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20.10.2015

Hermès ou la quadrature de l'art

“Quand l’art déborde chez Hermès” : c'est le thème de la master class que Pierre-Alexis Dumas donnait le 1er octobre 2015 devant les étudiants de l'École de la communication. Directeur artistique d'Hermès depuis 2011 - et descendant du fondateur Thierry Hermès - Pierre-Alexis Dumas a abordé le lien entre art et luxe, la distinction entre art et art appliqué, et le rapport d'Hermès avec les artistes. Récit d'une conférence inspirée.

D’emblée, le directeur artistique définit Hermès comme une maison d’arts appliqués, au sein de laquelle 16 catégories de métiers utilisent leur créativité pour développer des objets usuels. Il ne s’agit pas ici de produire de l’art, mais bien d’une inspiration artistique qui vient enchanter les objets de notre vie quotidienne.

"Ils m'ont appris à écouter avec mes mains"

Petit, M. Dumas passait six heures par semaine dans un atelier avec deux artisans, qui lui ont tout appris de la vie dans les ateliers et du travail du cuir. "Ils m'ont appris à écouter avec mes mains", dit-il. Aujourd'hui, ce sont 2 400 artisans répartis sur 14 sites en France qui travaillent pour Hermès.

La première œuvre d’art que nous montre M. Dumas est un tableau d’Alfred De Dreux représentant une femme à cheval. Ce peintre romantique est un des personnages phares de la collection d’Émile Hermès, fils de Thierry (le fondateur de la maison), collection qu’Émile a commencée à l’âge de 12 ans avec une canne. On disait même qu’il était atteint de "collectionnite"… Mais le tableau qui viendra façonner l’image d’Hermès n’est pas celui de la femme à cheval, c’est un autre d’Alfred de Dreux intitulé Le Duc attelé (ci-dessus).

Regardez ce tableau. Maintenant, pensez très fort au logo Hermès. Vous remarquez une certaine ressemblance ? Bravo, vous avez l’œil. Si Émile Hermès crée son logo à partir de ce tableau, c’est parce que tous les symboles Hermès sont là : le duc attend son client comme une invitation au voyage, tandis que la beauté naturelle des chevaux fait écho à l’inclinaison romantique d’Émile Hermès et rappelle les débuts de la maison en tant que sellerie.

Sophia Delaunay et Jean Cocteau ont créé pour Hermès

Ce lien entre l’art et l’univers visuel d’Hermès établi, M. Dumas va nous montrer toute une série d’œuvres qui ont inspiré des motifs de textiles, principalement des illustrations pour des carrés. Au début du vingtième siècle déjà, Sophia Delaunay dessine des motifs pour le prêt-à-porter, tandis qu’un dessin de Jean Cocteau se retrouve reproduit sur un tapis de bain. Plus contemporains, le peintre français Claude Viallat ou le coloriste irlandais Richard Gorman vont eux aussi créer leurs carrés.

Si, entre art appliqué et art, on déplace le curseur un peu plus vers ce dernier, on retrouve aussi des initiatives comme Hermès Editeur, un hommage à l'art du carré qui débute en 2008 et compte aujourd'hui quatre éditions. Josef Albers, Daniel Buren, Hiroshi Sugimoto et Julio Le Parc ont ainsi chacun retranscrit une oeuvre sur la soie. Pour la dernière édition, six carrés reproduisent six des dix tableaux de La longue marche, oeuvre de Le Parc exposée en 2013 au Palais de Tokyo.

Trouver l'équilibre entre l'expression d'un talent et les codes d'une maison

Le carré Hermès, qui s’apparente à une toile, est le support privilégié des artistes qui collaborent avec la maison. Il fournit également une contrainte intéressante, car il n’est pas question de créer un dessin en rond ou en rectangle, mais bien en carré. Cette contrainte définit le rapport entre la maison et l’artiste : quand un artiste dessine un carré, il s’agit de trouver l’équilibre entre l’expression d’un talent et les codes d’une maison. Le carré qui résulte de cette collaboration n’est ni de l’art, ni un simple objet usuel, mais bien un art appliqué à l’objet qui augmente le plaisir procuré par cet objet. “Je pense que le rôle de l’artiste est d’éveiller les consciences, mais chez Hermès le rôle de l’artiste est d’augmenter l’expérience sensorielle”, explique M. Dumas. Mais aujourd'hui, avec toutes les commodités que nous avons à notre disposition, nous risquons de perdre empathie et sensibilité. L'objet de luxe est là pour réveiller cette sensibilité.

par Élise Jost, étudiante à l'École de la communication

> Pierre-Alexis Dumas intervenait dans le cadre du cours de deuxième année du master Communication, et du master in Communications (eng) intitulé “Quand l’art déborde”, et enseigné par le publicitaire Thierry Consigny (agence Saltimbanque) et Laurent Le Bon, conservateur de musée et président du musée Picasso. À Sciences Po interviennent 4000 praticiens issus du monde professionnel, qui ancrent dans la réalité les savoirs transmis aux étudiants.

Légende de l'image de couverture : avec l'autorisation de la maison Hermès