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10.06.2015

“Les économistes doivent entrer dans le débat climatique” Patrick Bolton, professeur à Columbia

Patrick Bolton, professeur d’économie à l’Université de Columbia (New-York, USA), et Pierre Ducret, président-directeur général de la Caisse des Dépôts Climat*, sont d’accord : le monde des finances s’engage - enfin- dans le débat sur le changement climatique. Au cours d’une conférence organisée à Sciences Po le 4 juin 2015, dans la perspective de la prochaine conférence climat (COP21) de décembre 2015 à Paris, tous deux ont cherché à mettre en évidence la responsabilité et le rôle que devaient maintenant jouer les finances publiques et privées dans ce grand débat sociétal. Et ont fait le point sur les solutions concrètes à mettre en pratique pour financer le développement durable.

La décarbonisation : une solution?

John Coatsworth, doyen de l’université de Columbia et modérateur de la conférence, a affirmé que les économistes étaient les premiers concernés par la COP 21. Ils auront, d'après lui, une grande influence sur les décisions finales, et ce sont eux qui pourront inciter à l’action.

Selon Patrick Bolton (professeur à Columbia), les investisseurs peuvent intervenir de trois manières : en désinvestissant, en s’engageant ou en “décarbonisant”. Seule la dernière action correspond selon lui à la double ambition des détenteurs de capitaux, qui cherchent à agir pour la société de manière responsable tout en gérant les risques. “Décarboniser” signifie encourager l’investissement dans les entreprises à faible empreinte carbone, dévaluant ainsi celles qui rejettent trop de CO2. Il propose de créer un index des entreprises en fonction de leur empreinte carbone et de supprimer de cette liste les 10 ou 20 % des entreprises les moins bien notées. Continuer à investir dans des entreprises polluantes, c’est prendre le risque de miser sur des actifs qui ont toutes les chances de se déprécier.

Comme l’a souligné Pierre Ducret, le développement durable ne doit pas seulement être posé en termes éthiques. Il représente aussi de réels enjeux financiers. C’est pourquoi les investisseurs doivent prendre en compte cette nouvelle donnée pour protéger leurs capitaux et les placer de manière responsable.

Public et privé ont leur rôle à jouer

“Le développement durable doit être majoritairement financé par des investissements privés, comme les assurances”, soutient Pierre Ducret. En effet, le passage à une société soucieuse de l’environnement ne peut se faire que par une évaluation et une limitation des risques. C’est pourquoi les assurances sont en première ligne.

Cependant, si la plupart des capitaux à investir se trouvent dans le domaine privé, les finances publiques peuvent elles aussi participer au financement du développement durable. Selon le président directeur général de la CDC Climat, les finances publiques doivent jouer un rôle de régulation. Cela signifie par exemple encourager les obligations “vertes” et développer la taxe carbone. C’est aussi faciliter la mobilisation de capitaux en créant des banques éthiques et promouvoir la traçabilité des actifs.

Néanmoins, cette transition vers une société durable exige une adaptation du monde des finances. Celui-ci doit modifier ses attentes, souligne Patrick Bolton : “de la recherche de résultats immédiats, les investisseurs devront apprendre la patience”.

*Caisse des Dépôts Climat (CDC Climat) est la filiale de la Caisse des Dépôts dédiée à la transition énergétique, à travers trois domaines de compétences, la recherche économique, le développement de projets innovants et l’investissement.

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Légende de l'image de couverture : Sciences Po