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19.11.2018
Rebecca David (Lopez) : " Le choix d'un mémoire au coeur de l'actualité : Communiquer face aux fake news "
Rebecca David (Lopez), diplômée 2018 de l’Executive Master Communication, aborde la thématique de son mémoire, un sujet au coeur de l'actualité : " Communiquer face aux fake news ". Témoignage.
Depuis mes études à l’IRIS, le rapport complexe entre la politique et les technologies, la géopolitique et le cyberespace me passionnent.
Début 2017, le sujet des « fake news » m’a interpellée pour trois raisons :
- Je sentais que derrière cette expression et ce phénomène
- présentés comme nouveaux à l’ère des réseaux sociaux et de l’intelligence artificielle, il y avait une longue histoire : celle de la propagande, des techniques de fabrication de l’information.
- Je trouvais stimulant de travailler sur une expression déjà décriée, instrumentalisée de toutes parts.
- Il y avait un certain fatalisme dans les analyses autour de la propagation des fake news : on aurait dit que l’on était tous devenus crédules et que l’on avait basculé dans la post-vérité. J’ai donc essayé de garder un certain recul dans mon approche et de rappeler qu’il n’y avait pas d’information neutre.
Mon objectif dans ce mémoire était de réfléchir aux actions de communication à mettre en place pour se prémunir et lutter efficacement contre les fake news. J’ai commencé par planter le décor en rappelant les bouleversements profonds du paysage de l’information analysés par le sociologue Gérald Bronner : scepticisme de masse, dérégulation de l’information (tous producteurs de contenus), accélération de l’information et course à l’audience, évolution des sources d’information, une prime aux opinions extrêmes sur Internet, la prolifération de réinterprétations, de théories du complot et de fake news… Mais aussi la guerre pour le contrôle du cyberespace et le leadership de l’information.
- J’ai cherché à éclaircir le phénomène des fake newset analysé les dispositifs de lutte mis en place à ce jour.
Ma définition était celle du Spiegel : « Information mensongère produite et diffusée de manière délibérée tout en ayant été pensée dans la logique des réseaux sociaux ». Etaient donc exclues du champ des fake news les informations à caractère satirique ou ironique. J’ai divisé les fake news en deux grandes familles : celles qui obéissent à des intérêts idéologiques, politiques, stratégiques et celles obéissant à des intérêts commerciaux, financiers.
J’ai analysé ce qui fait la force des fake news idéologiques et politiques – provoquer une émotion chez le lecteur (indignation, surprise…), confirmer ses préjugés – et leur finalité : le pousser à partager l’information pour faire de lui un ambassadeur.
J’ai constaté une grande diversité de fake news et l’absence de recette miracle. Les plus efficaces ne sont pas toujours les plus complexes et intelligentes. Il y a des opérations-éclair qui ont très bien fonctionné – le faux communiqué du Vatican annonçant le soutien du pape François au candidat Donald Trump – mais aussi des opérations de long terme que l’on ne parvient pas à contrecarrer – comme les récits russes du conflit syrien.
En tous les cas, une fake news a une durée de vie limitée (24-48h). Son succès dépend d’une diffusion massive, avec des repreneurs humains ou robots, mais aussi d’une diffusion qualitative avec des influenceurs (ou des individus suivis par des influenceurs), et des internautes organisés en communautés.
Deuxième famille, souvent minorée alors qu’elles tiennent le marché : les fake news putaclic ou clickbait. Nous les avons tous croisées sur Internet : elles traitent de tout et de n’importe quoi – du climat, de la santé, du bien-être – pour vous amener à cliquer et à partager. On peut se demander pourquoi on partage ce genre d’informations alors que l’on se doute bien qu’elles n’ont aucune exigence scientifique. Il est clair que nous avons de moins en moins de recul critique face à tout ce qui nous est pushépar les algorithmes. Par manque de temps et par paresse intellectuelle, nous sommes dans une consommation de médias conduite par l’émotion, l’image-choc, le texte facile, la démonstration rapide. Il y a aussi des biais psychologiques qui nous poussent à consulter en priorité ce qui confirme nos préjugés.
