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12.10.2018

“L’écosystème français des startups est fascinant !”

Roxanne Varza, Directrice de Station F et diplômée de Sciences Po
 Pascal Othlingaus

Le 11 octobre dernier, les équipes de Station F intervenaient devant les étudiants de Sciences Po pour leur parler de la vie au sein de l'incubateur parisien, l'une des plus grandes pépinières de startups du monde. La directrice de Station F, Roxanne Varza, diplômée de Sciences Po, a notamment insisté sur la richesse des possibilités offertes par l'écosystème français aux entrepreneurs qui veulent se lancer, Paris demeurant injustement sous-estimée dans le monde de la tech. Elle a aussi présenté la "méthode Station F" pour révéler le potentiel des créateurs d'entreprises. Entretien. 

Vous avez grandi dans la Silicon Valley aux États-Unis. Qu’est-ce qui vous a amené à rejoindre le double diplôme Sciences Po - London School of Economics ? En quoi ces études ont-elles influencé votre trajectoire professionnelle ?

Roxanne Varza : J’ai fait une licence à UCLA (University of California Los Angeles) en littérature française : mes parents étaient très inquiets. Ils pensaient que je ne trouverais jamais d’emploi. À quel genre de métier ce diplôme pouvait-il bien mener ? Mon père pensait que je finirais, au mieux, prof de français moyennement douée. Après UCLA j’avais vraiment envie de travailler en lien avec la France. Je me suis donc débrouillée pour aller travailler à Business France à San Francisco. Business France est l’agence de développement économique de la France. Mon job consistait à aider les start-ups de la Silicon Valley à s’implanter en France. C’était un travail très intéressant mais aussi très difficile pour moi : je “vendais” la destination France alors que je connaissais très mal le marché français. Je ne me sentais pas très crédible. Quand on me disait “en France, c’est la grève en permanence, personne ne bosse, les gens ne font que leurs 35 h par semaine et basta”, je ne savais pas vraiment ce qui relevait de la réalité ou pas.

J’ai donc décidé d’aller faire des études de master en France, pour me rendre compte de la réalité par moi-même. Je n’ai candidaté que pour un seul programme : le double diplôme Sciences Po / LSE. J’étais persuadée que c’était le meilleur choix pour quelqu’un qui aspirait à une carrière en développement international.

Mais quand je suis arrivée en France pour démarrer la formation, je me suis rendue compte que l’univers des startups de la Silicon Valley me manquait énormément ! J’ai donc décidé de m’impliquer à fond dans l’écosystème entrepreneurial français... et je ne l’ai pas quitté depuis !

Pourquoi avez-vous décidé de travailler dans la tech en France ? Qu’est-ce qui fait la spécificité et l’attractivité de Paris en tant que “hub” mondial pour les entrepreneurs ?

R. V. : J’ai toujours eu envie de vivre et de travailler en France, j’avais cet objectif dans un coin de ma tête depuis de nombreuses années. Mais quand j’ai découvert l’écosystème français des startups, j’ai accroché tout de suite. Pour moi l’environnement entrepreneurial en France a toujours été beaucoup plus intéressant que la Silicon Valley. En Californie, j’avais la sensation que le marché était en voie de saturation : c’est devenu compliqué de se distinguer vraiment. Quand je suis arrivée en France, le secteur était très neuf, tout était à construire. J’ai eu le sentiment que je pourrais moi-même avoir un impact. Cet écosystème français doit affronter des défis très divers : je trouve cela assez fascinant. Et quelque part, je le trouve plus “sain” que le monde du travail américain où règne une culture assez rude.

 

Que peuvent faire les universités pour inspirer les étudiants et les aider à faire grandir leurs ambitions entrepreneuriales ?

R. V. : Je crois que les universités françaises ont parcouru beaucoup de chemin au cours des dix dernières années. Quand je suis arrivée en France en 2009, il y avait très peu de programmes dédiés à l’entrepreneuriat, et seules quelques écoles avaient un incubateur. Maintenant il y a des incubateurs et des formations à la création d’entreprise dans tous les établissements ! C’est fantastique de voir ça.

Aux États-Unis, les étudiants travaillent très souvent en parallèle de leurs études universitaires. C’est moins le cas en France. Quand j’étais à Sciences Po et LSE, j’étais rédactrice en chef de TechCrunch France, j’ai co-fondé l’association StartHer et j’ai organisé la conférence Failcon France. Je trouve que le moment où on fait ses études est la meilleure période pour vivre ce genre d’expériences : on peut se permettre de prendre des risques et de faire des erreurs. Je crois qu’il faudrait vraiment encourager ce type d’expériences.

En tant que diplômée de Sciences Po à la tête de Station F, le plus grand incubateur de startups du monde, quel conseil donneriez-vous à une étudiante de Sciences Po qui voudrait faire carrière dans la tech ?

R. V. : Je donne les mêmes conseils aussi bien aux filles qu’aux garçons ! (rires). D’abord, lancez un projet, de préférence pendant vos études à l’université. Je ne pense pas que tout le monde ait besoin de créer une startup, mais mener un projet, quel qu’il soit, est une des meilleures façons d’acquérir de l’expérience et de se constituer un réseau. Quand j’étais étudiante à Sciences Po, j’ai lancé mon blog (Techbaguette), puis une association (StartHer), une conférence (Failcon France) et enfin un média (Tech.eu). Il n’y avait pas de startup dans tout ça. Mais ces aventures m’ont apporté énormément d’expérience et de notoriété, et cela a beaucoup facilité mon insertion professionnelle après mon diplôme.

Deuxième conseil : profitez de vos expériences à l’international. Je suis sûre que le fait de venir en France m’a ouvert des possibilités que je n’aurais jamais eues aux États-Unis. En France, mon réseau international a été un atout très précieux : je sortais du lot. Je ne pousse pas tout le monde à s’expatrier, mais quand vous vous rendez à l’étranger pour une conférence, profitez-en pour rencontrer des gens, développer votre réseau. Cela vous aidera beaucoup.

Dernier conseil : apprenez un minimum de code. Vous n’avez pas besoin de devenir un développeur professionnel. Mais cela vous aidera dans tous les métiers et tous les secteurs, que vous travailliez ou non dans la tech.

Question ouverte : qu’avez-vous à ajouter à l’attention de la communauté des Sciences Po ? C’est à vous !

R. V. : Venez, on recrute ! :) jobs.stationf.co

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