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13.01.2016

Journée Dirigeants - Journée au sommet

8 décembre 2015, Sciences Po Executive Education, 9h. Les étudiants de l’Executive Master Trajectoires Dirigeants arrivent, pour une journée d’échanges avec des dirigeants de multiples horizons.

Dans la salle, l’ambiance est chaleureuse – depuis plusieurs mois déjà, ces cadres revenus sur les bancs de l’école se côtoient dans les séminaires, les ateliers, les cours. Se confronter avec des idées novatrices, des expériences variées. Prendre la hauteur et le temps nécessaires pour élargir son champ de compréhension des enjeux contemporains. Voilà ce que sont venus chercher ces 20 cadres en s’inscrivant à l’Executive Master Trajectoires Dirigeants. Et ce rendez-vous constitue un véritable concentré des axes sur lesquels ils ont réfléchi depuis plusieurs mois. Alors ils ont minutieusement préparé les échanges avec les 4 intervenants, pour éprouver leur réflexion sur le leadership au contact de hauts dirigeants venus partager leur vision sans langue de bois. Retour sur une journée placée sous le signe de la franche discussion.

La tête dans les étoiles, les pieds sur terre

« Nous avons besoin d’innover et de nous remettre en question en permanence pour avoir une politique aérospatiale performante. »

Jean-Yves Le Gall

Président du Centre National d’Etudes Spatiales (CNES)

9h10 - Jean-Yves Le Gall ouvre la journée en emmenant directement les auditeurs dans l’espace. Fraîchement revenu du lancement du satellite Lisa Pathfinder dans la nuit, il partage avec le groupe les défis que le CNES a l’ambition de relever dans les années à venir. L’aérospatial est transformé en profondeur par la montée en compétences des puissances émergentes – la Chine et l’Inde notamment – et le NewSpace. Ces nouveaux acteurs issus du monde de l’internet appliquent les techniques et le modèle de la Silicon Valley au spatial. Prise en tenaille entre ces nouveaux venus, l’Europe spatiale doit dialoguer avec ces nouveaux acteurs pour en tirer les conséquences stratégiques.

A l’issue de cette intervention, ce sont 3 étudiants de la promotion qui prennent la parole pour dialoguer avec Jean-Yves Le Gall. Les échanges sont vifs. Ils s’attardent particulièrement sur des questions de management et de bonheur au travail, dans ce secteur très prisé : « Il est évident que les collaborateurs travaillent mieux quand ils sont épanouis au travail mais il faut se garder de tout rapporter à la vie professionnelle ; le travail n’est que l’aspect d’un tout », explique Jean-Yves Le Gall. Et de poursuivre : « Le spatial connaît actuellement un regain d’intérêt ; le revers de la médaille, c’est que parfois la réalité n’est pas conforme aux attentes des collaborateurs. Ce décalage, s’il est trop important, peut être un facteur de démotivation ». Pour éviter ce phénomène, Jean-Yves Le Gall a notamment souhaité renforcer la communication autour du CNES : « Depuis mon arrivée à la tête du CNES en 2013, j’ai souhaité faire de la communication externe à usage interne. Les collaborateurs ressentent une grande fierté quand le CNES est mis en avant dans les médias. Le feedback en interne est très positif, et ce phénomène renforce la mobilisation des équipes au quotidien ».

Le futur au bout des doigts

« La révolution digitale vous incite à vous dépasser. Vous n’avez pas l’aisance d’un digital native mais vous pouvez créer des passerelles avec le monde d’avant la transformation numérique. A vous de savoir vous emparer des formidables opportunités ouvertes par le digital. »

Françoise Gri

Présidente d’Honneur de l’Executive Master Trajectoires Dirigeants 2015

11h – Françoise Gri, ancienne Présidente Directrice Générale d’IBM France, de Manpower France et Directrice Générale de Pierre & Vacances est là pour partager sa vision de la digitalisation avec les étudiants de l’Executive Master. La conversation s’engage rapidement, autour de la question des enjeux de la transformation numérique. Comment faire pour saisir la révolution digitale en vol ? « Il faut trouver un équilibre entre l’ancien et le nouveau. Il faut avoir l’audace de s’attaquer à la rente pour pouvoir monter en charge sur d’autres projets. Il faut instaurer des ponts entre l’ancien et le nouveau. Toute la difficulté consiste à trouver un juste équilibre, et de le conserver au cœur d’un monde en perpétuelle évolution. Si c’est une erreur de ne pas investir sur l’avenir, c’en est aussi une de le faire trop tôt ».

