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07.10.2016
Hommage à Georges Balandier
Sociologue, spécialiste de l’Afrique, Georges Balandier a laissé son empreinte sur le monde de la recherche, des sciences sociales, comme à Sciences Po.
L’influence de Georges Balandier s’étend sur plusieurs générations de chercheurs et se poursuit jusqu’à aujourd’hui. Sa pensée, libre de tout dogmatisme, a contribué fondamentalement à changer le regard sur le continent africain. Grâce à un savoir riche et précis, une attitude bienveillante et généreuse, l’anthropologue qui s’est éteint le 5 octobre 2016 à Paris à l’âge de 95 ans, a révolutionné les études sur l’Afrique. Ses travaux ont contribué à mieux cerner les effets de la domination des pouvoirs coloniaux. On lui doit également d’avoir créé la notion de Tiers-monde.
Enseigner le sous-développement
Au milieu des années 1950, il enseigne à Sciences Po un cours pionnier au titre révélateur: “Les pays en voie de développement, aspects sociologiques et politiques”. A partir d’études de cas portant sur l’Afrique du Nord, l’Inde, la Chine et le Ghana, il décrit les problèmes de développement économique et pointe les conséquences sociales de l’industrialisation et de l’urbanisation. Ce cours s’inscrit pleinement dans l’approche pluridisciplinaire qui caractérise l'enseignement des problèmes contemporains à Sciences Po dans les années 1950 et 1960. Ainsi la décolonisation et le sous-développement sont abordés autant par la sociologie, l'anthropologie et la démographie, avec les cours délivrés par Georges Balandier, par Alfred Sauvy, directeur de l'INED et pionnier de la notion de sous-développement, et par Louis Chevalier, professeur au Collège de France, que par le biais des études coloniales, illustrées par les enseignements du géographe Jean Dresch, des historiens Charles-André Julien et Henri Brunschwig ou encore de l'islamologue Louis Massignon, professeur au Collège de France. Les Areas Studies en cours de constitution apportent également leur contribution, avec des cours sur l’Amérique latine délivrés par Fernand Braudel (EHESS) et Pierre Monbeig (Conservatoire des arts et métiers), sur l'Extrême-Orient par Pierre Gourou (Collège de France) et sur la Chine par Vadime Elisseeff, Etienne Balazs et Jean Chesneaux (EHESS).
Étudier le sous-développement
A Sciences Po, l'heure est également à la recherche sur le sous-développement. Grâce au soutien du ministère des Affaires étrangères et des fondations américaines Rockefeller et Ford, un Centre d’études africaines, rebaptisé Groupe d'étude sur les pays sous-développés, est créé en 1951, le CERI lance un projet majeur sur “L'étude des pays sous développés dans les relations internationales" en 1959 qui mobilise l'histoire, l'économie, la science politique et l'étude des relations internationales, tandis que l’IEP de Bordeaux fonde un Centre d’Afrique noire et celui d’Aix-en-Provence un Centre d'études nord-africaines, tous deux créés en 1958 et associés à la FNSP. L'expertise de Sciences Po en matière d'étude du sous-développement et de formation à l'aide au développement explique que l'établissement soit choisi pour les pouvoirs publics pour héberger un Centre de formation des experts de la coopération technique internationale (CFECTI) à partir de 1957, ainsi qu'un Centre des hautes études sur l’Afrique et l’Asie moderne (CHEAM) dédié à l'expertise. Le chemin original que George Balandier emprunte pour comprendre le monde, son goût de transmettre, son insatiable curiosité, sa conscience politique toujours aigüe, mais aussi ses talents de pédagogue et d’écrivain en font un anthropologue d’exception, dont la mémoire dans le monde des sciences sociales en général et à Sciences Po en particulier, n’en finit pas de résonner.