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08.11.2024
COP 16 Biodiversité : quelques pas vers l'équité, loin de la ligne d'arrivée ?
Sciences Po est le partenaire stratégique de l'Iddri (un think tank qui facilite la transition vers le développement durable), en matière d'enseignement comme de recherche, depuis 2007. Nous partageons ici une version courte du bilan réalisé à la suite de la COP 16 Biodiversité par Juliette Landry, responsable de recherche en gouvernance internationale et biodiversité, et Agnès Hallosserie, directrice du programme biodiversité.
> Retrouvez l'article en intégralité sur le site de l'Iddri, et ci-dessous le webinaire en ligne du 5 novembre animé par les deux expertes :
La COP 16 de la Convention sur la biodiversité biologique (CDB) s’est tenue du 21 octobre au 2 novembre 2024 au petit matin à Cali (Colombie), deux ans après l’adoption de l’accord historique de Kunming-Montréal (Iddri, 2023). Sous la présidence de la Colombie, cette conférence a connu des débats et des divergences notables entre les pays du Nord et du Sud, laissant certaines décisions cruciales en suspens. Cependant, des avancées importantes ont été réalisées. Que retenir de cette COP 16 et quels défis se profilent pour la suite, notamment pour la COP 17 prévue en Arménie en octobre 2026 ?
L’équité procédurale : une avancée notable
L’un des résultats les plus marquants de la COP 16 réside dans la création d’un organe subsidiaire dédié à l’inclusion des peuples autochtones et des communautés locales. Cet organe, qui symbolise une justice procédurale améliorée, garantit que les voix de ces populations seront mieux entendues et prises en compte lors des futures négociations.
Une autre décision symbolique et importante pour ces populations et la Colombie est celle de la reconnaissance du rôle des Afro-descendants, alors que la décennie de l’ONU pour les populations afro-descendantes arrive à son terme.
Le Fonds de Cali : un succès prometteur
Parmi les réalisations positives de la COP 16, la création du Fonds de Cali est sans doute la plus significative. Longtemps réclamé par de nombreux pays en développement, ce fonds incarne une reconnaissance de la nécessité d’une distribution plus équitable des bénéfices liés à l’utilisation et l’exploitation par le secteur privé des ressources génétiques, afin de soutenir la protection de la biodiversité.
Le Fonds de Cali est un mécanisme financier innovant auquel, chaque année, les utilisateurs des informations numériques sur les séquences génétiques (Digital Sequence Information ou DSI) devraient contribuer, à hauteur d’un pourcentage de leur chiffre d’affaires (0,1 %) ou de leurs profits (1 %). Le fonds prévoit de réserver 50 % de ses ressources pour des paiements directs aux peuples autochtones et communautés locales.
Les échecs et les renvois : la question du financement reste en suspens
Malgré ces avancées, la question du financement, et en particulier celle de la création d’un fonds plus “généraliste” pour la biodiversité et les pays en développement, a divisé les négociateurs. La Colombie a entrepris de proposer une solution, mais le manque de consensus et la fatigue accumulée après 24 heures de discussions intenses ont eu raison d’un résultat concret. Il n’y a pas eu de décision à ce sujet, certains délégués étant déjà partis avant la fin des débats.
La question est maintenant de savoir si la réforme du Fonds pour l’environnement mondial (FEM), prévue en 2025-2026, et le développement du Global Biodiversity Framework Fund (GBF Fund), créé par la COP 15 et placé sous le FEM, pourront répondre aux attentes (Iddri, 2024), et si le Fonds de Cali ouvrira véritablement la voie à de nouveaux financements significatifs. Pour l’instant, les annonces de promesses financières à hauteur de 163 millions de dollars supplémentaires au GBF Fund, portant l’ensemble des promesses à ce fonds à un peu plus 400 millions de dollars, n’ont pas convaincu les pays en développement.
Cette cristallisation des discussions autour de la question d’un nouveau fonds multilatéral a déteint sur la stratégie de mobilisation des ressources, au sujet de laquelle un texte avait été proposé par la présidence, mais qui n’a pu être adopté non plus.
Vers la COP 17 : maintenir la dynamique
Le manque de consensus et de temps dans les dernières heures a aussi empêché l’adoption de modalités claires pour l’examen mondial (Iddri-PBL, 2024), prévu pour débuter l’année prochaine et culminer à la COP 17. Cet examen, qui doit faire le bilan à mi-parcours du CMB, est pourtant crucial car il doit permettre, par la collection d’un maximum de remontées, d’identifier des leviers et éléments à débloquer sans attendre la fin de la période en 2030. De même, le cadre de suivi du CMB, qui nécessitait des précisions sur certains indicateurs, n’a pas pu être finalisé.
L’Arménie, pays hôte de la COP 17, hérite d’une importante responsabilité pour faciliter ces négociations, et donner un élan à la mise en œuvre du cadre mondial en 2026. Elle pourrait être soutenue par la Colombie, dont la présidence est active pour les deux prochaines années.
La COP 16 : révélatrice des difficultés du multilatéralisme
La dernière séance de la COP a été levée samedi matin, le quorum de représentants des Etats n’étant plus atteint. La plénière finale n’a donc pas épuisé tous ses points à l’ordre du jour, dont la mobilisation des ressources et l’examen mondial.
Si l’on a pu constater l’importance plus que nécessaire de la poursuite d’échanges mondiaux sur les questions d’environnement et de développement lors de cette COP 16, l’impossibilité d’y aboutir à un consensus matérialise les difficultés du système multilatéral à orchestrer ces dialogues et les mettre en cohérence (Iddri, 2023). La COP 29 de la Convention Climat (Iddri, 2024), qui débute à Bakou le 11 novembre prochain, et la COP 16 de la convention sur la dégradation des terres qui se tiendra à Riyad à partir du 2 décembre risquent de connaître des tensions similaires.
Par ailleurs, d’autres enceintes sont clés pour apporter des réponses aux défis du financement des transitions environnementales, mobilisant notamment les ministères des Finances, les banques de développement et le secteur financier. Le Brésil a abordé cette question dans le cadre de sa présidence du G20 cette année (Iddri, 2024) – et devrait y revenir lors du sommet des 18 et 19 novembre à Rio –, où il a notamment fait adopter des principes de haut niveau pour la bioéconomie et en marge duquel il a dévoilé sa proposition de création d’un fonds d’une nouvelle nature pour financer la sauvegarde des forêts sur pied (Tropical Forest Finance Facility). Le Brésil en fait des sujets clés dans le cadre de son accueil de la COP 30 du climat en 2025, que le pays souhaite notamment placer sous le signe des liens entre climat et biodiversité, tant au niveau des liens entre conventions que des avancées concrètes pour un certain nombre d’écosystèmes centraux pour le climat et la biodiversité, tels que les forêts tropicales.