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19.05.2020

Drôle d'économie !

Les personnes dotées de grands pieds sont-elles meilleures en orthographe ? Quel rapport entre le PIB, le réchauffement climatique et une crosse de hockey ? Peut-on mesurer le Bonheur National Brut ? Questions bizarroïdes et réponses tout en couleurs : c’est la marque de fabrique d’Econofides, un projet qui a pour ambition de redonner le goût de l’économie aux élèves de lycée par le biais d’une pédagogie interactive, narrative et ludique. 

À travers des Ebooks et une plateforme de micro-learning gratuits (couvrant les programmes de la Seconde à la Terminale), l’équipe d’Econofides, composée d’universitaires et d’enseignants du secondaire, développe de nouvelles façons d’apprendre. Yann Algan, professeur d’économie à Sciences Po et coordinateur du projet, et Stéphanie Fontaine, professeure de Sciences Économiques et Sociales (SES) au Lycée Charles de Gaulle de Poissy (78), racontent. 

Comment Econofides est-il né ? D'où ce projet tire-t-il son nom ? 

Yann Algan : Sciences Po et son département d’économie avaient déjà contribué activement au renouvellement de l’enseignement de l’économie à l’université, en participant au projet international Core Economics.  La maxime du projet : « Enseigner l’économie comme si les 30 dernières années avaient vraiment eu lieu (!) », en abordant tous les grands problèmes économiques du monde contemporain avec des Ebooks interactifs accessibles à tous et désormais utilisés dans plus de 120 pays. 

Pour aller plus loin, nous avons décidé qu’il était temps de s’adresser aux lycéens et de leur (re)donner le goût de cette discipline, qui leur apparaissait trop souvent sous une forme aride. Mais comment faire ? D’abord, il fallait réunir une équipe de choc ! En 2018, le département d’économie de Sciences Po s’est donc associé à une équipe d’enseignants du secondaire, l’Académie de Versailles, la Région Île-de-France et Artips, une start-up engagée dans la démocratisation de la culture et spécialisée dans le micro-learning (fondée par une diplômée de Sciences Po). Le projet a aussi reçu le précieux soutien financier du Fonds Axa pour la Recherche et de la Banque de France. Et l’aventure a commencé, avec cet objectif : redonner confiance (“fides”) aux lycéens dans leur capacité de comprendre et d’apprécier l’économie. 

Pouvez vous nous donner un exemple sur les contenus d’Econofides ?

Yann Algan : L’idée d’Econofides, c’est de proposer une économie concrète dans laquelle les élèves se reconnaissent. Pour cela, il faut créer des parcours remplis de notions accessibles, de mises en situation et d’une multitude d’anecdotes. Prenons l’exemple du programme de Seconde : le premier chapitre est consacré à la question « Comment les économistes raisonnent-ils ? ». Une des notions que nous souhaitons transmettre, c’est la différence entre corrélation et causalité - des concepts en apparence ardus pour des jeunes de 14-15 ans. Mais ils deviennent bien plus légers lorsqu’ils sont expliqués à travers l’histoire du rapport curieux entre le niveau orthographique des élèves et… la taille de leurs pieds !

Schéma expliquant la différence corélation/causalité © Artly

À partir de cette anecdote, la différence entre corrélation et causalité est expliquée, puis appliquée à une situation économique contemporaine comme la relation entre croissance et réchauffement climatique. Les élèves apprennent à distinguer le sens de causalité et le rôle des variables omises (l’âge qui explique la taille des pieds et le nombre de fautes). Puis un quizz leur propose une nouvelle application du concept : la corrélation entre la consommation de chocolat et le nombre de prix Nobel dans les pays du monde. Enfin de petites histoires expliquent les concepts “d’expérience naturelle” et “d’essais randomisés”. Les parcours numériques de Première et de Terminale sont plus avancés, évidemment, et bénéficient de ressources numériques très riches avec des vidéos, des graphiques interactifs, des études de cas et de données…  

En quoi ces contenus sont-ils originaux ? De quelle façon utilisez-vous les ressources Econofides avec vos élèves ?

Stéphanie Fontaine : Ces contenus sont d’abord originaux sur le fond : ils proposent aux élèves et aux enseignants des cours structurés pour répondre aux attendus des programmes scolaires et aux objectifs d’apprentissage ; mais ces cours s’appuient sur des références et des exemples concrets qui ont du sens pour les élèves. Les notions et mécanismes étant parfois d’un abord difficile, les cours sont développés pour faciliter une démarche d’apprentissage très progressive. 