A partir de ces éléments, j’ai essayé de recenser et critiquer les dispositifs de lutte mis en place contre les fake news, par les
Etats, la Commission européenne, l’OTAN, les géants du numérique, via le fact-checking, l’éducation aux médias, le name and shamedes annonceurs…
J'ai analysé trois opérations de fake news que les victimes ont perçues comme étant de « haute intensité », ce qui a nécessité un dispositif de riposte conséquent:
- Les Macron Leaks (cyberattaque)
- Les faux communiqués de presse destinés à agir sur le cours de Vinci (usurpation d’identité)
- Les anti-Linky entre instrumentalisation et inquiétudes réelles face à la communication d’Enedis autour du compteur intelligent
Dans les trois cas, la riposte ne s’est pas limitée à un démenti mais bien à la construction d’une défense solide, et par l’intervention d’organes extérieurs afin de mener des investigations complémentaires.
- Apporter des outils et des bonnes pratiques pour le communicant à l’ère des fake news.
L’idée était de voir les fake news comme une opportunité pour les communicants et pour les marques pour repenser l’information qu’ils délivrent et les relations qui les unissent à leurs parties prenantes.
Les études le montrent : plus la réputation d’une organisation est solide, moins une fake news sera dévastatrice. Il s’agit donc d’entretenir ce capital essentiel et d’y adjoindre un certain nombre d’outils pour assurer un niveau correct de maîtrise de son environnement : une veille intelligente, de l’analyse stratégique et de la prospective, des simulations de crise, l’évaluation de ses actions de communication, et bien sûr la résilience de ses réseaux. En aval, j’ai rappelé les réflexes basiques de communication de crise : ne pas se précipiter ni céder au catastrophisme, mener l’enquête en cherchant la source de la fake news et en analysant son potentiel de nuisance.
Quelle que soit l’intensité de la fake news, le silence n’est plus une option raisonnable, un trait d’humour peut parfois suffire. On peut aussi recourir aux méthodes de contre-propagande consistant à accuser de désinformation, à appeler à la vigilance des internautes, et à gérer voire détourner l’attention via ses earned media.
Ce mémoire avait pour finalité de dégonfler le mythe autour de la toute-puissance des fake news. Celles-ci peuvent avoir des conséquences importantes (humaines, financières, réputationnelles), mais il s’agit avant tout d’un business. Il y aura toujours « une différence entre être atteint par une fake news, la consulter ou la diffuser, y croire et agir en conséquence » (François-Bernard Huyghe). Nous devons tous muscler et entretenir notre esprit critique, mais aussi développer notre maîtrise de l’économie des médias et de l’économie numérique.
Si je devais prendre du recul sur ce travail, je dirais que j’aurais pu me pencher davantage sur l’explosion des fake news en Afrique, qui devient un champ de bataille informationnel majeur pour la Russie et la Chine. Par ailleurs, malgré la sensibilisation croissante aux fake news via les médias, celles-ci sont loin d’avoir disparu et demeurent un instrument efficace en période électorale pour polariser et galvaniser les opinions.
Les fake news ne sont finalement qu’une étape dans la mutation permanente des manipulations de l’information. Dans les prochaines années, les médias dits alternatifs vont se multiplier et se normaliser, les attaques se feront plus personnalisées et passeront par des voies moins protégées du point de vue cyber et informationnel (pays de transit) ; l’on va aussi s’intéresser à la couche physique des réseaux d’information (câbles sous-marins, satellites) …
« Mon objectif dans ce mémoire était de réfléchir aux actions de communication à mettre en place pour se prémunir et lutter efficacement contre les fake news. »
Rebecca David (Lopez), Diplômée 2018 de l’Executive Master Communication
Pour en savoir plus
- Rebecca David (Lopez) : "J’ai souhaité rejoindre l’Executive Master Communication pour gagner en efficacité, donner un coup d’accélérateur à ma carrière et élargir mon réseau."
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