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20.11.2023

Handicap, sport et villes inclusives : les enjeux de Paris 2024

Amélie Oudéa-Castéra lors de la conférence à Sciences Po
Amélie Oudéa-Castéra lors de la conférence à Sciences Po (crédits : Thomas Arrivé/Sciences Po)

À la rentrée 2021, Sciences Po a pris l’initiative d’organiser un cycle de conférences sur 3 ans, dédié aux Jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) de 2024 et à leurs multiples impacts sociétaux. Chacune des six conférences semestrielles porte sur une thématique se situant au croisement des grands enjeux des Jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) et des domaines d’expertise académique et scientifique de Sciences Po. Jusqu’en 2024, Sciences Po a pour objectif de suivre l’actualité des Jeux au prisme des sciences sociales. 

L’attention portée au handicap est un des enjeux fondamentaux des prochaines olympiades. Alors que les Jeux de Londres en 2012 avaient significativement modifié la place accordée au Handisport, qu’en sera-t-il des Jeux Paralympiques à Paris ? Comment est mis en œuvre l’accès aux Jeux pour tous ? L'héritage des Jeux se traduira-t-il par une accélération des transformations urbaines handi-accueillantes ?  Quel rôle peuvent jouer les médias ? Quel impact est à attendre sur la perception du handicap ?

Autant d’interrogations soulevées ce mardi 18 octobre 2022 à l’occasion d’un débat organisé à Sciences Po portant sur le thème “Handicap, sport et villes inclusives : les enjeux de Paris 2024”, en présence notamment de Madame Amélie Oudéa-Castéra, ministre des Sports, des Jeux Olympiques et Paralympiques.

L’inclusion face au handicap, un futur indispensable

“À Sciences Po, nous avons une ambition très forte concernant le sport”, a souligné le directeur, Mathias Vicherat, en introduction. “Notre Certificat pour sportifs de haut niveau existe depuis 15 ans, nous venons de signer avec Impulsion 75 une convention qui permettra d’instaurer des approches mutuelles en matière d'insertion, de sport et d’échanges de bonnes pratiques entre étudiants et sportifs". Dans ce même cadre, a également été organisée ce 18 octobre 2022, une “Journée du sport”, sur le thème du sport et de l'inclusion sociale. Également très impliquée sur la question du handicap, Sciences Po accueille “près de 300 étudiantes et étudiants en situation de handicap, qui sont accompagnés et suivis” tout au long de leur scolarité. Ce sont donc ces deux prismes, joints à l’objectif de Paris 2024, qui ont conduit à l’organisation de cette conférence.

“Je trouve assez génial ce cycle que Sciences Po a instauré, car les Jeux, ce sont un projet sociétal, politique, évidemment et éminemment sportif, un projet à dimension écologique avec une exemplarité que l’on recherche, également en matière sociale”, a poursuivi Amélie Oudéa-Castéra. En évoquant plus particulièrement la tenue de la grande Journée paralympique organisée le 8 octobre dernier Place de la Bastille à Paris, elle a souligné le “sentiment révolutionnaire” éprouvé alors, un sentiment qui portait sur le fait “que l’on s’est dit que nous allions peut-être y arriver, à bouger les lignes”, à faire de ces Jeux “un marqueur”, avec un avant et un après.

En accueillant les Jeux paralympiques d’été pour la première fois en France, l’enjeu est également de modifier le regard porté sur le handicap. “Ce n’est pas de la rêverie douce. Les Jeux de Londres y sont largement parvenus en 2012 (...) 80% des Britanniques avaient alors estimé que les Jeux paralympiques avaient fait évoluer le regard de la société sur le handicap”, a-t-elle poursuivi.

Un emblème et un slogan communs, une seule équipe de France unifiée, les mêmes lieux de compétitions iconiques partagés pour les disciplines olympiques et paralympiques, sont autant de symboles qui, selon la ministre, forment les points d’appui de l’organisation des futures olympiades. 

Quels leviers pour un héritage durable ? 

“Nos jeux seront les plus grands Jeux paralympiques jamais organisés depuis leur création”, s’est enthousiasmé l’ancienne directrice-générale de la Fédération française de tennis : 4 milliards de téléspectateurs et 13 millions de spectateurs sont attendus, 4400 athlètes paralympiques se partageront 1700 médailles au travers de 550 épreuves représentant 22 sports. La diffusion par l’audiovisuel public des épreuves paralympiques est également capitale, ce sera ”un véritable levier pour donner cette visibilité qui va inspirer toute la société, susciter des vocations”.

