des terrains difficiles, entre régimes autoritaires et situations de conflit, nous savons bien qu’il convient d’allier la prudence à la ruse, la souplesse à la détermination, pour mener à bien nos enquêtes et conduire nos entretiens. Mais une chose est de disposer de ce savoir abstraitement, une toute autre chose est d’éprouver, concrètement, la fragilité réelle de notre condition de chercheur sur certains terrains. La difficulté de la situation dans laquelle nous nous trouvons est réelle : il nous faut poursuivre notre travail d’élucidation du social, y compris sur des terrains compliqués, tout en sachant que nous pouvons nous retrouver injustement en posture d’accusés.
Cette réflexion sur soi nous a aussi montré que les obstacles à la liberté de recherche ne sont pas l’apanage de régimes dictatoriaux. Certes, ils se posent en des termes heureusement très différents dans les sociétés ouvertes. La liberté d’expression qui y est garantie offre une protection forte aux chercheurs, mais elle ne règle pas tout. Dans les Etats démocratiques, les obstacles surgissent particulièrement dès lors que l’on travaille sur certaines questions sensibles (affaires militaires, maintien de l’ordre, politiques migratoires…). Un obstacle récurrent est alors l’accès à l’information primaire, qu’elle passe par la difficulté à établir des échanges avec certains acteurs institutionnels (armée, diplomatie…) ou l’impossibilité d’accéder à certaines archives. Il est compréhensible que, même dans un Etat démocratique, la transparence ne puisse être absolue, mais tout est une question d’équilibre : la protection de l’intérêt de la puissance publique ne doit pas servir d’excuse pour empêcher des recherches qui pourraient révéler une « part d’ombre ».
Plus que jamais nous réclamons haut et fort : Liberté pour Fariba ! Liberté pour la recherche !
Lire le texte de Philippe Testard-Vaillant, Fariba Adelkhah, un combat pour la liberté, CNRS Le Journal, 2 juin 2021
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