Accueil>"Éviter le piège du fatalisme et celui de l'hubris"
26.11.2015
"Éviter le piège du fatalisme et celui de l'hubris"
Que s’est-il passé le 13 novembre ? Y a-t-il quelque chose qui n’a pas marché ? Que faut-il faire ? Ce sont les questions simples et obsédantes que Sciences Po a voulu poser à trois de ses enseignants et spécialistes du sujet mercredi 24 novembre, au cours d’une conférence organisée par l’École des affaires internationales pour “dialoguer ensemble sur les événements et tenter de retrouver nos repères”, selon les mots du doyen Enrico Letta. Les invités, qui enseignent tous les trois à Sciences Po, se sont exprimés sur ces questions avant de répondre aux questions des étudiants.
Remettre l’accent sur le “renseignement de terrain”
Louis Caprioli, ancien sous-directeur chargé de la lutte contre le terrorisme à la Direction de la surveillance du territoire (DST), a rappelé l’importance primordiale du renseignement obtenu sur le terrain : “nous avons beaucoup misé sur les moyens techniques et c’était nécessaire. Mais pour détecter les potentialités terroristes, il faut des informateurs”. Les autres priorités selon lui : la rationalisation du nombre de structures en charge de la lutte anti-terroriste en France, et la création d’une task-force pour améliorer les échanges entre les différents services de renseignement européens.
Plus critique envers les erreurs commises par les pouvoirs publics, Vincent Desportes, général de division de l’armée de terre française, considère que ces attaques comme une “faillite de l’État régalien”, et un “réveil brutal” pour une Europe qui “pensait avoir tué la guerre.” Pour lui, “la solution ne viendra pas des moyens militaires”. “L’action militaire ne peut servir qu’à créer de nouvelles conditions pour une solution politique et stratégique”, a-t-il martelé, en rappelant "qu’une coalition se construit autour d’un objectif commun. Le Moyen-Orient d’hier est mort. Tant qu’on n’aura pas de vision commune sur le Moyen-Orient de demain, nous n’aurons aucune efficacité en face de la stratégie très claire de Daech.”
Sur le plan intérieur, le Général Desportes s’est dit convaincu que des sacrifices “d’une partie de notre liberté” sont nécessaires.
“Renouveler notre analyse de la menace”
Plus nuancé sur ce point, Philippe Hayez, ancien directeur adjoint du renseignement à la Direction Générale de la Sécurité Extérieure (DGSE), a invité à “faire place à la raison”: “il faut éviter le piège du fatalisme, mais aussi celui de l’hybris, de la surréaction”. “Casser des portes au petit matin dans les cités et envoyer des bombes sur Raqqa, cela sert avant tout à montrer qu’on agit”, a-t-il souligné. Et d’inviter à sortir des “postures de circonstance”, à "penser d'abord pour être efficace" sur la durée, en “renouvelant notre analyse de la menace” : “je ne crois pas que l’État a failli. Il a en revanche commis l’erreur de penser que l’ennemi ressemblait à Al Qaida”. Parmi les solutions : réinvestir le territorial que “le renseignement français a abandonné”, et “mobiliser toute la communauté de sécurité, de manière large, en incluant l’ensemble des acteurs publics, des militaires aux assistants sociaux.”
>> Revoir la conférence en intégralité :