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24.05.2016

“Les bibliothécaires sont encore essentiels”

Matthew Baker est responsable de la bibliothèque du campus de Sciences Po à Reims, qui accueille les étudiants des programmes euro-américain et Europe-Afrique du Collège Universitaire (1er cycle). Originaire de Détroit, dans le Michigan (États-Unis), il a beaucoup voyagé pour son travail - Bruxelles, Londres, Montréal, Addis Ababa, Genève - avant d’arriver à Reims en 2012. Il nous parle de son rôle de bibliothécaire aujourd’hui.

On dit souvent que,  pour les jeunes de  la "génération 2.0", internet remplace les livres. Néanmoins les bibliothèques ne désemplissent pas. Pourquoi est-ce que les étudiants ont toujours besoin de travailler à la bibliothèque selon vous ?

Matthew Baker : Je pense que cette "génération numérique" l’est de bien des façons, mais qu’on le voit d’abord au travers des activités sociales, du partage d’information, etc. Cependant, les étudiants semblent toujours préférer les textes "papier" pour des lectures détaillées, par exemple lorsqu’ils mènent des projets de recherche ou lisent des choses qu’ils doivent retenir.

Si on leur laisse le choix entre un même ouvrage en version numérique ou en version papier, très souvent les étudiants choisissent la version papier. La technologie évoluera, rendra la lecture sur écran plus facile, et différentes habitudes d’utilisation apparaîtront. Les bibliothèques doivent avancer au rythme de ces changements pour parvenir à livrer l’information dans le format le plus approprié aux besoins des étudiants.

Mais les étudiants ne viennent pas à la bibliothèque uniquement pour emprunter des livres. Ils viennent aussi y trouver un espace calme pour réviser ou travailler en groupe, ainsi que de l’aide offerte par les bibliothécaires. La bibliothèque restera donc un lieu important de la vie étudiante malgré les évolutions technologiques qui modifieront le traitement de l’information.

En tant que bibliothécaire, votre rôle a t-il évolué au fil du temps ?

M. B. : Le plus grand changement auquel j’assiste en tant que bibliothécaire est la mise à disposition croissante de ressources numériques. L’information devenant plus facilement accessible, les étudiants sont plus autonomes et le rôle du bibliothécaire évolue. Les bibliothécaires sont encore essentiels aujourd’hui : ils aident les étudiants à trouver les informations dont ils ont besoin, qu’importe leur format. Cela reste le rôle fondamental de la bibliothèque qui, je crois, perdurera malgré les évolutions des technologies : l’information reste la même, qu’on la trouve en version papier ou numérique. C’est le rôle des bibliothécaires que de savoir évoluer et  comprendre de quelles façons ils peuvent continuer à aider les étudiants.

Il paraît que vous êtes une star sur le campus de Reims, que la communauté étudiante vous admire. Comment expliquez-vous cette popularité ?

M. B. : Il y a un formidable groupe d’étudiants sur le campus de Reims, et c’est un réel plaisir de travailler avec eux. Je serais très honoré de savoir que le sentiment est partagé !

Je trouve important de dire aussi que ma collègue et moi-même, sur le campus de Reims, représentons une bibliothèque beaucoup plus vaste basée à Paris qui est constituée de beaucoup de personnes qui travaillent tous les jours pour faire fonctionner le système. Notre rôle est d’aider les étudiants qui utilisent les services de la bibliothèque, mais ça n’est que la partie émergée d'un iceberg soutenu par le travail de nombreux employés !

Avez-vous toujours été bibliothécaire ou étiez-vous le frère caché d’Albert de Monaco dans une autre vie ? Plus sérieusement, qu’est-ce qui vous a mené à devenir bibliothécaire ?

M. B. : On me confond souvent avec le Prince Albert, et je me demande comment je serais reçu à Monaco si j’étais amené à y aller un jour [rires]. Il n’y a pas de lien entre nous, malgré la ressemblance.

Je n’ai pas toujours été bibliothécaire. J’ai commencé par une carrière de journaliste avant de travailler pour un projet environnemental avec l’ONU. J’aimais utiliser la bibliothèque quand j’étais jeune, je pense que c’est un point commun à beaucoup de bibliothécaires. J’ai souvent regretté de ne pas être devenu bibliothécaire juste après avoir terminé mes études d’Histoire et de Relations Internationales ; c’est quand j’ai commencé à considérer l’idée de reprendre mes études que le choix de devenir bibliothécaire s’est imposé à moi. Je n’ai jamais regretté cette décision !

Les vacances d’été approcchent : y a t-il des livres que vous avez particulièrement aimé et souhaiteriez recommander ?

M. B. : Mes auteurs préférés sont - entre autres - Milan Kundera et Naguib Mahfouz. J’ai commencé à lire plus de littérature africaine depuis que le programme Europe-Afrique est arrivé à Reims et que la bibliothèque achète plus de livres de ce domaine. Un classique serait Le Monde s’effondre de Chinua Achebe. D’autres bonnes lectures : Jazz et vin de palme d’Emmanuel Dongala ou Lumières de Pointe-Noire d’Alain Mabanckou. Sinon Le Maître et la Marguerite de Mikhaïl Boulgakov est une bonne lecture d’été, La Cloche de détresse de Sylvia Plath, Mon coeur à l'étroit de Marie NDiaye, ou pour un bon roman d’espionnage : L'Espion qui venait du froid de John Le Carré.

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Légende de l'image de couverture : Sciences Po