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01.10.2021
“Au nom de la liberté scientifique” , Colloque en hommage à Fariba Abdelkhah
Les 23 et 24 septembre se tenait un Colloque organisé par le Comité de soutien à Fariba Adelkhah, le séminaire “Penser en pensant à elle” du CERI (Centre de Recherche Internationales) et le FASOPO (Fonds d’Analyse des Sociétés Politiques) avec le soutien de la Mairie de Paris, de l’Agence Française de Développement (AFD) et de Sciences Po sur la thématique : “liberté scientifique et risques du métier : la recherche comme profession”.
Un sujet actuel, crucial et passionnant : extraits.
Recherche, Université et Cité
Marie-Christine Lemardeley, adjointe à la Maire de Paris chargée de l’enseignement, de la recherche et de la vie étudiante a rappelé au public présent que la Mairie de Paris investissait dans la recherche scientifique en ayant à cœur d’en garantir la liberté absolue et de créer un lien de confiance entre la recherche, les Parisiennes et les Parisiens. Un privilège d’autant plus précieux quand on pense aux situations actuellement subies en Afghanistan, en Iran bien sûr mais aussi en Biélorussie comme cela sera évoqué plus tard lors de cet après-midi d’échanges.
Bénédicte Durand, directrice par intérim de Sciences Po, a rappelé la situation de Fariba arrêtée et détenue à la prison d’Evin depuis le 5 juin 2019, et depuis octobre 2020 assignée à résidence. “Comme le répète son comité de soutien, son combat pour la liberté scientifique est le nôtre” déclara-t-elle. Profitant de l’occasion donnée, elle a ensuite insisté sur l’urgence à “penser les libertés académiques pour mieux les défendre dans l’université comme dans la cité”. En effet, selon Bénédicte Durand, “une communauté de sciences sociales ne peut trouver le lieu de son indépendance et de sa liberté face à la violence”, d’où l’intérêt de se réunir aujourd’hui pour faire vivre les échanges sur cette question clef.
Thomas Melonio, directeur exécutif Innovations, recherche et savoirs à l’AFD a quant à lui mis en exergue l’exigence de rigueur scientifique, “les chercheurs, qui ont une mission de service public, doivent attester du sérieux, de la solidité de leurs résultats lorsqu’ils s’expriment dans les médias. La société française, mais on pourrait dire la même chose des sociétés de pays en développement, a besoin d’une parole scientifique libre, crédible et respectée à l’ère de la post-vérité”.
Recherche et libertés
Béatrice Hibou, organisatrice du colloque et pilier du Comité de soutien à Fariba, a quant à elle fait part de son inquiétude face aux conditions d’exercice actuel de la recherche. Elle a rappelé que “Faire science, c’est faire acte de distanciation, de dénaturalisation, de déplacement des limites de l’entendement, d’autonomie”, ce qui devait amener à “faire acte d’imagination et de création par la critique dans le respect de la rigueur et de la clarté dans les arguments “.
Irene Bono, présidente du Fasopo, a surenchéri à ces propos : “dans le travail du chercheur, le risque n’est pas seulement lié à la conjoncture, il n’y a pas de risque absolu, si ce n’est dans les situations les plus graves - tout comme il n’y a pas de liberté absolue. L'un des défis intellectuels de nous autres chercheurs, réside dans la négociation continue de nos marges de liberté”.
Béatrice Hibou a complété son propos en expliquant que les sciences sociales se sont construites sur la capacité à se saisir des situations difficiles pour les dépasser. Elle a insisté sur l’importance de s’arrêter sur la situation de l’Afghanistan - où les talibans ciblent les universitaires - et aux portes de l’Europe où les chercheurs sont emprisonnés.
Pour Adam Baczko, chercheur au CERI et auteur de “La guerre par le droit. Les tribunaux Taliban en Afghanistan” , “être universitaire en Afghanistan constitue en soi une forme d’engagement politique. On est déjà dans une forme de contestation.” Selon lui il n’y a pas de libre exercice du travail universitaire sous le régime taliban, la seule issue est de fuir, ce qui a été demandé par beaucoup et accordé à peu.
Ioulia Shukan de l’Université Paris-Nanterre a dépeint la situation en Biélorussie, où seule la recherche étatique perdure, la recherche non étatique se trouvant marginalisée, sans latitude d’action. “Petit à petit, les universités en lien avec les pays étrangers ont été fermées, notamment le centre franco-biélorusse d’études européennes, une formation diplômante réalisée en partenariat avec l’université de Bordeaux et le MAE français” témoigne-t-elle. "Les chercheurs indépendants agissent sous radars, font l’objet d’arrestations arbitraires, sont obligés de s’exiler pour s’installer dans des pays limitrophes, s’interrogent sur la faisabilité même de leurs enquêtes au regard du risque de mettre en danger leurs sujets", décrit-elle.
Après ces illustrations du besoin tout spécifique de liberté pour l’exercice du métier de chercheur, il était plus que temps de laisser place au débat.
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