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18.02.2025
Comment impulser un changement transformateur d’un modèle de développement territorial ?
Les participants et participantes de l’Executive Master Gouvernance Territoriale et développement urbain, accompagnés de leur directrice scientifique Charlotte Halpern, étaient en Learning Expedition à Luxembourg.
Ce voyage d’étude s’est articulé autour de grandes problématiques : Comment les autorités publiques s'équipent-elles pour repenser leurs projets de territoire en contexte de crise écologique et climatique ? Pourquoi et comment renouveler les instruments traditionnels de planification et d’aménagement du territoire ?
Comment mobiliser une multitude d’intérêts contradictoires et identifier des leviers transformateurs, au niveau de l’Etat, à tous les échelons de gouvernement, et au-delà des frontières du Grand Duché ? Quelles limites rencontre le Luxembourg dans son modèle de développement?
Retour sur une immersion au sein du dispositif “Luxembourg in Transition” que le Grand Duché a engagé pour s’adapter et repenser son projet de territoire à l’aune de la transition écologique et des objectifs zéro carbone à l’horizon 2050.
Un territoire sous tension
Le Luxembourg a connu plusieurs transformations rapides au cours du dernier siècle : ce territoire essentiellement rural et agricole est devenu une puissance industrielle de niveau mondial (6% de l’acier mondial) et a aujourd’hui, une place financière de premier plan. Cette attractivité économique a des effets majeurs sur la croissance démographique annuelle (supérieure à 2% par an depuis 2020), d’importants flux de mobilité transfrontalière (250 000 par jour) et un taux élevé de résidents étrangers (environ 50% de la population).
Ceci crée une pression considérable sur le territoire national, notamment les villes de Luxembourg et Esch, en termes de gestion de la pression foncière et immobilière, des ressources naturelles et des flux de population et de mobilité et ceci dans un contexte de changement climatique. Ainsi en 2021, le Luxembourg a l’empreinte carbone la plus élevée d’Europe avec 16 tonnes de CO2 par an et par habitant.
Planifier et mettre en œuvre la transition dans une perspective d’aménagement du territoire.
Le dispositif “Luxembourg en Transition”, inédit par son ampleur et les moyens mobilisés, a été mené en automne 2020 par le gouvernement national, pour faire émerger des solutions stratégiques d’aménagement du territoire avec un objectif de “zéro carbone” à l’horizon 2050.
Parmi les propositions issues de ce dispositif et désormais adoptées dans le PDAT (Programme Directeur d’Aménagement du Territoire) en 2023 : La reconversion de friches industrielles (Roüt Lens, Metzeschmelz, Belval etc.) pour libérer du foncier, avec des enjeux majeurs de dépollution des sols ; des solutions de mobilité décarbonée ; la construction de logements.
L’essentiel des échanges avec les différents acteurs rencontrés se sont concentrés sur les enjeux propres au déploiement effectif des principes de résilience, de cohésion territoriale, de gestion durable des ressources, de neutralité carbone dans les politiques publiques. Plusieurs limites ont été soulignées. Internes tout d’abord : liées à la nature non prescriptive de ce document et à l’autonomie des communes.
Externes ensuite résultant notamment de la nécessaire prise en compte des flux transfrontaliers (en provenance de Belgique, France et Allemagne) et des incertitudes quant à la capacité à mener des politiques de transition coordonnées avec les régions voisines.
La place de la voiture - et les initiatives de réduction de la dépendance au trafic automobile et de réallocation de la voirie au profit des espaces publics et espaces verts - constitue, à cet égard, un sujet de tensions importantes. La visite du quartier de la Cloche d’or a permis de souligner ces contradictions au moment de la mise en œuvre.
Quelles conditions pour un changement transformateur du modèle de développement luxembourgeois ?
Différentes pistes de solutions ont été évoquées. Sur le volet foncier, la fiscalité permettrait de réorienter les aides vers les ménages modestes et d’inciter, au regard d’un impôt dissuasif, à une meilleure utilisation du foncier disponible. De même, le co-living et le logement intergénérationnel pourraient être encouragés. En termes de transport, des investissements sont programmés dans les infrastructures de transport public, de même que le développement du vélo pour proposer des solutions robustes à la demande de mobilité entre les zones résidentielles périphériques et les bassins d’emploi.
Enfin, sur le volet foncier, l’État pourrait jouer un rôle plus actif dans la production de logements à travers la création d’une entreprise publique de construction. En complément des investissements patrimoniaux déjà engagés (Belval, Esch-sur- Alzette, Rout Lëns), les échanges ont souligné les enjeux propres aux politiques éducatives, culturelles, d’inclusion sociale, et de participation démocratique étendue aux non résidents.
Le dispositif Luxembourg en transition a permis de mettre en évidence les limites du modèle de développement luxembourgeois et de dégager des principes d’action et propositions pour guider l’action publique. Les clés d’un changement transformateur résident dans une meilleure gestion de la propriété foncière, une capacité de pilotage renforcée et des dispositifs renforcés de collaboration transversale.