Ensuite, l’originalité d’Econofides porte sur la forme des enseignements, avec des exercices interactifs de formats variés, qui permettent aux élèves de vérifier leur bonne compréhension des contenus et d’évaluer leurs acquis. Les ressources Econofides sont numériques. Elles trouvent donc leur place dans l’école d’aujourd’hui, puisque leur exploitation en classe, à partir de postes informatiques ou de tablettes, est particulièrement adaptée. Mais elles sont aussi compatibles avec une pédagogie inversée : je peux demander à mes élèves d’étudier certains chapitres avant la séance en classe, puis me consacrer à des explications complémentaires, à un approfondissement, ainsi qu’à des exercices d’application et de validation des acquis. J’invite enfin fréquemment mes élèves à réviser à partir de ces ressources, avant un devoir par exemple.  

Par qui Econofides est-il utilisé aujourd’hui ? Quel impact le confinement a-t-il eu sur la diffusion de ces contenus ? 

Yann Algan : Après une phase de conception, Econofides a lancé, pour la rentrée 2019, deux types de ressources numériques adaptées aux nouveaux programmes : 

Ces contenus avaient alors vocation à être testés dans les lycées de l’Académie de Versailles et de la Région Île-de-France. Puis le confinement a bousculé les choses : le Ministère de l’Éducation Nationale a décidé de lancer son programme « Nation apprenante », pour proposer des ressources numériques d’enseignement à distance pour l’ensemble des lycéens de France. Dans ce contexte, Econofides est vite apparu comme une solution “clef en main”... Et cette ressource est désormais en libre accès pour l’ensemble des élèves et des enseignants sur le portail du Ministère. Nous l’avons par ailleurs complétée avec des webinars pour l’ensemble des lycéens - comme un webinar sur l’impact économique de la crise du Coronavirus, que j’anime pour l’ensemble des élèves de Première.

Comment ces contenus sont-ils perçus par les enseignants et les élèves ? Econofides peut-il être un modèle pour d'autres disciplines ? 

Stéphanie Fontaine : Pour ma part, je vois dans ces contenus l’occasion de diversifier mes pratiques pédagogiques et d’évaluation. C’est ce qu’a confirmé une enquête menée auprès de professeurs expérimentateurs et utilisateurs des ressources Econofides en SES lors du lancement dans l’académie de Versailles : la majorité des professeurs exploitent régulièrement ces ressources à des fins variées (pédagogie inversée, travail en autonomie des élèves, cours dialogué, mises en application, révisions...). La quasi-totalité des professeurs se disent prêts à recommander ces ressources à leurs collègues et pensent qu’il serait utile de développer de telles ressources pour les autres champs disciplinaires du programme en SES (sociologie et science politique, Regards croisés...). On peut donc en déduire qu’Econofides pourrait être un modèle pour d’autres disciplines

Quant aux élèves, si certains ont pu être déstabilisés par cette nouvelle manière d’apprendre, ils sont pour la plupart favorables ou très favorables à ces contenus, qui permettent de diversifier leurs méthodes d’apprentissage et de s’auto-évaluer. Comme les autres membres de l’équipe académique Econofides, j’ai la conviction qu’une fois entrées dans les habitudes pédagogiques, plus aucun élève ne se sentira déstabilisé par les ressources Econofides !

Yann Algan est doyen de l’École d’Affaires Publiques (EAP) et professeur d’économie à Sciences Po. Il est aussi membre du Conseil d’Analyse Économique et du Conseil National du Numérique. 

Stéphanie Fontaine est professeure de Sciences Économiques et Sociales (SES) au Lycée Charles de Gaulle de Poissy (78) dans l’académie de Versailles. Elle a contribué à la conception des manuels numériques Econofides pour l’enseignement de la partie « Économie » dans les programmes de SES pour les classes de première et de terminale dans la voie générale. Elle coordonne le groupe de travail Econofides dans l’académie de Versailles pour les SES. En classe et avec ses élèves, elle s’appuie sur ces ressources dans le cadre de son enseignement en économie.

Pour aller plus loin :  

Légende de l'image de couverture : Etudiant apprenant l'économie © Artly / Sciences Po