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13.06.2016

Aux frais de la duchesse : la première bienfaitrice de Sciences Po

Quel est le point commun entre un ensemble Givenchy porté par Audrey Hepburn en 1966 et Sciences Po ? La Duchesse de Galliera ! Première grande donatrice de Sciences Po, cette philanthrope permit à l'École Libre des Sciences Politiques (le nom de naissance de Sciences Po) d'acquérir l'actuel bâtiment du 27, rue Saint-Guillaume, site historique du campus de Paris. Pour abriter sa prodigieuse collection d'art, elle fit également construire le Palais Galliera, actuel Musée de la Mode de la Ville de Paris. Marie Scot, historienne au Centre d'histoire de Sciences Po, revient sur la vie et les œuvres de cette généreuse bienfaitrice.

Richissime héritière, illustre femme du monde, hôtesse d’un salon parisien renommé, Marie Brignole Sale Galliera est l’anonyme bienfaitrice de l’École libre des sciences politiques.

La patricienne mondaine

Arrière-petite-fille de doges, issue d’une dynastie d’ambassadeurs, de généraux, de princesses de Monaco et de comtesses intrigantes, Marie de Brignole Sale descend de l’une des plus fameuses et plus influentes familles de Gênes. Son père, client de Napoléon Ier puis ministre du roi de Sardaigne, sera le « grand ambassadeur du petit Roi » à Paris entre 1834 et 1848. Soigneusement éduquée, douée en langues, extravertie et mondaine, Marie épouse en 1837 le marquis de Ferrari, prince de Lucedio et duc de Galliera, rejeton d’une lignée moins prestigieuse mais nettement plus fortunée. Aussi réservé qu’elle est exubérante, le marquis se consacre à la Révolution industrielle, authentique magnat de la banque et des chemins de fer qu’il contribue à étendre de l’Autriche-Hongrie à Istanbul jusqu’en Amérique latine. Installée à Paris, sa ville de prédilection, la duchesse donne des fêtes somptueuses dans l’hôtel Galliera (futur Matignon) et tient salon recevant la crème de la vie intellectuelle et politique parisienne. Femme puissante, apparentée aux Orléans*, elle héberge l’infortunée famille faisant de son hôtel de la rue de Varenne le lieu de ralliement des orléanistes où se croisent Thiers, Guizot, le duc de Broglie, Mérimée ou Sainte-Beuve. La petite histoire dit que Clemenceau, bloqué dans les embouteillages occasionnés par une réception en l’honneur de la famille royale, en aurait pris ombrage, provoquant leur exil.

Les lieux et les œuvres de la duchesse

Héritière d’une fabuleuse collection d’art, veuve richissime et mère d’un original qui refusera les titres, les propriétés et la fortune familiale, Marie, duchesse de Galliera, ne cessera de distribuer son immense fortune à ses proches, et de la dépenser en œuvres de charité et entreprises philanthropiques en tous genres. De l’Ospedale Galliera (Grand hôpital de Gênes) à l’Orphelinat Saint-Philippe de Meudon, en passant par l’Hospice Ferrari pour personnes âgées de Clamart, la duchesse laisse sa marque sur nombre de bâtiments et de palais. À Paris, elle fait construire dans le style de la renaissance italienne le palais Brignole-Galliera (futur Musée de la mode, Musée Galliera) pour y abriter la collection d’art qu’elle destine à la France. Révoltée par l’exil qui frappe les Orléans, elle reviendra sur sa décision, léguant le bâtiment à la Ville de Paris et sa collection à la Ville de Gênes.

La bienfaitrice de l’École libre des sciences politiques

Cette activité philanthropique, tournée vers la charité et l’éducation, trouve un récipiendaire tout désigné en l’École libre des sciences politiques. Nul doute que la fréquentation des cercles orléanistes a contribué à la rencontre d’Émile Boutmy et de la duchesse et au don d’un million de francs en 1877, qui permet à l’École de s’installer à demeure rue Saint-Guillaume en 1879. Son fils, Philippe de Ferrari, y enseignera une conférence d'histoire diplomatique des 17 et 18e siècle de 1877 à 1890.

*Sa fille fut élevée avec Antoine d’Orléans, duc de Montpensier; Louis Philippe est le parrain de son fils Philippe de Ferrari.

Marie Scot, chercheure au Centre d'histoire de Sciences Po

La version originale de cet article est disponible sur Sciences Po Stories, la fresque historique de Sciences Po. 

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