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16.12.2024
Management centré sur l’humain : l’adaptation des préceptes taoïstes dans les organisations modernes
En portant les notions d’harmonie, d’équilibre, d’humilité et de flexibilité au cœur de l’entreprise, les préceptes taoïsme offrent une approche renouvelée du management. Une gestion des équipes centrée sur l’humain, à même de réconcilier performance et bien-être des collaborateurs. Cette démarche s’inscrit dans une vision globale qui vise à transformer durablement les pratiques managériales.
C’est une philosophie qui a su traverser les siècles. Portée par le sage chinois Lao Tseu au IVe siècle avant Jésus-Christ, le taoïsme se pare aujourd’hui d’une nouvelle modernité en investissant de plus en plus le terrain des entreprises. Un nombre croissant de décideurs voient dans les préceptes de ce courant de pensée une voie efficace pour favoriser la bonne marche de leur organisation. Avec, au cœur de cette démarche, quatre notions clés : l’harmonie, l’équilibre, l’humilité et la flexibilité. Ces principes ne sont pas de simples idées abstraites ; ils peuvent être traduits en outils concrets pour transformer le management. Des notions qui peuvent être déclinées de façon opérationnelle, sur le terrain, dans une gestion des équipes centrée sur l’individu.
Cela repose d’abord sur l’application d’un principe clé du taoïsme : l’écoute active et l’observation attentive. « Les entreprises s’inspirent ainsi d’une force majeure de la culture asiatique : savoir analyser et comprendre une situation ou un environnement avant toute prise de parole ou action », explique Pr. Olivier Meier, directeur de l’Observatoire ASAP et enseignant à l’Executive Master Ressources humaines de Sciences Po Executive Education.
En parallèle, le top management est amené à réinterroger ses interactions avec les équipes. Ce qui conduit certaines organisations à privilégier le « servant leadership », comme le fait l’entreprise américaine The Container Store. Cela implique « la mise en place d’un leadership au service des collaborateurs, poursuit Olivier Meier. Le management est moins dirigiste, davantage facilitateur, et en soutien ».
En conséquence, les entreprises pourront, plus largement, faire évoluer leur organisation et les modes opératoires proposés aux collaborateurs. Elles privilégieront ainsi l’autonomie et l’esprit d’initiative des équipes pour renforcer leur flexibilité et leur capacité d’adaptation.
Privilégier la transparence des processus
Un travail spécifique peut également être mené pour accroître la transparence des processus au sein de l’organisation – en écho à la recherche d’harmonie et d’humilité prônée par les préceptes taoïstes. Ce levier de transparence joue un rôle central dans la construction d’une organisation résiliente et cohérente. Une démarche permettant d’éviter le climat de confusion et de méfiance qui gagne, parfois, les entreprises.
En réduisant l’asymétrie des flux d’information, et par conséquent les rapports de pouvoir et de domination, « les risques de propagation de rumeurs et de développement de suspicions seront significativement atténués », observe Olivier Meier. De même, le management aura tout intérêt à prévenir les biais de perception, à clarifier autant que possible les règles de contrôle, d’évaluation et de promotion. Cette transparence pourra prendre la forme de feed-back constructifs qui renforceront la confiance entre les équipes et les dirigeants.
Une réponse à la crise du sens
L’inspiration taoïste présente une autre vertu essentielle, selon Olivier Meier, spécialiste de ces questions : elle offre des réponses pertinentes à la crise du sens qui fragilise aujourd’hui les entreprises occidentales. « Le management asiatique propose, en ce domaine, des approches solides », observe-t-il. La plus fondamentale consiste à privilégier le temps long, en s’éloignant délibérément des injonctions d’efficacité immédiate et de rentabilité à court terme. « Cette approche, alignée sur le principe du Kaizen, privilégie une dynamique d’amélioration continue, ajoute-t-il. Il s’agit moins de viser des résultats spectaculaires que de s’inscrire dans une progression durable.
De même, le management asiatique œuvre à l’instauration d’un équilibre entre le collectif et l’individu. Cet équilibre se traduit par une complémentarité entre des valeurs communautaires et la reconnaissance des contributions individuelles. Le développement d’une culture collaborative et communautaire doit avoir un impact positif sur les salariés, leur offrant des repères et des éléments d’appartenance au collectif. Dans le même temps, « une solidarité organique se met en place : chaque individu est une pierre à l’édifice et a une contribution à apporter », expose Olivier Meier, auteur du livre Management interculturel aux éditions Dunod.
Une approche qui, à l’image des différentes variations du management inspiré des principes taoïstes, tend à placer l’homme au cœur de la réflexion, afin de privilégier l’harmonie au sein des équipes et l’adhésion des collaborateurs aux projets portés par l’organisation. De quoi permettre, in fine, de concilier performance et bien-être des salariés.
Management centré sur l’humain : l’apport de la recherche en sciences sociales
En réorientant le management vers l’humain et en favorisant des environnements de travail inclusifs et transparents, les sciences sociales deviennent un levier d’innovation managériale. En mobilisant des perspectives novatrices, elles apportent des outils clés pour répondre aux défis des organisations modernes. Des auteurs comme Michel Callon et Bruno Latour ont notamment exploré la notion de conflit organisationnel sous un angle novateur. « Longtemps perçu comme un frein par le management, le conflit, selon leurs travaux, peut au contraire devenir un moteur de solutions innovantes et de transformations positives », souligne le professeur Olivier Meier.
Autre exemple intéressant : le psychologue Serge Moscovici a étudié le rôle des minorités actives et la notion d’ « influence minoritaire ». « Il a démontré que le point de vue minoritaire peut souvent être source d’innovation et un apport pour modifier les ‘‘règles du jeu’’ et faire progresser une société », résume Olivier Meier qui vient de lui consacrer un livre récemment aux éditions EMS, Serge Moscovici et le rôle des minorité actives.
Enfin, les chercheurs en sociométrie ont, pour leur part, analysé la centralité d’une personne au sein de son réseau mais aussi sur la densité de ce même réseau. Ces travaux offrent des outils précieux pour évaluer les dynamiques d’influence au-delà des indicateurs traditionnels de pouvoir ou de hiérarchie. Leurs travaux permettent d’ « appréhender le degré d’influence d’un individu au-delà des notions classiques de notoriété et de réputation », indique Olivier Meier, professeur des universités (LIPHA Paris Est) et enseignant à Sciences Po Executive Education.