Accueil>"Faire des cartes, c’est acquérir un regard critique"

19.05.2016

"Faire des cartes, c’est acquérir un regard critique"

L’atelier de cartographie de Sciences Po fêtait ses 20 ans en 2015. Depuis sa création, il a imposé la carte comme un outil pédagogique innovant et interdisciplinaire, une marque de fabrique de la formation à Sciences Po. Un savoir-faire unique mis à disposition du grand public grâce à une cartothèque en ligne qui vient de faire peau neuve. Retour sur cette aventure de passionnés avec Patrice Mitrano, géographe-cartographe à l’atelier depuis 18 ans.

À quoi sert la cartographie dans la formation des étudiants ?

Patrice Mitrano : C’est Alain Lancelot, le directeur de Sciences Po à l’époque, qui a introduit la cartographie dans les enseignements en 1989. C’était radicalement nouveau, et cela s’insérait dans un cours qui était déjà un OVNI : le fameux cours “Grandes Lignes de Partage du Monde Contemporain” (ndlr : GLPMC, surnommé "glumps" par les étudiants de l'époque). Aujourd’hui, le cours s’appelle “Espace mondial”, et les cartes que nous produisons en font partie intégrante. La cartographie est un élément essentiel de notre pédagogie : elle amène les étudiants à présenter des idées sous une forme totalement différente de ce qu’ils savent déjà faire.

Votre mission “originelle”, c’est donc d’apprendre aux étudiants à réaliser des cartes ?

P. M. : Nous sensibilisons les étudiants à cet exercice qu’ils ne connaissent pas, notamment les étudiants internationaux. C’est très utile pour eux : formaliser un raisonnement sur une carte, cela ouvre des perspectives ! Il y a des réflexes qu’il faut casser pour produire de bons documents. Avec les cartes, on apprend à ne pas prendre les images pour argent comptant : les étudiants acquièrent une distance critique. C’est particulièrement important pour la génération actuelle, baignée dans une production iconique en flux continu. La carte, c’est une solution visuelle pour simplifier des données parfois très complexes. Le risque,  en simplifiant, est de pouvoir  faire dire aux données presque ce que l’on veut…

L’atelier est désormais largement connu au-delà de Sciences Po, grâce notamment à votre cartothèque.

P. M. : Oui, notre objectif avec cette cartothèque en ligne, est de diffuser nos outils au plus grand nombre : nous avons une consultation de près de 20 000 visiteurs par mois, (étudiants, élèves, enseignants, éditeurs…). Nous mettons à disposition du grand public plus de 1500 cartes, fonds de carte et diagrammes. La nouvelle version que nous venons de dévoiler sur notre site web rend les recherches encore plus efficaces qu’auparavant..

Vous produisez également des cartes pour les musées, les ONG…

P. M. : Nous avons eu la chance de réaliser les cartes du nouveau département des Arts de l’Islam au musée du Louvre, lors de sa création en 2012, mais aussi pour le Musée de l’histoire de l’immigration ou le musée Guimet. Des ONG font également appel à nous, car la cartographie reste un excellent moyen de sensibilisation. Tout comme les organisations internationales : par exemple, nous collaborons depuis une dizaine d’années avec le bureau des Nations Unies sur la drogue et la criminalité (United Nations Office on Drugs and Crime UNODC) : nous l’accompagnons dans la production de leurs rapports sur la traite des personnes (2014, eng., pdf) ou sur le crime contre les espèces sauvages (World Wildlife Crime Report, 2016, pdf, eng.). Pour faire des cartes, il faut avant tout faire preuve de curiosité et d’ouverture !

Pour aller plus loin :

Légende de l'image de couverture : @Atelier de cartographie/Sciences Po