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10.02.2016
Histoire d'un engagement durable
Après avoir grandi aux États-Unis, cet ancien tennisman a découvert en master à Sciences Po ce qui allait devenir à la fois sa passion, son engagement militant, et son métier : le développement durable et la lutte contre le changement climatique. C'est aussi le sujet d'un ouvrage qu'il vient de signer avec Thomas Porcher, intitulé Le Déni Climatique (2015). Il nous raconte sa trajectoire.
Quel a été votre parcours académique ?
Henri Landes : J’ai grandi aux États-Unis et fait mes études dans un lycée français, puis un bachelor en histoire à University of California, Davis. Après avoir joué au tennis à un niveau professionnel pendant deux ans, je me suis installé en France, et j’ai choisi le master “environnement, développement durable et risques ” de l’École des affaires internationales (PSIA) (eng.) de Sciences Po. À ce moment-là, je ne connaissais pas grand-chose au sujet : je n’aurais même pas pu expliquer le concept de réchauffement climatique. Mais j’ai choisi ce master parce que j’étais persuadé que ce serait un sujet d’avenir.
C’est donc à Sciences Po qu’est né votre engagement pour les questions environnementales ?
H. L. : Les cours que j’ai suivi à PSIA m’ont énormément inspiré, notamment ceux de Jean Jouzel sur le changement climatique, et de Pierre-Henri Gouyon sur la biodiversité. Ces enseignements m’ont notamment permis de comprendre les liens entre problèmes environnementaux et problèmes sociaux et économiques. Nous avions les meilleurs experts du monde comme professeurs. L’atmosphère internationale parmi les étudiants qui venaient du monde entier en a fait une expérience très riche : j’ai rencontré des élèves très curieux intellectuellement, qui avaient envie de commencer à incarner le changement économique et social qui est nécessaire. Nous n’étions pas des hippies, mais des jeunes acteurs conscients, qui voulaient à la fois agir concrètement au quotidien, mais aussi contribuer à la réflexion
En 2011, vous avez été un des piliers étudiants de COP Rewind, la simulation qui a rassemblé 200 étudiants de Sciences Po pour rejouer la conférence climatique qui avait échoué à Copenhague. Qu’a représenté pour vous cette expérience ?
H. L. : Je me souviens de la présentation du projet collectif, François Gemenne nous a dit “on veut recruter 200 d’entre vous pour le projet de l’année. On va négocier tous ensemble l’avenir de la planète”. Au final, à l’issue de la simulation, nous avions écrit un accord plus engageant et ambitieux que la réalité. Mais il était frustrant de voir que nous n’avions pas vraiment de pouvoir. Pour créer des projets plus concrets, internationaux et qui dépassaient le cadre de Sciences Po, nous avons créé avec d’autres étudiants l’association CliMates (eng.), un “think-and-do-tank” sur le changement climatique. Je me suis également engagé comme vice-président du Réseau français des étudiants pour le développement durable (Refedd). L’idée était de faire de contribuer à former les générations de décideurs de demain et de leur donner une longueur d’avance sur le sujet.
Une fois diplômé de Sciences Po, cet engagement étudiant sur le climat est devenu votre métier...
H. L. : Oui, en sortant de Sciences Po, j’y suis devenu chargé de cours avec un enseignement sur la négociation, dans le cadre du projet FORCCAST de Bruno Latour. J’ai ensuite créé à l’École de la communication un cours sur la façon dont le développement durable peut s’intégrer à la stratégie de communication et de développement de différents acteurs (entreprises, associations, partis politiques…), pour préparer les étudiants à une problématique à laquelle ils allaient être de plus en plus confrontés.
J’ai ensuite rejoint le Parti Socialiste en tant que collaborateur politique sur le développement durable, tout en continuant à enseigner à Sciences Po et notamment à PSIA, où je donne un cours intitulé « Du local au global, la prise de décision sur l’environnement ». Il s'agit de montrer la question environnementale transcende toutes les échelles d’action et toutes les frontières.
Depuis juin 2014, je suis chargé de mission “Transition énergétique et COP21” auprès de Claude Bartolone, le président de l’Assemblée nationale. J’essaye de contribuer le plus possible au basculement vers une société plus vertueuse du point de vue de l’environnement. La parution de mon ouvrage Le déni climatique est un prolongement de mon engagement en tant qu’acteur politique, militant associatif et enseignant.
Le titre de cet ouvrage que vous avez co-signé avec Thomas Porcher annonce un contenu un peu pessimiste…
H. L : Non, c’est un livre optimiste, mais qui pointe du doigt l’incohérence des décisions prises sur le climat. L’idée derrière ce titre, c’est de dire que si nous ne changeons pas l’économie, la fiscalité, l’éducation nationale, l’enseignement supérieur, on ne parviendra pas à lutter efficacement contre le changement climatique. Les conférences climatiques sont nécessaires pour obtenir certaines décisions majeures, maintenir la dynamique, produire de la connaissance, sensibiliser les politiques et l’opinion, mais elles ne permettront pas à elles seules de régler la question. Dans les négociations, on réunit notamment des gens qui ont envie que ça marche. Mais les mêmes personnes, dans d’autres instances, vont ensuite prendre des décisions totalement contraires aux engagements pris lors des COP…
Vous avez des exemples ?
H. L : Pourquoi continue-t-on à donner des subventions publiques aux énergies fossiles ? Pourquoi nombreux traités de libre-échange sont souvent négociés et signés sans clauses sur le climat ? Par ailleurs, des indicateurs comme le PIB ne prennent pas en compte la dégradation de l’environnement ni les inégalités sociales.. Nous aurons réussi quand, d’une part, les COP deviendront véritablement des conférences sur l’économie, et d’autre part, quand à Davos, au G20, au G7 ou à l’OMC, le climat sera une question prioritaire.
Quelles solutions proposez-vous ?
H. L. : Nous faisons dix propositions dans le livre, parmi lesquelles un prix équitable sur le carbone - avec une taxe carbone internationale progressive - une révision écologique des programmes scolaires, ou la constitution d’un G7 de l’environnement, composé des pays les plus vertueux en la matière. Il faut accélérer le désinvestissement dans les énergies fossiles et réorienter massivement les financements vers les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique. Les solutions sont là : il faut simplement arrêter de prendre des décisions contradictoires. La réussite de la COP21 doit marquer le basculement en ce sens.
- Le déni climatique, Henri Landes et Thomas Porcher, Max Milo Éditions