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21.10.2016

“La force de Sciences Po est de mêler tous les regards”

D’abord étudiant rue Saint-Guillaume à Sciences Po, Pascal Perrineau y est ensuite chercheur. Le politologue revient travailler au sein de l’institution à la fin des années 1980 et prend la tête du CEVIPOF jusqu’en 2013. Une histoire qui continue aujourd'hui avec son élection à la présidence de l’association des Alumni, où il souhaite notamment porter la voix des Sciences Po dans le débat public. Rencontre avec le nouveau président de Sciences Po Alumni

Du droit à la science politique

Après mon baccalauréat à Tours, je me destinais plutôt au droit et c’est finalement en faisant du droit public que j’ai découvert l’objet politique, qui m’a tout de suite intéressé. Je venais également d’une famille où il y avait un grand intérêt pour la chose publique et la vie politique. Je suis monté à Paris pour finir mes études de droit européen et j’ai rencontré à l’université Paris I Georges Lavau, remarquable professeur de science politique. Avec lui j’ai découvert la science politique comme on la pratique à Sciences Po et ça m’a littéralement passionné. Sur son conseil, j’ai intégré Sciences Po. Je me suis alors détaché de ma discipline originelle qui était le droit et j’ai découvert les grandes traditions intellectuelles de Sciences Po, telles que l’histoire politique et la sociologie électorale. Les chercheurs de premier plan de cette maison m’ont donné envie de me tourner vers le monde de la recherche, qui répondait à ma volonté de comprendre les rouages de la politique. J’ai préparé ma thèse de doctorat puis je suis devenu chercheur au CEVIPOF. Mais comme je pensais que la recherche n’a de sens que si on la communique aux jeunes générations, j’ai passé l’agrégation en 1981 et j’ai été nommé professeur à Sciences Po Grenoble puis dans mon université d’origine, François-Rabelais à Tours.

20 ans à la tête du CEVIPOF

À la fin des années 1980, le directeur de Sciences Po Alain Lancelot m’a demandé de revenir puis m’a confié la direction du CEVIPOF. J’ai pris énormément de plaisir à diriger ce laboratoire pendant 20 ans et à y mener des recherches individuelles mais aussi collectives. Dans le cadre de la recherche collective, grande tradition du CEVIPOF, j’ai notamment réanimé la collection des « Chroniques électorales », éditée aux Presses de Sciences Po qui était tombée quelque peu en déshérence. En étant à la tête de ce laboratoire, je me suis aussi efforcé de le projeter davantage dans la vie publique en développant de multiples partenariats, avec des pouvoirs publics, des entreprises privées, des associations, le monde des médias… Il ne faut pas oublier que la recherche vit largement sur des fonds publics, la société attend donc légitimement un retour sur investissements.

Comprendre les ressorts de la politique

Au cours de ma carrière, j’ai travaillé sur de multiples objets de recherche mais je suis toujours resté extrêmement attaché à ce qui faisait la force de Sciences Po dans le paysage intellectuel : l’histoire politique, l’analyse de la vie politique et des courants d’idées qui l’animent ainsi que la sociologie électorale. À mon modeste niveau, j’ai voulu m’inscrire dans cette tradition et cet héritage intellectuel, qui m’ont formé et me passionnent. Le fil conducteur de mes recherches a été de comprendre de quoi la politique est le symptôme. Quels sont les ressorts derrière les comportements et les attitudes politiques ? Et ces ressorts ne sont pas toujours d’ordre politique, ils peuvent appartenir à l’héritage familial, relever de clivages sociaux, historiques ou religieux…

Un nouveau président pour tous les alumni

Mon parcours professionnel est l’histoire d’un long compagnonnage avec Sciences Po, c’était donc naturel pour moi de m’investir dans l’association des alumni, car j’appartiens profondément à cette maison et à la culture dont elle est porteuse. Je suis heureux que les anciens de Sciences Po aient bien voulu m’investir de leur confiance à travers leur vote. De plus, nous avons un conseil d’administration extrêmement riche, avec des gens qui viennent de tous les horizons professionnels : culture, économie, entreprise, administration, monde de l’enseignement et de la recherche… En revanche, je suis préoccupé par le taux de participation : à peine un alumni sur dix a voté. Les alumni sont donc des Français comme les autres, saisis par une certaine langueur civique, contre laquelle il va falloir lutter. L’un de mes défis en tant que président de l’association sera de m’adresser aux anciens moins engagés dans la vie de l’association et essayer de doubler le taux de participation. Je souhaite également faire vivre de manière plus intense la diversité des alumni, en région et à l’étranger. Je ne dis pas que rien n’a été accompli auparavant sur ce terrain, mais il faut renforcer ces actions, organiser plus d’événements hors de Paris, se déplacer, aller à la rencontre de ces alumni. L’objectif est de montrer que ce tissu incroyablement pluriel et chargé de multiples compétences, à une certaine cohésion.

2017, une année à grands enjeux

Une année de haute intensité politique s’annonce. Elle débute dès novembre 2016 avec l’élection présidentielle américaine et, en France, avec la primaire de la droite suivie de la primaire à gauche, puis l’élection présidentielle, les élections législatives et enfin les élections sénatoriales en septembre 2017. C’est un moment extraordinaire ! Il faut que Sciences Po s’en empare et que l’association des alumni l’accompagne. Ce qui a fait la force de Sciences Po pendant des décennies c’est sa capacité à parler au monde politique, à mêler les regards des universitaires, des politiques, des responsables économiques et sociaux et des journalistes sur l’objet politique. Il faut faire revivre cela avec beaucoup d’intensité au cours de cette campagne. Sciences Po ainsi que les alumni doivent être un forum pour contribuer à éclairer la lanterne des citoyens. C’est d’autant plus urgent et important qu’aujourd’hui, nombreux sont ceux qui ont perdu leurs repères. Ils sont saisis par la tentation du repli, ce qui s’observe à travers les taux de participation qui s’effondrent. Et là, Sciences Po a presque une vocation civique : faire vivre un débat public de qualité. La voix des alumni doit pouvoir s’exprimer à travers Emile, véritable porte-parole de notre communauté, mais aussi à travers l’organisation de multiples évènements, à Paris et en région, en France et à l’international.

Propos recueillis par Maïna Marjany (promo 14) - Article à paraître dans Emile n°7

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Légende de l'image de couverture : Manuel Braun