“Agir signifie faire venir son existence du futur vers le présent" : pour poursuivre son intervention, la ministre a choisi de citer Bruno Latour, professeur émérite des universités à Sciences Po, récemment disparu. L’inclusion face au handicap est “un futur souhaitable et même disons-le, indispensable, utile, qui va améliorer non seulement le quotidien des personnes concernées, mais notre humanité à tous”, a-t-elle enfin partagé, avant de céder la parole aux autres invités de la soirée.

“Le pouvoir du sport comme un vecteur d’intégration”

Tommaso Vitale, doyen de l’École urbaine de Sciences Po et sociologue, était en charge d’assurer, autour de cinq invités, la modération de la table ronde portant sur l’héritage de ces Jeux paralympiques : seront-ils capables de porter, d’inspirer davantage de sports en ville ouverts à tous et toutes ?

À la question de l'héritage infrastructurel mais aussi symbolique de ces jeux, Ludivine Munos, multi-médaillée paralympique, responsable de l’intégration paralympique au Comité d’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, a souligné “l'engagement indispensable de tous les acteurs”, de toutes les parties prenantes : les organisateurs mais le grand public, encouragé à vivre la compétition en tant que spectateur et téléspectateur. 

Au-delà des enjeux sportifs, Tommaso Vitale a ensuite interrogé Emmanuelle Assman, médaillée paralympique, responsable du management projet EDF - Paris 2024, sur la démocratisation du sport en ville et dans les territoires et l’impulsion attendue par ces Jeux. “Il y a maintenant des adaptations incroyables, il n’y a aucun handicap qui empêche une pratique sportive”. Cependant, il y a encore aujourd’hui 48% des personnes en situation de handicap qui ne pratiquent pas une activité sportive. 

"Le sport m’a appris à appréhender mon handicap, à mieux me connaître et à l’accepter”, a confié l’ancienne escrimeuse, tout en précisant que le travail pédagogique doit “passer par la médiatisation, pour raconter des histoires et expliquer le pouvoir du sport comme un vecteur d’intégration” ainsi que par le travail des clubs et par la formation de personnels.

“Ces Jeux paralympiques auront de l’impact si on les regarde”

Pour Michaël Jérémiasz, multi-médaillé paralympique, cofondateur de l’entreprise sociale Handiamo et de l’association Comme les autres, “il faut que ces Jeux soient utiles (...) car on sait que ce sont les Jeux paralympiques qui vont transformer la société”.

Le diplômé du Certificat pour Sportifs de haut niveau de Sciences Po (CSHN) a insisté sur le fait que “ces jeux auront de l’impact si on les regarde” en soulignant l’importance capitale de la médiatisation autour de l’événement.

“Quels sont les leviers pour un héritage durable ?” En réponse à cette interrogation, Arthur Delaye, étudiant en situation de handicap à Sciences Po, en année de césure à la Fédération française de tennis, a partagé ses recommandations quant à la nécessité de “pérenniser ce beau projet qu’est la France inclusive pour toutes et tous” au-delà de la compétition : développer l’accessibilité dans les transports ; concilier transition écologique et transition accessible et veiller à la formation et à la sensibilisation des professeurs d’éducation physique et sportive dès l’école face au handicap, qu’il soit visible ou non.

Sociologue et directrice du Laboratoire interdisciplinaire d'évaluation des politiques publiques (LIEPP) de Sciences Po, Anne Revillard s’intéresse quant à elle à la question du handicap d’un point de vue sociologique et à la façon dont les JOP sont devenus un moment clé de mise en visibilité sociale et l’occasion de parler de toutes les dimensions sociales, des obstacles environnementaux et du regard de la société en matière d’inclusion et de non discrimination. “Il y a un enjeu énorme de formation (...), particulièrement celle des journalistes qui ont un rôle essentiel de diffusion de récits, notamment sur la question de “l’histoire que l'on veut raconter sur le handicap”, pour diversifier un peu l’image portée à ce niveau, notamment à l’occasion des Jeux paralympiques”. 

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