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08.12.2022

Jean-François Fogel : « Nous formons les responsables de plateformes numériques à l’identique, qu’ils travaillent pour la presse ou pour des marques »

Le responsable d’une plateforme numériques, dans le jargon du travail en ligne, c’est un COO : chief operating officer.  L’Executive Master Management des médias et du numérique de Sciences Po Executive Education forme ces professionnels confrontés au changement incessant des technologies et des usages du public. Tout le problème pour ses étudiants est d’acquérir des certitudes sans s’abandonner jamais à ce qui serait une vision immobile du monde. C’est possible, comme l’explique son directeur, Jean-François Fogel, si l’on a pour objectif d’apprendre à voir le monde différemment plutôt que de s’enfermer dans des connaissances établies.

Maintenant que la numérisation est générale dans tous les secteurs de la vie publique, privée et professionnelle peut-on encore préparer des gens à vivre la révolution numérique ?

Jean-François Fogel - C’est tout le problème des programmes de formation à la transition numérique. Ils ont pris un sacré coup de vieux. Réussie ou pas, la transition numérique a été mise en œuvre à peu près partout. Et la question posée concerne la suite. Notre Executive Master existe depuis maintenant 15 ans. Il a d’abord accueilli des gens qui passaient ou allaient passer pour de bon d’un monde, au pire analogique, au mieux mixte, à un monde numérique. On était dans la pédagogie pratique : quelles techniques, quels processus, quels outils et quels modèles économiques pour réussir la migration d’un monde à l’autre ? Aujourd’hui on a des professionnels (du journalisme, de la communication, du marketing, de la gestion ou de la création de contenus) qui veulent savoir comment on fait tourner une plateforme numérique où se connectent des métiers multiples et le public.  On est passé d’une formation personnelle au changement numérique à la formation d’un responsable qui fait travailler tous les corps de métiers sur une plateforme. Cela suppose de former des gens qui ne sont pas pointus dans un domaine donné mais qui savent faire travailler ensemble toutes les équipes intervenant sur une plateforme : technique, marketing, création de contenus, data analyse, etc.

Vous formez des généralistes ?

Jean-François Fogel - Oui, mais des généralistes du numérique. Cela veut dire deux choses : d’une part, il y a la maîtrise du vocabulaire, des problématiques, des outils de chacun des métiers ; c’est indispensable pour être capable de parler avec un codeur, un community manager, un directeur éditorial ou un marketeur. Mais, d’autre part, il y a ce qu’est la culture numérique proprement dite : cette façon horizontale, itérative, sans cesse en mouvement de travailler et de créer. Ce que l’on apprend du numérique et de ses techniques peut toujours changer, mais si on apprend à changer dans cet univers, on ne sera jamais perdu.

Et comment y arriver ?

Jean-François Fogel - Beaucoup d’approches sont convoquées : l’intelligence collective, la gestion émotionnelle dans un groupe, les processus de création. Dans le numérique, apprendre c’est faire. Cela justifie que tout soit fait en collectif : les exercices, les débats, les visites. Mais cela justifie plus encore que tous les intervenants soient des personnes qui mettent la main à la pâte dans le numérique. Ils transmettent par leur enseignement ce qu’ils ont toujours fait de façon concrète dans des entreprises, des missions. Ils peuvent donc se baser sur la seule chose qui ait du sens dans un univers en changement permanent : l’expérience. A l’issue de l’Executive Master, les étudiants maîtrisent l’ensemble de l’écosystème des plateformes mais ils savent comment tirer le maximum du talent de collaborateurs parce c’est ce dont traitent au fond les intervenants.

« Dans le numérique, apprendre c’est faire. »

Jean-François Fogel

Directeur de l’Executive Master en management des médias et du numérique

Quels formats pédagogiques utilisez-vous pour favoriser la transmission de ces savoirs ?

Jean-François Fogel - La formation repose sur quatre grands piliers : manager une plateforme, manager un projet, manager une équipe et manager un média. C’est une façon de classer dans quatre grands tiroirs des savoirs dispensés de façon très opérationnelle. Il y a des cours, bien sûr, mais qui débouchent toujours sur des discussions entre les intervenants et les membres de la promotion. On est dans la formation : les étudiants sont des professionnels, comme l’intervenant. Au-delà, il y a une multiplicité de contacts : des masters class, dont je dirais peu car la règle est d’y parler librement et que rien ne fuite sur les réseaux ; une learning expedition à l’étranger (Londres, Berlin, Madrid, Stockholm, Oslo…) ; un très gros atelier d’innovation où la promotion se divise en équipes concurrentes. Enfin, la vie de la promotion constitue, en soi, un véritable levier pour favoriser l’apprentissage. Les étudiants ont pour beaucoup une solide expérience professionnelle et ils s’aident et débattent assez furieusement. C’est d’ailleurs dans cet apprentissage très concret que l’on découvre que toutes les plateformes qui produisent du contenu sont les mêmes. Que l’on travaille pour une marque ou pour la presse, on utilise les mêmes outils, les mêmes processus. Les objectifs, les ressources, l’éthique différent mais il y a une même ambition pour le responsable : que la plateforme donne tout son potentiel. Je n’oublie pas le mémoire à faire qui oblige chacun à étudier individuellement une thématique. C’est assez peu un exercice d’écriture et en revanche, très largement, une investigation/réflexion.

Constate-t-on une évolution professionnelle des participants après la formation ?

Jean-François Fogel - Elle est notable : deux ans après avoir achevé la formation, les deux tiers de nos étudiants ont changé de situation. Certains occupent un nouveau poste au sein de leur organisation, d’autres ont réussi à convaincre leurs supérieurs hiérarchiques de la qualité du projet qu’ils portaient. Des participants vont également décider de partir pour une autre entreprise, ou créer leur propre activité. L’Executive Master agit pour eux comme un tremplin. Lorsqu’ils rejoignent Sciences Po Executive Education, ils souhaitent donner une impulsion à leur carrière. Les échanges avec les intervenants et au sein de la promotion leur apportent l’élan nécessaire.

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