Comment un dirigeant peut-il se forger une vision numérique pertinente ? « Vous avez un devoir de curiosité. Il faut que vous alliez voir comment les nouveaux vainqueurs travaillent, que vous soyez actifs. Partez à la rencontre des start-ups, expérimentez. C’est d’autant plus important que le rôle du dirigeant est majeur dans la transformation digitale. C’est à lui d’insuffler une vision à l’entreprise, de la transmettre à ses collaborateurs. La révolution digitale entraîne de profonds changements culturels, et ce qui va faire toute la différence, c’est la façon dont les collaborateurs s’approprient cette mutation ». En conséquence, c’est une véritable transformation du rôle du manager ? « Absolument. Le modèle du manager omniscient a fait long feu. Il faut être agile, déléguer. Il est essentiel de mener un leadership ouvert, d’être conscient des enjeux et à l’écoute du monde. Le manager digital, c’est celui qui sait s’entourer, qui va s’appuyer sur les talents de ses collaborateurs. »

Au cœur de Sciences Po

« Je tiens à préserver la singularité de Sciences Po. »

Brigitte Taittinger-Jouyet

Directrice de la Stratégie et du Développement de Sciences Po

14h30. Les étudiants accueillent Brigitte Taittinger-Jouyet. L’occasion de plonger au cœur de la stratégie de Sciences Po et de parler sans tabous des défis que Sciences Po devra relever dans les années à venir. Les étudiants entrent immédiatement dans le vif du sujet : « Entre école de commerce et université, l’identité de Sciences Po n’est pas clairement définie. Quel est le positionnement actuel et à venir de l’établissement ? ». Réponse limpide de Brigitte Taittinger-Jouyet : « La question n’a pas vocation à être tranchée. C’est justement ce modèle original, entre université et institution, qui fait la singularité de Sciences Po. Nous avons l’ambition double de renforcer la place de la recherche pour accroître la reconnaissance de notre institution sur le plan international tout en accordant une part importante au monde de l’entreprise dans nos enseignements. L’objectif est également de renforcer les passerelles entre le public et le privé ; les carrières ne sont plus linéaires et il est nécessaire de décloisonner les secteurs. »

Les étudiants de l’Executive Master, qui réfléchissent depuis plusieurs mois à la trajectoire du dirigeant, interrogent Brigitte Taittinger-Jouyet sur sa carrière. Avec un parcours professionnel empreint du sceau du privé – elle a notamment dirigé pendant 20 ans les parfums Annick Goutal – sa prise de fonctions à Sciences Po en 2013 était loin d’être une évidence. Qu’est-ce qui a motivé ce choix ? « En toute honnêteté, je n’avais pas envisagé de travailler à Sciences Po. C’est Frédéric Mion qui m’a proposé ce poste suite à sa nomination en 2013. A l’époque, le défi à relever est de taille : Sciences Po est en proie à de vives tensions. Sciences Po est une très belle marque ; j’avais envie de participer à la reconstruction de la maison et j’ai eu à cœur de relever ce défi. Je me suis appuyée sur mon expérience du privé notamment dans le secteur du financement ».

Le financement. Les étudiants en profitent pour rebondir sur le sujet : « Quel modèle économique pour Sciences Po ? Ne peut-on pas craindre que l’ouverture au financement privé ait un impact sur la culture de l’établissement ? ». Brigitte Taittinger-Jouyet explique : « A mesure que l’ État se désengage, le recours aux financements privés est indispensable. Je veille à trouver les bons partenaires. Une charte éthique va être signée par les chercheurs et les différentes instances de Sciences Po afin d’éviter les dérives. Par ailleurs, un comité d’éthique et de déontologie va être mis en place pour garantir la déontologie des financements. Bien encadrés, les liens avec les entreprises ne peuvent qu’être bénéfiques pour l’école. Cette proximité avec  le secteur économique permet également de renforcer l’insertion professionnelle, qui est un enjeu majeur pour nous. J’ai par ailleurs l’ambition de solliciter plus les anciens élèves pour contribuer au financement de l’école ».

L’engagement chevillé au corps

« Savoir trancher dans le gris. »

Alain Dinin

Président-Directeur Général de Nexity

16h30 – dernière intervention de la journée. C’est à Alain Dinin que revient l’honneur. Les étudiants l’interrogent sur son ascension. Il retrace les étapes de sa carrière professionnelle, des locaux modestes d’une petite agence qui appartient à la famille Arnault au poste de Président-Directeur général de Nexity depuis 2004.

Ce parcours atypique attise la curiosité des étudiants : quels types de risques faut-il prendre pour une telle évolution de carrière ? « Pendant tout mon parcours professionnel, j’ai toujours considéré qu’il était essentiel de savoir trancher dans le gris, faire des choix quand la situation est complexe. J’ai la conviction qu’il faut avancer pour que cela marche, être audacieux ». Audacieux, voire téméraire ? « Il faut savoir rester sur son ring : ce n’est pas la peine de monter au combat face à des catégories supérieures. Pour s’imposer sur le secteur immobilier, Nexity n’a pas combattu de front son principal concurrent, Cogedim, qui joue sur le ring des poids lourds. Nous sommes allés sur les bordures, le marché des primo-accédants. Et c’est grâce à cette stratégie d’occupation pas à pas du terrain que nous avons pu nous développer. »

Il conclut en rappelant que sa carrière n’a pas suivie une ascension linéaire : « J’ai vécu des échecs lourds, j’ai dû plusieurs fois repartir de rien. L’essentiel est d’avoir confiance en soi, de croire en son étoile. »

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