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07.12.2018
7 questions fondamentales à se poser pour exercer et développer son leadership
A l’évidence, nous ne sommes pas tous prédisposés à faire preuve de leadership au sein d’un collectif. En effet, l’histoire des organisations montre qu’il ne suffit pas d’en avoir une énorme envie ou d’exhiber le diplôme d’une école réputée pour qu’automatiquement vous ayez cette capacité à révéler et mobiliser les forces vives d’une organisation vers des résultats estimables. Quelles questions préalables seraient alors utiles de se poser pour explorer l’hypothèse de cette prédisposition, voire la développer ?
Par Eric-Jean Garcia,
Professeur affilié à Sciences Po Executive Education
1. Avez-vous un authentique désir d’apprendre ?
Apprendre ne va pas de soi. L’accumulation des expériences et des succès encouragent davantage à reproduire les formats « gagnants » qu’à explorer de nouveaux territoires. Apprendre c’est manifester un authentique esprit de curiosité, c’est admettre la perfectibilité de ses convictions, c’est être conscient de ses mécanismes de résistance psychologique et être en capacité de challenger ses propres croyances. Apprendre requiert donc une aptitude à désapprendre et même un certain courage à penser contre soi-même non pas pour se renier mais pour mieux se connaitre.
Pour aller plus loin : Executive Mastère Spécialisé® Trajectoires Dirigeants
2. Etes-vous authentiquement intéressé par la chose collective ?
La chose collective est un enchevêtrement de relations diverses entre des acteurs interdépendants agissant avec une rationalité limitée et un comportement opportuniste notamment vis-à-vis des objectifs et des règles auxquelles ils doivent se soumettre. Cela donne à l’action collective un caractère complexe, changeant et problématique. Il est donc difficile de l’appréhender et encore plus de la maitriser.
Voici sans doute les premières conditions pour s’intéresser authentiquement à la chose collective :
- Être conscient des possibilités et limites de la coopération, notamment en ce qui concerne la part variable d’autonomie protectrice et créative des individus.
- Avoir une réelle appétence pour explorer la nature complexe des dynamiques collectives.
- Être motivé par l’idée de contribuer à la réussite individuelle de ses collaborateurs en faisant preuve d’un irrépressible désir de faire progresser les individus professionnellement mais aussi humainement. La qualité des rapports humains au travail devient alors un objectif incontournable.
3. Etes-vous dans un contexte favorable ?
S’interroger sur la compatibilité entre ses aspirations profondes et le contexte dans lequel on évolue est une autre condition de l’exercice d’un leadership. Pourquoi cela ? Parce que le leadership est un phénomène éminemment relationnel et donc contextuel, sensible aux relations de pouvoir entre les acteurs mais également à la raison d’être de l’organisation, ses objectifs, ses moyens, ses règles et sa politique RH.
La stratégie, les ressources, les conditions de travail et la nature des relations de pouvoir entre les acteurs peut donc s’opposer à vos aptitudes professionnelles ou, plus grave encore, à certaines de vos valeurs personnelles. Il est donc essentiel d’être vigilant sur cette compatibilité contextuelle. D’ailleurs, combien de managers et cadres dirigeants cherchent à quitter leur organisation suite à une réorganisation jugée inappropriée ou à l’arrivée d’un Directeur Général imposant de nouvelles façons de travailler ? Le leadership n’est donc pas une aptitude ou une compétence universelle et l’interchangeabilité des managers et dirigeants un sujet à discussion.
4. Quelles compétences cherchez-vous à renforcer ?
L’omniscience du leader est un mythe persistant qu’il convient de dépasser pour se concentrer sur ses points forts. Car, il l’erreur presque « classique » chez les managers soucieux de développer leur leadership est de se mettre dans la posture du « soi parfait » en cherchant à être irréprochable dans tous les registres de leur champ professionnel. Mais être « bon » partout et tout le temps est un projet non seulement irréaliste mais épuisant psychologiquement. En revanche, il est tout à fait souhaitable d’avoir au moins un domaine dans lequel vous excellez. Ce point fort vous donnera une légitimité professionnelle et une invitation à être au service de personnes plus compétentes que vous dans d’autres domaines.
Pour aller plus loin : Certificat Leadership et management complexe
5. Avez-vous des prédispositions en termes d’Intelligence Rationnelle des Situations ?
De nombreux travaux ont démontrés que l’intelligence humaine est plurielle chez tous les individus. Par exemple, Howard Gardner distingue au moins 8 formes d’intelligences humaines1. Aucune de ces formes d’intelligence n’est incompatible avec l’exercice d’un leadership. Mais on peut défendre l’idée selon laquelle il existe une forme d’intelligence spécifique au leadership dont la mise en oeuvre varie sensiblement selon les individus et que l’on peut appeler Intelligence Rationnelle des Situations ou IRS2.
L’IRS est une forme d’intelligence comprenant certes une part d’intelligences logico-mathématique et sociale mais surtout une aptitude à se comporter et à décider de manière rationnelle, c’est-à-dire de façon aussi objective que possible, à partir d’une compréhension distanciée et différenciée des intérêts en jeu tout en déjouant les biais émotionnels et cognitifs inhérents à chaque situation. Cela se manifeste notamment par une aptitude à apprécier la prégnance des enjeux en présence, à faire preuve d’empathie, à jauger les faits pour ce qu’ils sont, à porter des jugements appropriés, à avoir un sens aigu des priorités ainsi qu’une réelle capacité d’adaptation aux situations.
Pour aller plus loin : Art du leadership en temps de crise : le cas Shackleton
6. Etes-vous doué pour la communication ?
Sans forcément parler de charisme, êtes-vous doué pour communiquer c’est-à-dire écouter, formuler, exposer, négocier et persuader ? Ecouter, c’est être capable de dire ce que pense votre interlocuteur. Formuler c’est avoir l’esprit cette pensée de Victor Hugo selon laquelle rien ne résiste à une idée lorsque son heure est venue. Exposer c’est ne jamais oublier que l’on peut très facilement avoir tort dans la façon d’avoir raison. Négocier c’est préférer le compromis à la victoire, la convergence des intérêts plutôt que celle des idées. Enfin, l’art de persuader consiste autant en celui d'agréer qu'en celui de convaincre.
Pour aller plus loin : formations courtes en Négociation et Prise de parole
7. Etes-vous capable de rêver les yeux ouverts ?
La septième question fondamentale à se poser dans la perspective de révéler et potentialiser les effets de votre leadership concerne votre capacité à élaborer une vision c’est-à-dire à « voir » au-delà du réel immédiat et des prévisions à courts termes. Pour cela, quelle part laissez-vous à votre imaginaire, à l’idéalisme, à la fantaisie et au « fun » ? Car en pratique, la gravité comportementale, l’excès de sérieux, la difficulté à se projeter dans le futur et l’absence d’idéaux sont de sérieuses entraves au leadership. Comme le suggère James March3, un leadership éclairé ne peut faire l’économie de ce que nous enseigne Don Quichotte : l’importance de l’imagination au travail, l’engagement comme une quête de soi et la joie sont des sources intarissables d’optimisme et d’ambition créative.
1 Linguistique, Logico-mathématique, Spatiale, Interpersonnelle, Intrapersonnelle, Musicale, Corporelle et naturaliste.
2 Concept développé à partir des travaux de Keith Stanovich dans son livre What intelligence tests miss (2010)
3 James March, professeur émérite de Stanford University (USA), pionnier de la théorie des organisations outre-Atlantique