Hommage à David Kessler, enseignant et compagnon de route de Sciences Po

Disparu le 3 février 2020, David Kessler, intellectuel, haut fonctionnaire, conseiller politique et acteur majeur du secteur culturel en France, a enseigné à Sciences Po durant une trentaine d’années. Avec lui, Sciences Po perd un enseignant de talent et un compagnon de route très fidèle, attentif et bienveillant, qui a soutenu l’institution dans toutes les grandes transformations qui ont marqué les dernières décennies. 

Un "hussard" de la réforme des études des années 90

Énarque, mais aussi normalien et agrégé de philosophie, David Kessler a pu assouvir à Sciences Po, en contrepoint de sa brillante carrière, sa constante passion pour l’enseignement qui fut son premier métier entre 1982 et 1986, comme professeur de philosophie en région parisienne. Dès 1989, alors qu’il entre au Conseil d’État et entame alors une longue et très riche histoire avec le monde de la culture, David Kessler donne ses premiers cours rue Saint-Guillaume. Il figure parmi les “hussards” de l’enseignement créé par Alain Lancelot, les “Grands enjeux du débat politique, économique et social” (plus connu, par les étudiants de l’époque sous son acronyme : GEDPES), enseignement de philosophie politique obligatoire pour tous les étudiants du deuxième cycle. Au cours des années 90, parallèlement à ses fonctions de directeur général du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) puis de conseiller pour la culture auprès du Premier ministre Lionel Jospin, David Kessler enseigne, avec Raphaël Hadas-Lebel, le grand cours d’institutions politiques de la section service public et assure une direction d’études, très prisée par les étudiants, au sein de la préparation aux concours administratifs. 

Une œuvre de passeur

Dans les années 2000, le haut fonctionnaire poursuit sa trajectoire dans les sphères politico-culturelles - il dirige, entre autres, le Centre National de la Cinématographie (CNC) puis France Culture, conseille Bertand Delanoë à la mairie de Paris, et s’investit plus que jamais dans un Sciences Po qui se transforme à vive allure sous la direction de Richard Descoings (1996-2012). Les médias et la culture se réinventent aussi avec l’ère d’Internet, et il en transmet sa fine connaissance aux étudiants dans plusieurs cours intitulés "les marchés de l'audiovisuel", puis "l'audiovisuel public", mais aussi "l'économie de la presse" et "l'économie des médias". 

Devenu conseiller de François Hollande à l’Elysée, en 2012, après un passage à la tête du journal Les Inrockuptibles, il diversifie sa mission d’enseignant avec un cours sur le "droit de la culture". Symbole des mutations d’un secteur dont il maîtrisait l’histoire et le présent, il était depuis 2015 à la tête de la filière Orange Content, et poursuivait son œuvre de passeur auprès d’étudiants passionnés par sa finesse d’esprit, sa connaissance profonde du monde de la culture et des médias, sa hauteur de vue, ses talents de “conteur” et son grand sens de l’humour. Sciences Po vient de perdre un remarquable enseignant, un conseiller et un ami précieux.