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10.02.2022
Portrait de Guillaume Saraf, alumnus
Rencontre avec Guillaume Saraf, diplômé du Cycle d’urbanisme en 2000, aujourd’hui directeur délégué général à l’immobilier et à la logistique à l’Université de Lille.
Propos reccueillis par Amélie Calafat et Tanya Sam Ming de l'association Sciences Po Urba.
Peux-tu nous retracer ton parcours ? Quels sont les cheminements qui t’ont conduit à cette formation ?
Je suis sorti d’HEC en 1999 avec une conviction pas tout à fait forgée sur ce que je voulais faire de ma vie. Néanmoins, j’avais le souhait de m’orienter vers des sujets qui avaient trait à la vie publique et à l’environnement et ça faisait longtemps que les questions d’urbanisme m’intéressaient. Pendant mon cursus à HEC, j’ai eu une expérience d’un an au Laos pendant laquelle j’ai contribué au programme de sauvegarde et de mise en valeur de l’ancienne capitale royale, Luang Prabang, qui venait d’être labellisée patrimoine mondial de l’UNESCO et c’était la première fois que je me confrontais à la notion d’urbanisme, de patrimoine architectural, paysager. Et en sortant d’HEC, j’ai voulu compléter mon parcours académique par une formation dans ce domaine, avant d’entrer dans la vie professionnelle.
Comment était le Cycle d’urbanisme au début des années 2000 ? Pourrais-tu nous raconter un souvenir de tes études ?
Nous étions une trentaine d’étudiants, dans des groupes pluridisciplinaires. Cela m’avait bien plu parce que c’était l’occasion de travailler en groupe, d’échanger, de confronter les points de vue. C’était un lieu de conflits culturels et, finalement, c’était une bonne préparation au monde professionnel, qui est une confrontation géante de personnes avec des visions différentes. Participer à des ateliers professionnalisants, avec des études et de vrais professionnels, permettait aussi de se mettre dans le « grand bain ». La formation à temps plein représentait une contrainte pour certains mais faisait la qualité de l’apprentissage : intense, dense et efficace. J’ai aussi le souvenir d’une formation diversifiée, avec des architectes, des ingénieurs, des géomètres, des juristes, des étudiants sortis de Sciences Po et d’IEP régionaux…
Et à la sortie du Cycle d’urbanisme, qu’as-tu fait ?
Ma préoccupation était de travailler plutôt dans l’urbanisme opérationnel, avec une impatience de participer à l’élaboration de la ville. Je me suis orienté vers le métier le plus « efficace » dans l’échelle de temps : la promotion immobilière, en travaillant avec Bernard Roth, qui enseignait également au master, dans la filiale de promotion de la foncière Affine. C’était très formateur : j’abordais la promotion à travers les enjeux d’investissement, qu’il est essentiel d’appréhender quand on se préoccupe d’urbanisme. En effet, l’ensemble des décisions non publiques sont prises au travers de considérations de rendement et de stratégies financières. La compréhension du monde de l’investissement immobilier, et en particulier de la structuration des foncières, est un sujet tout à fait essentiel.
J’ai aussi pris conscience que l’activité de promotion immobilière étant globalement conduite par l’efficacité économique, elle est incitée à la reproduction de recettes et de produits… c’est lié à la volonté de ne pas trop prendre de risque commercial. L’aversion au risque conduit les promoteurs à être très conservateurs sur la production architecturale. C’est vrai en logement, mais aussi en tertiaire du fait de la structuration de la finance immobilière. Pour limiter les risques et augmenter la liquidité (éviter la vacance qui est le risque principal des foncières), il faut construire des immeubles modulables, flexibles et donc normalisés. Tout cela concourt à une architecture relativement banalisée (on le voit avec les façades tramées des immeubles de bureaux…), y compris quand on prétend faire des immeubles extraordinaires. Avec un recul de 20 ans sur l’immobilier, il me semble que les grands fondamentaux de ce qui conduit à orienter la production immobilière sont demeurés les mêmes : l’investissement et le rendement.
Peux-tu nous présenter ton métier, en tant que Directeur général délégué à l’immobilier de l’Université de Lille ?
L’immobilier de l’université de Lille, c’est 700 000 m² de surface bâtie répartis sur une douzaine de sites pour accueillir 80.000 étudiants (c’est à ce titre la plus grande en France). La direction de l’immobilier regroupe 300 personnes dédiées à entretenir, maintenir et faire évoluer ce parc pour accueillir dans les meilleures conditions les activités universitaires, qui sont plus diversifiées que ne le croit le grand public : l’enseignement occupe 40% des surfaces, la recherche 25%, l’administration 10% et le reste se répartit entre les bibliothèques universitaires, les lieux de vie étudiante et les installations sportives qui concourent aux besoins de l’université, mais aussi des collectivités, des associations sportives… L’université est un écosystème complexe de ce point de vue, car il intègre une grande variété d’activités. Les universités hébergent également les activités de recherche d’autres établissements publics : CNRS, Inserm, Inria, et entretient un lien étroit avec le centre hospitalo-universitaire de Lille.
Par ailleurs, on arrive à la fin du cycle de vie des infrastructures des années 1960, ce qui est d’ailleurs un enjeu au niveau national (l’immobilier universitaire représente 20% de l’immobilier de l’État !). Notre préoccupation porte donc sur le maintien à flot d’une infrastructure obsolète – c’est malheureusement la réalité de l’université publique – tout en menant un travail sur la reconfiguration des espaces. En somme, nous renouvelons constamment le parc immobilier pour répondre aux besoins et aux évolutions de toutes ces activités, avec maintenant la préoccupation supplémentaire de faire face aux contraintes du changement climatique.
Il faut aussi noter que l’on se trouve à l’intersection entre les échelles immobilière et urbaine (notre plus grand campus s’étend sur 110 ha) avec des problématiques de mobilité, de réseaux, de logement… L’Université a longtemps vécu comme un Établissement Public d’État, ayant son propre fonctionnement et sa propre autonomie, et les campus des années 1960 et 1970 ont souvent été éloignés des centres urbains. Mais progressivement, ils ont été « rattrapés » par l’urbanisation et, de fait, il n’est plus possible de faire abstraction de ce qu’il y a autour. D’autant plus que les universités sont à l’origine de déplacements quotidiens. Il faut répondre aux questions des flux, de logement des étudiants, de l’offre culturelle et de l’offre de services. Ces enjeux sont élargis aux métropoles qui s’emparent de ces sujets car elles prennent conscience de l’impact des universités sur leur territoire.
Lire l’intégralité du portrait sur le site de Sciences Po Urba.